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Ind�pendance de la justice : quelle ind�pendance ? Pour qui et pour quoi ?
Publié dans Le Soir d'Algérie le 29 - 11 - 2009


Par Me K. Kerbouche*
Depuis des lustres, on lit et on entend dire �ind�pendance de la justice� et depuis le temps qu�on entend le dire, on se pose la question de l�attente qui dure, de la r�forme qui ne se mat�rialise pas, qu�il n�est pas urgent de se pencher sur la marche de la justice ou que la justice est bien comme elle est et qu�il ne faut rien y changer et qu�il suffit d�op�rer un simple mouvement dans les rangs de ses hommes pour que le syst�me continue � fonctionner.
Bref elle est devenue l�Arl�sienne. Alors qu�en t-il ? Et bien si l�on continue de parler de l�ind�pendance de la justice, c�est que l�on voit de temps en temps des fr�missements, mais les r�formes tardent � venir et la derni�re appliqu�e est loin des pr�occupations du justiciable eu �gard aux difficult�s d�application et laisse l� appareil inefficace et emp�tr� dans ses difficult�s relationnelles avec les justiciables, avec les auxiliaires de justice, avec les criminels dont il a la charge et se retrouve la �mineure sous tutelle� de l�administration, c'est-�-dire incapable de d�cider seule des mesures propres � assurer sa bonne marche, assurer la s�curit� et la sauvegarde du citoyen et pr�server les droits et le patrimoine du justiciable. En effet, qui peut ex�cuter une d�cision de justice pour restituer � un justiciable son habitation usurp�e par un indu occupant ou un locataire ind�licat ou remettre � un h�ritier sa part d�h�ritage sans avoir l�aval du wali � au nom de l�ordre public � et s�il n�est escort� de la force publique et quelle est la victime qui peut esp�rer voir juger son agresseur si l�administration ne consent � le rechercher, l�appr�hender et le pr�senter et si la proc�dure est pr�sent�e, aussit�t boucl�e, et non laiss�e sur un coin de bureau jusqu�au bouclage d�autres proc�dures, et pendant ce temps l�agresseur identifi� et ayant reconnu les faits se pr�lasse et la victime se morfond et d�sesp�re. Alors qu��tant donn� l��volution tragique et vertigineuse des agressions � jusque et y compris les accidents de la circulation � et puisqu�on parle de r�formes, pourquoi ne pas �tendre la proc�dure de �r�f�r� au p�nal et en cas d�agression par arme blanche et pour une ITT de 1 � 15 jours, �tablir la proc�dure et faire juger l�auteur au plus tard dans les 48 heures apr�s les faits comme cela se fait ailleurs car la proc�dure de flagrant d�lit a pris la f�cheuse tournure d��tre appliqu�e des mois apr�s la commission des faits, et ce d�autant que cette acc�l�ration est en ad�quation avec la technologie adopt�e par les juridictions. Et en attendant les grands chantiers r�formistes, on b�tit des immeubles � plusieurs �tages, imposants par la structure, compl�tement recouverts de marbre et de technologie et on travaille m�me pendant le repos hebdomadaire, et pourtant l�appareil judiciaire est rest� ankylos� et ne peut se lib�rer des liens qui l�entravent et il n�arrive pas � mettre fin � la rengaine populaire disant �il n�y a plus de justice�. Et ce n�est pas la seule. Rien n�est fait pour y mettre un terme et faire en sorte pour que dans ce pays, le citoyen s�il ne peut acc�der � une vie d�cente, qu�il soit au moins prot�g� dans son int�grit� physique et morale et que ses biens soient pr�serv�s des pr�dateurs et que ses droits fondamentaux � ceux de l��tre humain consacr�s universellement depuis plus de deux si�cles � lui soient assur�s par la justice m�me si d�aventure il lui arrive d�avoir affaire � elle car nul n�est � l�abri de l�impr�vu (des coups fourr�s ?). Et en ce cas, qu�il ne soit pas jet� dans une �basse-fosse� et que son jugement soit remis aux calendes grecques. Et comme il n�a pas fallu de commission, ni un certain temps pour d�cider d�ouvrir des guichets pour �tablir un extrait du casier judiciaire, il n�en faudrait pas beaucoup plus pour �vacuer des dossiers de d�tenus ou de victimes qui veulent voir leurs bourreaux compara�tre, ou ex�cuter un jugement envers et contre un scribouillard qui s�y oppose alors qu�il est l� pour g�rer une administration publique et non sa boutique et �ventuellement l�inculper d�opposition � l�ex�cution d�une d�cision de justice car si le d�lit existe pour le simple particulier, pourquoi ne l�est-il pas pour un agent de l�Etat � quelque grade qu�il se trouve ? � l�immunit� ne joue que pour les cas �num�r�s par la loi, et ce n�est pas � l�appareil judiciaire d�en faire une extension et cela au d�triment de son autorit�) mais comme il en est ainsi actuellement, il ne reste que le petit voleur � la tire � le lampiste � qui fait courir tout le monde et encombrer les r�les du correctionnel et les grands pr�dateurs ont tout le loisir de disposer comme ils l�entendent de ce pays et de ses gens sous le regard impavide de dame justice. Si par impossible, il advenait que l�un d�eux tombe dans les filets, ce n�est qu�un petit r�glement de compte et encore une fois ne seront amen�s que les lampistes, ceux tomb�s en disgr�ce ; mais les t�tes, m�me �ceux poursuivis par la vindicte populaire�, faisant l�objet de manchettes en premi�re ou deuxi�me page de quotidiens non seulement ne seront pas inqui�t�s mais ne quitteront pas leurs postes, ne feront pas de mise au point, ne daigneront m�me pas r�pondre aux manchettes et continueront leur traintrain quotidien. Pis, ils continueront � se d�placer en cort�ge et sous la protection de tout ce que compte le pays de services de s�curit�. Et le citoyen qui paie des imp�ts ; des taxes, la TVA et diff�rents droits, a-t-il le droit de d�poser une plainte contre celui qui s�accapare les deniers publics, les dissipe ou en fait un usage ill�gal ? Th�oriquement, c�est possible, mais l�opportunit� des poursuites appartient au minist�re public et sa hi�rarchie, c'est-�-dire jusqu�au ministre de la Justice, mais parfois des mains occultes se m�lent de la partie et le trafic d�influence, qui est pourtant un d�lit et r�prim� par le code p�nal, intervient et son intervention peut parfois atteindre les hautes sph�res. Parfois ce sont les rouages de l�Etat qui posent la chappe de plomb sur l�affaire et aucune suite ne lui est r�serv�e et le �cadavre� est laiss� l� � pourrir, qu�il sente, qu�il pue, cela ne d�range pas beaucoup de monde l�-haut (et on dit que l�oxyg�ne se rar�fie dans les hautes sph�res). Il est vrai aussi, et cela se voit dans la pratique de tous les jours, qu�un certain minist�re est pr�pond�rant sur tous les autres m�me sur celui de la justice et il dispose de moyens qui deviennent de v�ritables end�mies non seulement pour les citoyens mais aussi pour le personnel qui compose ses rangs. Pour rester pratique et constructif, et pour pr�server le citoyen des al�as de l�administration et les d�passements de certains bureaucrates v�reux, ce qui rev�t un caract�re urgent, capital et fondamental et en m�me temps dans l�esprit de ce qui a �t� instaur� au niveau de la justice par le code de proc�dure civile (loi 08 � 09 du 25.02.2008 art. 994 et s. et D�cret ex�cutif n� 09 � 100 du 10.03.2009 concernant le m�diateur judiciaire qui n�est pas d�une extr�me n�cessit� puisque les magistrats sont l� pour �a), il serait possible d�instituer au niveau de chaque structure administrative (APC, direction de wilaya relevant de minist�re, agence de soci�t� d�livrant un service public d�encaissement et de paiement), un fonctionnaire ayant rang d�administrateur avec pour mission de recevoir les dol�ances et plaintes des citoyens sur l�accomplissement du service public et assimil� et les r�soudre avec le fonctionnaire objet de la plainte sinon avec son chef de service sinon avec le directeur de l�entit� administrative � d�faut de quoi la transmettre � la wilaya ou l� si�ge un corps de 5 administrateurs au moins (en fonction de l�importance de la population) pr�sid� par le secr�taire g�n�ral de la wilaya qui �tudiera le dossier et lui donnera la solution ad�quate avec proposition de sanction contre l�agent r�calcitrant et tenir le citoyen au courant � par �crit � de sa d�marche m�me si elle est rejet�e et en �toffant un peu plus le syst�me � qu�on pourrait appeler inspection du service public � il est possible d�arriver � ramener un peu de calme et de s�r�nit� au citoyen ; l��loigner des extr�mes telles les insultes et les agressions, les passe-droits et les connaissances, les vols et les d�tournements, les abus d�autorit� et les carences et m�me certains comportements comme celui qui a fait l�objet de la circulaire d�un ministre et dont la presse s�est fait l��cho, tout cela dans les entit�s recevant du public et manipulant de l�argent, ce qui �liminera la petite et moyenne corruption et � plus ou moins br�ve �ch�ance � dop� en cela par des mutations ou permutations au nom de la �n�cessit� de service public� voire des retraites anticip�es et pourquoi pas �mise fin aux fonctions �. Ce qui ram�nera � l�Etat la confiance de ses citoyens qui par la m�me verront autrement leur devoir de citoyen et inculquera au citoyen la notion de citoyennet�, l�esprit civique, la revendication de ses droits ; la pr�servation des biens collectifs, abandonnera la f�cheuse notion de �beylik�, enl�vera � certains l�esprit d�impunit�, les petites rapines dans les caisses et dans les poches des citoyens � la monnaie � ; la pr�bende et l�usage du v�hicule de service pour raison personnelle, le �ca�dat� dans l�exercice de la fonction, somme toute l�esprit de �mandarin�, d�immunit� voire m�me d�impunit� dont jouit le moindre scribouillard qui se trouve au contact du citoyen au point qu�il en arrive � croire qu�il a �t� plac� l� pour �a, pour ha�r et rendre la vie impossible au citoyen. Naturellement, plus le grade augmente et plus la n�gation s�intensifie et bannir certaines expressions et coutumes qui sont devenues canoniques dans les administrations telles �responsable en r�union, en mission, ne re�oit pas, fais un tour et reviens, reviens la semaine prochaine.) Aussi quand un tel syst�me d�intervention existera et s��toffera � l��chelon national de fa�on � ce que m�me un ministre pourra �tre interpell� devant une Assembl�e nationale mais �r�habilit�e� et cela n�est pas une utopie puisque tout notre syst�me administratif et judiciaire est calqu� sur celui de la France, et quand les auteurs de ces �carts de conduite sauront que �l��p�e de Damocl�s� risque de leur tomber sur la t�te � tout moment ou � tout le moins que le citoyen a la possibilit� de se plaindre car il a trouv� un interlocuteur l�gal voire plus recouvr� ses droits, les droits de tous seront pr�serv�s car les
droits de l�agent ne sont pas oubli�s, lui aussi est un citoyen et si quelqu�un lui impute des faits non av�r�s, ce sera une d�nonciation calomnieuse et il sera poursuivi devant la justice et condamn� � une peine de prison et � un d�dommagement. Ainsi, quand les probl�mes des citoyens avec la bureaucratie disposeront des structures qui vont les �vacuer, une grande partie de la haine qui r�git tous les rapports entre individus et les cons�quences qui en d�coulent de violence et d�atteintes physiques et morales et aux biens, � ce moment-l�, le syst�me judiciaire sera d�charg� d�une grande partie des litiges qui n�ont pas lieu d��tre et pourra devenir un service de qualit� et r�pondre au v�u du citoyen. Cependant, il ne faut pas se presser de r�clamer �l�ind�pendance de la justice� car il y-a loin de �la coupe aux l�vres�. En effet, pour en arriver � ce stade, il faut que la hi�rarchie judiciaire soit forte et solidement ancr�e � ceux qui ont longtemps exerc� comme magistrats et avocats comprendront ais�ment � c'est-�-dire une inamovibilit� consacr�e au troisi�me niveau de juridiction qui devient ainsi la hi�rarchie de la seconde et de la premi�re d�abord par la jurisprudence ensuite par la tutelle des magistrats et le suivi de leurs carri�res � sauf pouvoir de nomination � en fonction de la sp�cialit� de chaque chambre (� titre d�exemple le juge de la section civile d�pendra de la chambre civil) et soumettra ses appr�ciations au Conseil sup�rieur de la magistrature qui a pouvoir de d�cision avec possibilit� de recours devant un coll�ge compos� des pr�sidents de chambres de la Cour supr�me et du Conseil d�Etat, pr�sid�s par leurs pr�sidents respectifs. Quand la carri�re du magistrat sera assur�e � et sa radiation aussi pour insuffisance professionnelle ou abus d�autorit� av�r� ou conduite incompatible avec la fonction ou infraction � l�obligation de r�serve � il n�aura aucune crainte � juger en droit � et d�ailleurs il sera tenu de le faire et sera imp�n�trable � toute intervention car il est plac� sous le contr�le professionnel et hi�rarchique de ses pairs, quels que soient le justiciable et son degr� de notori�t� ou sa position sociale. Hormis les cas d�exception pr�vus par la Constitution et la loi � il devra se pr�senter devant la juridiction qui l�a mand� pour �tre entendu sur sa plainte ou son t�moignage ou comme civilement responsable ou comme partie civile dans les affaires d�importance nationale ou qui ressortent du tribunal criminel sans possibilit� pour lui de donner procuration pour le repr�senter � pour se fixer les id�es se reporter � l�actualit� d�ao�t � septembre 2009 en Alg�rie et en France. A titre d�exemple, la disposition de la LFC qui astreint le premier responsable d�une soci�t� quelle que soit sa nature d�avoir � se pr�senter personnellement pour accomplir les formalit�s de banque et de douane. A ce moment seulement, on pourra parler d�ind�pendance de la justice et pour que ce moment arrive, c�est aux int�ress�s de remplir leurs obligations qui d�coulent de leurs fonctions, c�est � la soci�t� civile et aux associations de citoyens d�exercer les recours et d�utiliser les voies et moyens permis par les lois de la R�publique pour r�clamer les droits pour lesquels elles se sont constitu�es et � l�autorit� publique d�organiser plut�t d�institutionnaliser le dialogue avec ces entit�s afin de ne pas rompre le lien Etatcitoyen et ainsi instaurer la paix sociale et non pas proc�der de la fa�on brutale et intempestive qui consiste � donner du b�ton et de la prison pour toute revendication qui en principe n�a pas lieu d��tre si le dialogue existait et si les besoins �l�mentaires du citoyen �taient pourvus � savoir un toit, un travail, des soins, une instruction convenable pour ses enfants, une vie quotidienne d�cente � un prix d�cent et pas moyennant sa dignit�. Pour conclure, ce qui a �t� rapport� ci-dessus n�est pas une critique ou une analyse politique du syst�me, c�est un constat �tabli par un professionnel du droit et �g� de plus de soixantaine, apr�s presque un demi-si�cle d�ind�pendance et plus de trois d�cennies de vie professionnelle, qui voudrait par ce modeste apport t�moigner du sort de son contemporain et contribuer � le voir lever sa t�te.
K. K.


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