M�me si l�on persiste � entretenir les apparences, l�Alg�rie est de plus en plus mal gouvern�e. Ce grave constat qui donne froid au pays se voyait et s�entendait parfaitement � travers le JT de mardi dernier. Trait� comme un �v�nement exceptionnel, de par sa raret� et l�entorse � la ponctualit� dans les us des gouvernements, la tenue d�un Conseil des ministres, le premier depuis sept mois, ne met-elle pas en relief la longue absence du chef de l��tat ? Le fait m�me que cet instrument de propagande se soit appesanti � passer en boucle des images d�un pr�sident tenant son r�le face � des ministres assis en rang d�oignons ; et que, de surcro�t, une voix off �psalmodie� un communiqu� renseigne tout � fait sur les objectifs d�une telle mise en sc�ne. C�est que l�on ne gomme pas aussi facilement une ann�e de silence et plusieurs mois de d�fection sur le front de la gouvernance. Quitte � �tre soup�onn�e d�irr�v�rence, la presse aura dor�navant raison de poser frontalement la question de cette �vacuit� chronique au sommet de l��tat. Les journalistes dont c�est, d�ailleurs, le r�le d�expliquer et de donner surtout du sens aux signaux du pouvoir politique, n�ont-ils pas le sentiment qu�ils s��puisent � vouloir comprendre ce r�gime-l� ? De plus en plus �nigmatique et parfois irrationnel, celui-ci a fini par �tre inaudible aupr�s de toutes les strates de la soci�t�. Avare de sa parole, le premier homme du pays ne vient-il pas lui-m�me d�entrouvrir la porte aux supputations et installer dans le pays un climat d�l�t�re ? Le �cas Bouteflika� est �tonnamment abord�, non pas dans les caf�s de commerce mais dans les salons feutr�s o� s�invitent les membres de la nomenklatura. M�me les chapelles et les coteries qui lui furent fid�les depuis 11 ans commencent � donner des signes de nervosit� � la perspective de quelques retournements de situation. Elles, dont les adh�sions �taient bruyantes au moment de sa premi�re investiture, semblent � leur tour frapp�es par le doute. Un pessimisme contagieux qui n��pargne plus personne dans le microcosme et confine un peu plus dans sa solitude muette le chef de l��tat. L�attente, cette terrible paralysie qui est � l�origine de l�actuelle ingouvernabilit� du pays, exacerbe la critique � son endroit. De plus, il n�y a pas que le �malaise� des rentiers de la cour qui fait probl�me, il y a surtout la �mal vie� indicible qui gangr�ne la soci�t� et le sentiment d�injustice qui fait lever des arm�es de protestataires. L�illusion ayant fait son temps et achev� son spectacle, le bouteflikisme se pr�sente dor�navant sans les oripeaux de la mise en sc�ne. C�est parce que ce r�gime-l� a donn� � croire qu�avec lui le pays inaugurait un temps nouveau qu�il est aujourd�hui rappel� � cette promesse non tenue, et par voie de cons�quence, d�sign� comme l�unique responsable de la d�liquescence rampante de la puissance publique. Us�e et abus�e par l�immoralit� de nombreux dirigeants �clabouss�s par les scandales de corruption, l�opinion tient grief au chef de l��tat de ne faire ni le m�nage ni de s�exprimer clairement sur l�origine du pourrissement galopant. C�est ce sentiment trouble et profond�ment int�rioris� comme un parjure de sa part qui, aujourd�hui, d�mon�tise son magist�re et inocule dans les esprits la gravissime id�e de sa d�-l�gitimation. Ainsi, le ��a ne marche pas� des uns et des autres, les rares fois o� ils osent s�exprimer publiquement, ne proc�de gu�re de l�autocritique mais de la cynique modalit� de se repositionner �ailleurs�. En effet, les rangs, qui soutiendraient encore l�homme providentiel durant le restant de son mandat iront s�rement en s��claircissant. Cette infid�lit� en perspective ne surprendra pas outre mesure lorsqu�on en mesurera les cons�quences pour le destin de celui-ci. Il l�aura, d�une certaine mani�re, provoqu�e par quelques traits de son caract�re. Ayant toujours cultiv� un go�t excessif pour l�exclusivit� de l�image, il n�a jamais souffert et accept� le compagnonnage que lorsqu�il en �tait le leader. Sa propension � focaliser sur son unique autorit� les feux de la rampe a de tout temps raval� l�ensemble des dignitaires de son r�gime aux rangs de qu�mandeurs. Tant que son �nergie �tait au rendez-vous il �tait parvenu sans effort � cimenter, sur la base de sordides privil�ges, cette suj�tion � sa personne. Un exercice qui lui avait permis une long�vit� exceptionnelle mais qui semble d�sormais au-dessus de ses forces. Depuis sa r��lection, en avril 2009, n�a-t-il pas commenc� � donner des signes de lassitude politique ? Une sorte de d�crochage mental rapidement perceptible dans sa mani�re de se mettre � �distance� et de la gestion du pays et de la population qu�il affectionnait tant auparavant. Le refus de remanier en profondeur le gouvernement et son indiff�rence � recadrer l�action de celui-ci posa tr�s t�t un probl�me. Pire, il opta pour une incompr�hensible �invisibilit� � m�diatique en rompant avec les bains de foule en province et une �conomie de discours officiels. Un contraste qui jure, non seulement avec la trajectoire du personnage mais �galement avec les pouvoirs exorbitants qu�il a voulu s�approprier � partir des amendements constitutionnels. Tout cela a, par cons�quent, suffi � mettre en marche le moulin des rumeurs et des conjectures. Bouteflika per�u seulement comme une image virtuelle projet�e par la t�l�vision et non plus comme ce premier homme du pays dictant, orientant et sanctionnant. Voil� comment le trouble s�est instill� dans l�atmosph�re du pays jusqu�� sugg�rer l�imminence d�un cr�puscule politique ! Allusion s�rement pr�matur�e au regard du calendrier �lectoral (2014) sauf que cette forme de renfermement sur soi de la part du chef de l��tat puis son d�sir de demeurer en retrait affectent durement la conduite du pays et l�interpellent justement sur ses intentions. La question est maintenant pos�e.