Dans le cadre des conférences-débats organisées par le bureau régional du RCD de Tizi Ouzou, une table ronde a été animée, jeudi soir, au siège du conseil communal du RCD (Bâtiment bleu) de Tizi Ouzou, par un collectif d'avocats autour du thème : “Indépendance de la justice en Algérie : mythe ou réalité ?”. Devant une nombreuse assistance, Me Salah Brahimi, ex-député du RCD, devait dresser un tableau noir sur la justice algérienne en déclarant : “Depuis l'indépendance, et notamment depuis les graves événements du Printemps berbère d'avril 1980, notre justice est malade”. Un constat aussi amer devait alors poser le problème de l'indépendance (ou de la dépendance, c'est selon) de la justice algérienne. Lui emboîtant le pas, Me Saïd Mezil devait rappeler : “Le principe de séparation des pouvoirs législatif, réglementaire et judiciaire prévu dans les textes, mais malheureusement occulté dans la réalité de tous les jours”. À défaut de la séparation des pouvoirs, Me Mezil dira qu'il y a, en fait, “une confusion des pouvoirs dans notre pays dans la mesure où aucun juge ne peut décider sans se référer à l'avis de la chancellerie, notamment dans les procès politiques. C'est dire qu'à défaut d'une réforme de la justice, il faut exiger en fait une véritable révolution dans la justice”. Il rappellera, à l'occasion, la “légèreté de la justice contre les assassins des victimes des événements de Kabylie” et “la célérité doublée de sévérité de cette même justice à l'encontre des délégués du mouvement citoyen et des journalistes où les décisions de justice ont été tirées au stencil”, dira encore Me Mezil. Et de conclure : “Il y a toujours eu une instrumentalisation du pouvoir politique par un simple appareil judiciaire devenu, depuis quelque temps, un véritable service annexe du ministère de l'Intérieur, notamment durant les événements de Kabylie”. De son côté, Me Hakim Saheb devait confirmer : “La justice algérienne n'est pas indépendante car elle obéit aux ordres du pouvoir politique. C'est une justice aseptisée et victime d'une maladie chronique”, devait-il marteler. “Durant les événements de Kabylie, dit-il, nous avons eu affaire à une incroyable indifférence de la part de la justice, et la presse a constitué notre ultime recours”. Après avoir rappelé que la commission Issad a bien établi “qui a tué qui” et “une volonté délibérée de tuer”, Me Saheb dira : “S'il n'y a pas eu de justice pour les victimes, celle-ci a été pourtant entreprenante et expéditive contre les délégués du mouvement citoyen et les journalistes, sur la base de chefs d'inculpation ridicules et stéréotypés, le tout concocté de grosses manœuvres et de nombreuses intimidations en violation flagrante avec le principe des libertés individuelles.” Pour Me Nadjib Sadeg :“L'indépendance de notre justice est une réalité dans les textes mais une grosse supercherie au quotidien.” Après avoir rappelé les nombreux dérapages de la justice, notamment après la marche historique du 14 juin 2001 à Alger et durant tous les événements douloureux de Kabylie, Me Sadeg devait conclure que “l'indépendance de la justice en Algérie est un véritable mythe”. Selon Me Amar Zaïdi, “les juges ne sont guère indépendants, surtout dans le traitement des dossiers politiques où les avocats sont souvent impuissants face à un appareil judiciaire qui obéit aveuglément aux ordres du pouvoir politique”. Tout en rappelant lui aussi de nombreuses carences constatées dans les procès, Me Zaïdi dira : “Depuis le règne de Bouteflika, jamais l'Algérie n'a enregistré autant de violations de droit”, tout en précisant d'ailleurs qu'“aucune enquête n'a été ouverte par la justice sur les graves affaires de corruption et de détournements, révélées par des journalistes qui, comble de l'horreur, ont fait l'objet d'un harcèlement judiciaire ridicule et tout simplement honteux. Lorsqu'un ministre de l'Intérieur menace publiquement le directeur du quotidien Le Matin, il faut certainement tirer la sonnette d'alarme”. Me Lila Hadj Arab devait affirmer que “la justice est de plus en plus obscure dans notre pays. L'heure est grave, car j'ai toujours dit qu'à défaut de libérer des détenus, il faut libérer d'abord la justice”. Pour appuyer un tel constat, elle rappellera “la dernière mascarade de la justice où l'affaire du FLN a été jugée de nuit”, ou encore “l'arrestation des délégués du mouvement citoyen par des policiers en civil à l'intérieur même du tribunal de Tizi Ouzou et l'utilisation d'une vidéo dans l'enceinte même d'un tribunal à des fins de manœuvre et de spéculation” (...) “un juge a décidé de juger des journalistes sans la présence de leurs avocats”, devait-elle ajouter. Enfin, Me Salah Brahimi devait rendre hommage à “quelques magistrats courageux qui ont été même ciblés par le terrorisme”, tout en regrettant cependant, que “la plupart des magistrats sont de simples fonctionnaires qui exécutent des ordres venus d'en haut”. Tout en réaffirmant son statut de militant du RCD, Me Brahimi avait tenu à rappeler ce constat du Dr Saïd Sadi qui avait déjà affirmé que “la moitié des magistrats est à réformer et l'autre moitié est à reformer”, comme pour rappeler une refonte totale de la justice et de la formation des magistrats. À l'occasion, Me Brahimi devait appeler tous les Algériens à soutenir “nos vaillants journalistes qui font l'objet d'un harcèlement judiciaire sans précédent pour avoir osé s'exprimer en toute liberté comme ce fut d'ailleurs le cas récemment, pour le directeur de Liberté, Farid Alilat, condamné injustement à six mois de prison avec sursis”. Après avoir donné libre cours à de riches débats avec la nombreuse assistance qui a dénoncé à l'unanimité “la dépendance de l'appareil judiciaire de la politique politicienne”, Me Brahimi devait clore les débats en lançant un appel à toutes les forces démocratiques du pays pour exiger une justice plus équitable, car dit-il, “il ne faut rien attendre d'un pouvoir qui instrumentalise à souhait la justice et privilégie la dictature. En tant que militant du RCD, je lance un autre appel, aux magistrats pour une véritable résistance face aux manœuvres politiciennes du trio Bouteflika-Zerhouni-Ouyahia”. M. H.