Il est devenu sacril�ge de s�attaquer � cette mythologie rassurante qui est celle de l�homme digne quel que soit son �tat de sant�. La rudesse de ce t�moignage peut le rendre suspect d�exag�ration tellement on est habitu� � une repr�sentation suave et idyllique de l�existence de cette frange de la soci�t�. `En ma qualit� de journaliste, j�ai recueilli ce t�moignage poignant et j�aurais scrupule � changer un iota de ce qui m�a �t� dit. Cette personne a 28 ans ; elle a d�j� subi 23 interventions chirurgicales, fait une fugue et une tentative de suicide. Dieu merci, il a la chance d�avoir des parents extraordinaires et il nous dit : �Je suis un jeune homme tout ce qu�il y a de plus normal ; j�ai gard� ma foi en Dieu, la facult� d�aimer mon prochain et m�me l�aptitude � rire et � raconter des blagues ; j�ai la chance d�avoir un quotient intellectuel � rendre jaloux un bac plus 4. Mon histoire aurait pu �tre celle de l�un de vos enfants ; mon handicap n�est pas, contrairement � ce qu�on m�a dit, un ch�timent divin � cause d�un quelconque p�ch� ; mais il se trouve que mes vert�bres ne se sont pas ferm�es convenablement et je suis n� avec une paralysie. Certes, une paralysie n�est pas synonyme de fatalit� et je suis ni le premier ni le dernier � en souffrir ; comme on me l�a d�j� dit clairement : ma maladie n�est pas le probl�me num�ro un en Alg�rie. Mais l� o� les choses se compliquent, c�est que, si ma paralysie motrice est le dernier de mes soucis, je souffre d�une incontinence sphinct�rienne � du charabia n�est ce pas ? Cela signifie que je ne peux pas retenir mes selles et mes urines et cela entra�ne des infections � r�p�tition et des escarres � longueur d�ann�e. En un mot, plut�t deux, je souffre d�une maladie qui s�appelle spina bifida. Je ne veux pas vous emb�ter avec mon histoire et je vous �pargne les probl�mes de ma vie sentimentale et conjugale...� Imaginez un instant votre enfant � l��ge de 6 ans qui n�a envie que d�une chose : se mettre sur un banc d��cole et enregistrer tout ce qu�on lui apprend, mais voil� qu�� la premi�re le�on, il apprend qu�il est souhaitable de ne venir que le moins souvent possible. Imaginez aussi, lorsqu�il vient quand m�me, qu�on le mette � la table la plus �loign�e possible du ma�tre pour que la s�ance puisse se d�rouler, non pas sans chahut, mais sans odeur. Enfin, imaginez trente ou quarante �l�ves qui n�ont pour unique distraction que de trouver le meilleur quolibet pour se moquer de lui. Mais contre vents et mar�es, cet enfant a fait son chemin. Il se bat tous les jours contre la mort, rien ne l�inqui�te ni ses infections � r�p�tition ni ses escarres ; il a m�me fini par s�accoutumer � son corps� Mais il y a une odeur qu�il ne supporte pas : c�est celle de la m�chancet� gratuite. Aujourd�hui, ce jeune homme qui a �t� condamn� � rester entre quatre murs est devenu journaliste et, en Alg�rie, il est aussi le fondateur de la premi�re association d�aide aux malades atteints de cette maladie spina bifida. Aujourd�hui, il a pris la parole il est l� pour vous narrer son histoire. S�il a d�cid� de faire ce t�moignage, ce n�est pas pour culpabiliser les gens, mais simplement pour que le prochain enfant qui na�tra avec cette maladie ne soit pas l�un de ces malheureux dont on dit qu�il aurait mieux fallu qu�il ne naisse pas. Pour que l��cole ne boude pas cet enfant et qu�il ne soit pas confront� � une pareille humiliation et, plus tard, r�guli�rement �vinc� dans sa vie professionnelle, nous avons besoin de vous pour que sa dignit� d�homme, d�enfant de Dieu, soit aussi respect�e. (*) Correspondant de la Radio Alger Cha�ne III, journaliste collaborateur � l�Echo d�Oran , fondateur et pr�sident de l�Association spina bifida, Mostaganem- Alg�rie