Pour l�histoire, il fallait qu�un tel livre f�t �crit. Mohamed Rebah l�a fait.Avec beaucoup de simplicit�, mais aussi avec un certain brio, ce qui ne g�che rien. L�auteur signe l� un des rares ouvrages sur l��pop�e la plus flamboyante de notre histoire, qui ne soit ni convenu ni sentencieux. Ce livre doit son ��paisseur � � la somme de documents d��poque, de t�moignages et de r�f�rences d�archives exploit�e par ce chercheur et n�anmoins ancien pensionnaire des camps colonialistes de d�tention. Il nous rend le parcours sans faille et pourtant tourment� de deux patriotes dont l�itin�raire entrecrois� a conduit sans d�tour au rendez-vous de l�histoire. Figure h�raldique du mouvement progressiste en Alg�rie, Mustapha Sa�doun, n� � Cherchell en 1918 et o� il repose pour l��ternit� depuis janvier 2009, avait eu t�t fait de prendre conscience de sa condition d�oppress� subissant la force, la violence, l�exploitation et le d�ni de tous les droits par une puissance qui se targuait bruyamment de sa D�claration des droits de l�homme et du citoyen cependant qu�elle la foulait aux pieds et l��crasait pour asservir, r�duire et abaisser les Alg�riens. Si Mustapha n�aura de cesse alors de revendiquer pour son peuple la libert�, la justice et l��mancipation comme les plus hautes exigences d�humanit�. Son nom va se profiler dans toutes les luttes, grandes et moins grandes de son temps. Avant lui, son fr�re cadet avait �t� impliqu� dans un �complot� ayant pour but de fomenter un soul�vement et, pour cela, condamn� � la peine capitale avant d��tre amnisti�. Sa�doun adh�re au Parti communiste alg�rien en 1946, au moment o� celui-ci appelle � la constitution d�un front d�mocratique anticolonialiste. Tr�pidant, toujours en mouvement, il s�attelle � organiser la lutte syndicale des ouvriers agricoles de la Mitidja dont il accompagne toutes les luttes. Il m�ne campagne contre la lev�e de contingents �indig�nes � destin�s � servir de chair � canon en Indochine. Il sera de la campagne de solidarit� avec les militants de l�OS, la structure clandestine paramilitaire du MTLD et est l�auteur de plusieurs articles qui paraissent dans Libert�, l�organe du PCA. Son activit� politique lui vaudra �videmment maintes interpellations, arrestations et brimades. Quand il est d�sign� en 1945 � la t�te de l�UJDA, l�organisation de jeunes du PCA, l�estime qu�on lui porte et sa popularit� d�bordent l�audience de son parti. Son voyage en Chine, en passant par le Vietnam, lui fait rencontrer H� Chi Minh, comme plus tard, en 1961, il sera d�cor� par Youri Gagarine, le premier homme de l�espace. Noureddine Rebah a treize ans quand il participe � la manifestation du 1er mai 1945 organis�e � Alger par le PPA, fer de lance du mouvement ind�pendantiste, et contre laquelle l�autorit� coloniale fait donner la troupe et tue deux Alg�riens. Fra�chement lib�r�e par les Alli�s de la domination de l�Allemagne nazie qui l�avait occup�e sans coup f�rir, la France s��panche sur les Alg�riens d�sarm�s. A quatorze ans, il est � l�UJDA avec Ahmed Akkache, Henri Alleg, Henri Maillot� Cette organisation sera le tremplin � partir duquel Noureddine et de nombreux autres de ses camarades seront projet�s dans le feu du combat lib�rateur. Le jeune Rebah s�y d�ploiera par des activit�s nombreuses, intenses et mouvement�es aux c�t�s, entre autres, de Abderrahmane Taleb, autre jeune trublion dont la t�te allait bient�t tomber sous le couperet de la machine de mort de Serkadji. Le point d�orgue de l�investissement du jeune Rebah � l�UJDA fut sans conteste sa pr�sence au Festival mondial de la jeunesse ouvert � Berlin en ao�t 1951 et o� les d�l�gu�s alg�riens de son organisation, des SMA, de l�AEMAN� avaient d�fil� en entonnant Min Djibalina et en s�identifiant comme �la jeunesse alg�rienne en lutte pour l�ind�pendance�. Son implication politique est � son comble : il est de tous les comit�s, de toutes les campagnes, de tous les meetings et de toutes les agitations. Il fait connaissance avec les ge�les de la DST. C�est l�alter ego, la jeune �mule de Mustapha Sa�doun. Il puise la force et la pugnacit� n�cessaire pour d�crocher son baccalaur�at et s�inscrit � la facult� de m�decine d�Alger, mais le spectre et l�intensit� de son engagement politique vont bient�t le faire renoncer aux bancs de l�universit�. A la veille de la Toussaint 1954, les communistes alg�riens se heurtent � l�impossible �front alg�rien� auquel ils s�arcboutaient, et avec les nationalistes radicaux, la revendication sociale et l�aspiration � l�ind�pendance se croisent, convergent, divergent. Quand les premiers coups de feu sont tir�s, le choix insurrectionnel n�a pas �t� sans surprendre, d�contenancer, voire indigner les communistes fran�ais du PCF. Mais la th�se thor�zienne de la �nation en formation � d�j� passablement �branl�e est maintenant en d�route ; la France est une entit� oppressive et exploiteuse, non une composante � �galit� avec les Alg�riens. Les communistes Alg�riens vont faire bouger les lignes, et au mois d�avril 1955, Noureddine Rebah accompagne Ahmed Akkache quand celui-ci tient meeting � El-Harrach pour exprimer haut et fort son soutien � la lutte arm�e. Le sort en �tait jet�. L��cart entre les communistes alg�riens, toutes origines confondues, et le PCF se creuse davantage. Le PCA est interdit en septembre 1955 pour collusion avec la r�bellion et quand Henri Maillot d�serte son unit� le 4 avril 1956 en emportant un important stock d�armes, le coup d��clat sonne comme un cinglant d�saveu du vote des pouvoirs sp�ciaux par le PCF en mars de la m�me ann�e. Mis en difficult� par sa propre intelligentsia, consid�rable � l��poque, qui estime que la cause du peuple alg�rien qui lutte pour d�truire le syst�me colonial est la cause de tous les hommes libres, le PCF �se bouge un peu�, mais les communistes alg�riens, eux, se battaient d�j� ! En attendant l��pilogue de leurs contacts avec le FLN, ils avaient form� leurs propres groupes arm�s, les CDL pour se tenir aux c�t�s des combattants de l�ALN. Mustapha Sa�doun et Noureddine Rebah plongent dans la clandestinit�. Sa�doun int�gre le maquis CDL, le fameux �maquis rouge� de Beni Boudouane, dans la r�gion de T�n�s, tr�s t�t d�cim� par la sinistre et surarm�e milice du bachagha Boualem. Il surv�cut miraculeusement � cette �quip�e et on le retrouve dans l�ALN o� il favorisera l�implantation de maquis dans les massifs de sa r�gion de pr�dilection, avant de p�r�griner et de souvent gal�rer au gr� des humeurs, des �troitesses et de l�ostracisme de certains responsables. Noureddine Rebah est tout � son activit� clandestine qu�il tente de concilier avec des emplois � A�n Errich et en Kabylie. En juillet 1956, il rejoint l�ALN sous la banni�re de laquelle il tombera les armes � la main le 13 septembre 1957 dans la vall�e dantesque de Oued Merdja. En repla�ant Mustapha Sa�doun et Noureddine Rebah dans le long et exaltant combat des Alg�riens pour la libert�, la justice et l�ind�pendance, Mohamed Rebbah dessine aussi en contre-points ou en dressant les portraits, des figures sur lesquelles l�historiographie officielle n�a pas insist� quand elle ne les a pas carr�ment �lud�es malgr� l�engagement exemplaire et l�h�ro�sme reconnu de ces patriotes. Le vieux pr�jug� proto-nationaliste et son corollaire anti-intellectualiste sont parfois pass�s par l� et les difficult�s d�insertion sont all�es de l�incompr�hension et du rejet � l�hostilit� contagieuse des d�lires d��puration.