Apr�s le formidable exploit de notre �quipe nationale de football, apr�s l�immense joie qui parcourut longuement tout un peuple, apr�s la renaissance d�une unit� nationale retrouv�e autour d�un embl�me qui a fleuri partout, dans les rues, sur les v�hicules et sur les balcons, f�d�rant �galement autour des couleurs nationales, l�enthousiasme de toute la communaut� alg�rienne � travers le monde ; apr�s les sauvages et primitives violences subies par les joueurs et les supporters alg�riens, le calvaire endur� par la communaut� alg�rienne en Egypte ; apr�s les insultes et les inadmissibles et impardonnables insanit�s prof�r�es par des officiels �gyptiens en mal de survie et de succession, aboy�es par des m�dias enrag�s, et d�vers�es par des �intellectuels� en d�clin, englu�s dans une hyst�rie collective sans pr�c�dent ; apr�s nous avoir qualifi� de Berb�res (quel �loge et quel compliment ), on nous traita de barbares (quelle indigence d�esprit), de terroristes et de voyous (quelle m�prisable argumentation). Une d�sapprobation et une condamnation internationale unanimes s�en suivirent. L�Egypte perdit sur tous les plans : sportif, politique, culturel et civilisationnel. Elle chuta de son pi�destal surfait et vermoulu. Aujourd�hui, l�Alg�rie continue de savourer sa victoire et en m�me temps s�interroge : vers quels horizons regarder ? O� va-t-on ? Le �qui sommes-nous �? le �que sommes-nous� ? constituent une interrogation majeure qui se manifesta d�s l�ind�pendance, avec la fameuse affirmation, provocatrice, d�magogique et irresponsable : �Nous sommes Arabes, Arabes, Arabes !� Cette assertion est toujours rest�e en suspens et fut � l�origine de nombreux tourments et d�boires, avec un pouvoir qui occulta, et dans les textes fondamentaux et dans la pratique quotidienne en d�pit de mesures superficielles sans port�e), notre amazighit� fondamentale et originelle. Longtemps qualifi� de dialecte, le tamazight ne fut reconnu langue nationale que sous la pression populaire (Printemps berb�re, Mouvement des a�rouchs) (+). L��cole, temple de la citoyennet�, de l�identit�, du patriotisme et du savoir, sombra peu � peu dans les flots de l�incoh�rence et de l�intol�rance. Avec un enseignement de la langue arabe, notre langue recouvr�e apr�s la nuit coloniale, encadr�e � l�ind�pendance par des pseudo-enseignants envoy�s par un pays dit �fr�re�, encadreurs � l�id�ologie plus que douteuse, l�Alg�rie s�engagea dans la voie de l�extr�misme destructeur. Le pouvoir confondit instauration de la langue nationale dans une d�marche progressive, rationnelle et planifi�e dans le temps, avec pr�cipitation, bureaucratie et d�magogie, entra�nant in�vitablement proc�s d�intention et exclusions. Ceci donna lieu � des divisions artificielles et d�su�tes entre francophones et arabophones, ainsi qu�� des �tiquettes coll�es de fa�on fallacieuse. Les uns �taient trait�s tant�t de progressistes ou au contraire de francophiles voire de �hizb fran�a�, les autres �taient trait�s tant�t de nationalistes ou au contraire de r�actionnaires et d�arabo-ba�thistes ! Quiconque s�exprimait en fran�ais au cours de r�unions �tait clou� au pilori. Pis, les cadres form�s dans les lyc�es franco-musulmans, �taient injustement et ignominieusement trait�s de �promotion Soustelle�, jalous�s par certains groupuscules pour leur ma�trise des deux langues ! D�un autre c�t�, les dipl�m�s arabophones acc�daient difficilement � un poste de travail. Mal prise en charge, l�arabisation, de probl�me linguistique devint un probl�me social puis politique (+). Il en fut de m�me dans la mauvaise prise en charge du ph�nom�ne religieux qui d�boucha sur l��mergence de l�islamisme politique, avec ses cons�quences tragiques dont les stigmates demeurent encore br�lants et les r�percussions d�actualit� (+). Alors que durant la lutte de Lib�ration nationale, la langue et la religion furent des facteurs importants de rassemblement que de division. Tous ces faux clivages donn�rent lieu � l��mergence des extr�mismes violents, � l�affaiblissement de la nation, � l��rosion de la citoyennet� et � l��rection du r�gionalisme diviseur et fratricide. En fait, toutes ces contradictions ne sont que le r�sultat, depuis l�Ind�pendance, de luttes sourdes de clans au sein du pouvoir. L�explosion du Printemps berb�re est une des cons�quences logiques de l�aveuglement du pouvoir, pr�occup� par sa survie, un pouvoir qui occulta le devoir de m�moire sur l�Histoire de notre pays, comme il le fit sur l��criture de l�Histoire de notre R�volution, faite de fa�on tronqu�e � des fins �go�stes et fractionnelles. Apr�s toutes ces p�rip�ties, une victoire de l��quipe nationale de football a r�veill� la fibre patriotique, a ressuscit� la citoyennet� et la nation, et a renou� les liens desserr�s de l�unit� nationale. En m�me temps, par le comportement indigne d�un pays qui donna longtemps l�image d�un �pays fr�re�, la victoire de l�Alg�rie sonna un r�veil brutal qui peut �tre salutaire, soulevant deux interrogations majeures : vers quels horizons regarder et o� va-t-on ? Vers quels horizons regarder ? Dans un premier axiome, implacable et indiscutable, nous devons affirmer haut et fort que nous sommes des Alg�riens avant tout. Notre vision du monde notre d�marche g�ostrat�gique, politique et culturelle, doivent �tre guid�es par cette affirmation et uniquement par elle. Nous devons �galement nous d�barrasser du rigide et de l�inconfortable carcan de l�hypocrisie et des simagr�es pseudo-diplomatiques, pour regarder le monde avec lucidit�, s�r�nit� et r�alisme. Forts de ces convictions, dans quelles directions nous orienter ? - Nous devons d�abord regarder vers l��dification du Maghreb, dont les peuples sont unis par l�Histoire profonde et la g�ographie. - Vers le Sud, vers l�Afrique, assumant ainsi notre africanit� forg�e dans les luttes communes et solidaires de lib�ration contre le colonialisme, et dans celles d�un nouvel ordre mondial. - Nous devons �galement contribuer � l��dification d�une union m�diterran�enne sans inf�odation ni ob�dience � quelque nation que ce soit ; une union, o� les notions de partenariat authentique, de coresponsabilit� et de r�ciprocit� doivent prendre le pas sur une vision �triqu�e, motiv�e par des consid�rations tactiques politiciennes au seul profit d�int�r�ts �troits et �go�stes du rivage du Nord (flux migratoires, commerce�). - Nous devons nous tourner aussi vers le Nord et l�Ouest, �galement sans inf�odation ni assimilation, gardant notre ind�pendance, notre dignit� et notre identit�. Et cela sans jamais oublier que la plupart des pays de ces r�gions ont �t� coupables de nous avoir laiss�s seuls, dans une lutte sans merci contre l�islamisme int�griste terroriste. Ils ne prirent conscience de la mondialit� de ce fl�au qu�apr�s avoir �t� touch�s dans leur chair et dans leurs biens, � Paris, � Madrid et apr�s les attentats du 11 Septembre, attentats que nous avons �nergiquement condamn�s. - Les pays �mergents, les pays d�Asie et d�Am�rique latine seront pour nous des exemples �difiants et des rep�res importants, dans le processus de r�volution du d�veloppement, de la technologie et de la science, des �changes et du savoir-faire qui s�y op�re. - Le regard tourn� vers l�Est tiendra compte des liens tiss�s par l�histoire objective, symbolis�s par la religion et la langue qui l�a v�hicul�e, ainsi que par le soutien, comme d�autres pays, politique et financier durant notre R�volution ; et ceci sans verser ni dans le sentimentalisme et l��motion, ni dans les �lans d�magogiques et sans lendemains, d�unions mort-n�es ou vers une chim�rique �Oumma�, utopie rendue caduque et anachronique par l��volution du monde actuel (les limites et les contradictions au sein de la Ligue arabe, � l�inefficience �tablie, constituent un exemple suffisamment �loquent). - Enfin, notre regard n�aura de cesse de se porter en un soutien ind�fectible et permanent du c�t� des opprim�s et des peuples en lutte pour leur dignit� dont l�un des symboles est la Palestine. O� va-t-on ? On sait que le pouvoir a toujours r�agi et c�d� sous la pression des �v�nements, le plus souvent dans la pr�cipitation et l�improvisation, sans pour autant r�gler les probl�mes de fond, pour parer au plus press�, en fait, pour perdurer quoiqu�il arrive. Les exemples sont multiples comme ceux de la prise en charge de l�arabisation, du ph�nom�ne religieux, de l�explosion du Printemps berb�re et celle d�Octobre 88, du Mouvement des a�rouchs, des multiples revendications sociales� L�exemple le plus r�cent est illustr� par le traitement des revendications salariales des enseignants, sur lesquelles le pouvoir tergiversa de longues ann�es pour finalement c�der (devant les imposantes manifestations populaires apr�s la victoire sur l�Egypte) et reconna�tre la l�gitimit� des syndicats autonomes, jusque-l� consid�r�s comme des pestif�r�s au profit d�une UGTA moribonde et discr�dit�e. Aujourd�hui, avec la victoire des Verts, dans sa joie immense, le peuple �oublia� sa mis�re et ses probl�mes quotidiens. Cette joie se prolongera probablement avec la Coupe d�Afrique des nations et la Coupe du monde et sa pr�paration. Durant cette p�riode, la pouvoir aura peut-�tre un r�pit ; il jouira d�une sorte d��tat de gr�ce, d�un sursis. En saura-t-il tirer les le�ons ? Car que serait-il advenu de cet �norme volcan populaire entr� en �ruption si nous avions perdu ? Saura-t-il canaliser cette �nergie, cette mobilisation sans pr�c�dent sur tout le territoire national qui s�est faite en synergie avec les Alg�riens r�sidant � l��tranger ? Saura-t-il r�sister � l�appel des sir�nes de la r�cup�ration tacticienne, politicienne, devant cet immense �lan de fraternit�, de solidarit� et d�amour de la patrie retrouv�e ? Une r�cup�ration faite de mesures sans port�e, aux lendemains amers, d�senchanteurs et incertains ? Pourra-t-il prendre � bras-le-corps les probl�mes lancinants d�emploi, d��ducation, de sant�, de pouvoir d�achat�.et faire rena�tre l�espoir et l�esp�rance ? Fera-t-il sauter les verrous entravant les libert�s, notamment en ouvrant et en d�multipliant les m�dias ? Pourra-t-il balayer cette gouvernance d�pass�e et incomp�tente vivant et g�rant au rythme d�un syst�me obsol�te, et esquisser un projet de soci�t� de droit, de justice sociale, de libert� et de progr�s, se mettant ainsi en phase avec l�enthousiasme de ces citoyennes et de ces citoyens, de ces jeunes gens et ces jeunes filles cheveux au vent, de cette jeunesse non partisane mais s�rement pas apolitique, avec cette explosion de joie, autour d�un seul mot d�ordre : L�ALGERIE ? Si le football a eu le m�rite de servir de d�tonateur pour la prise de conscience de la n�cessaire unit� nationale autour du seul int�r�t du pays, il ne doit pas, il ne peut pas rester le seul catalyseur de rassemblement et de dynamique. Il est vital que l�horizon de l�Alg�rie s��largisse aux autres dimensions et aux autres d�fis de la soci�t�. Au pouvoir de s�assumer. Sinon, qu�adviendra-t-il ? A. B. (*) secr�taire g�n�ral du CCDR (+) Dans un ouvrage en pr�paration, ces questions seront abord�es dans le d�tail.