On doit � l�Arabie saouadite une formule in�dite de traitement de la question terroriste, une version soft de la r�conciliation qui tient � la structure th�ocratique de son Etat. Il y est, notamment, d�velopp� une m�thode particuli�re de probation et de mise � l��preuve des repentis terroristes. La finalit� de la proc�dure �tant de restaurer l�ob�issance au roi et aux parents, puis aux autorit�s religieuses, dans l�interpr�tation du livre sacr�. La m�thode int�resse au plus haut niveau les experts de la s�curit� des Etats-Unis qui, soucieux de �l�apr�s- Guantanamo�, consid�rent que �les programmes de r�habilitation dans les pays cibles pourraient bien �tre en mesure de r�pondre aux exigences des officiels du contre-terrorisme am�ricain et tout particuli�rement vis-�-vis du Y�men o� l�on observe une recrudescence de la mouvance terroriste Al- Qa�da�(*). Historiquement parlant, les Saoudiens ne font que prendre le train en marche : bien avant eux, les services secrets �gyptiens ont, avec la collaboration d�Al Azhar, exp�riment� un traitement identique � l�endroit de la Jam�'a islamiyya (Groupe islamique), dont les dirigeants incarc�r�s ont fini non seulement par rejeter le recours au terrorisme, mais par �crire de nombreux textes pour argumenter contre celui-ci. De m�me qu�il est important de relever qu�en Malaisie ou en Indon�sie, la r��ducation et la r�insertion des djihadistes a accord� une attention particuli�re au param�tre �contreid�ologique �. Partout, le constat de d�part est le m�me : arr�ter un terroriste et le jeter derri�re des barreaux ne suffit certainement pas � le remettre dans le droit chemin ; bien au contraire, la prison peut devenir une �cole de radicalisation et de reconstitution de r�seaux comme cela s'est parfois produit. La �r��ducation religieuse � des anciens terroristes appara�t alors �tre l�un des enjeux- clefs du contre-terrorisme car elle s�attaque aux bases et � la justification du djihad. Les programmes de r�habilitation pour anciens djihadistes mis en �uvre par l�Arabie saoudite sont partiellement financ�s par les Etats-Unis. Ils sont cens�s garantir leur r�int�gration (les responsables revendiquent le fait qu�aucun �dipl�m� � ne se serait de nouveau tourner vers des activit�s terroristes) dans une soci�t� qui � on ne le souligne malheureusement pas assez � a fourni 15 des 19 terroristes du 11 septembre 2001. A ce titre, le centre de r��ducation des terroristes d�al-Thoumama, situ� � une cinquantaine de kilom�tres au sud de Riyad et ouvert en 2004, fait toujours office d�exemple � suivre. Avec sept autres centres d�j� ouverts dans le royaume, c�est le d�but d�un maillage qui comptera au final 250 prisons du genre. Les bien d�nomm�s ��gar�s � ou encore �soldats perdus de l�Islam� y sont accueillis pour une �r��ducation religieuse� offici�e par des dignitaires religieux ou d�anciens repentis (150 dignitaires religieux et psychologues sillonnent le royaume pour encadrer 2 000 prisonniers), � raison de trois heures de cours par semaine pendant dix semaines. Le �stage� est sanctionn� par un examen final qui conditionne la remise en libert�. A leur arriv�e, les prisonniers sont entendus et questionn�s sur les motivations qui les ont pouss�s � s�engager dans le djihad. La p�riode d��coute est suivie d�une autre d��change dont la finalit� est de les convaincre que l�islam qui leur �tait enseign� n�est �pas le bon�. Un s�jour r�ussi s�ach�ve pour l�ancien djihadiste par le b�n�fice d�une somme d�argent, l�assurance d�un travail � la sortie et, s�il le souhaite (?), une femme pour fonder un foyer et oublier les affres du djihad. La r�gle d'or de ce traitement psychologique est que le prisonnier doit �tre le plus proche possible des siens. Les autorit�s saoudiennes se targuent d�avoir ainsi �trait� et rel�ch� 700 d�tenus qui ont renonc� � l�id�ologie djihadiste depuis 2004. 85 % d�entre eux n�ont pas rechut�. Georges Malbrunot, le reporter du Figaro, qui rapporte l�information, est l�un des premiers � visiter le Centre d'al-Thoumama(**). Il y a crois� d�anciens d�tenus de Guantanamo et d'anciens moudjahidine d'Irak appliqu�s � se familiariser avec �le bon Islam�. Les conditions de d�tention y sont plus souples que dans les autres ge�les saoudiennes pour une douzaine d'anciens djihadistes. �D'abord, on �coute le prisonnier, explique le docteur Abdulrahman al-Hadlaq, responsable du volet psychologique, on lui demande ce qui l'a conduit � faire le djihad. Puis, nous l'engageons dans d'intenses d�bats religieux pour lui montrer que l'islam qui lui a �t� enseign� n'�tait pas le bon.� Le journaliste constate qu�il n�est g�n�ralement pas difficile de �retourner� la plupart des nouveaux disciples parce qu�ils �taient d�pourvus de solides r�f�rences religieuses au moment de leur basculement dans la lutte arm�e. �J'esp�rais trouver des fr�res en Irak, mais les djihadistes qui m'ont accueilli me demand�rent de tuer tout le monde, les chiites, les Am�ricains, je ne savais plus qui �tait mon ennemi�, regrette Mohamed al-Sharif, un p�re de famille de 35 ans. �Nous ne les consid�rons pas comme des h�ros�, pr�vient le Dr Al- Hadlaq. �Plus de 1 400 d�tenus n'ont pas voulu y participer. Quoi qu'il en soit, cette approche a le m�rite de s�parer le noyau dur des partisans d'Al-Qaida des autres, ces milliers de sympathisants djihadistes sur lesquels les autorit�s peuvent aujourd'hui s'appuyer pour ass�cher le marais terroriste d'Arabie�, conclut l�auteur de l�article du Figaro. Nul doute que l�exp�rience saoudienne de �d�radicalisation � est int�ressante, pour ceux qui veulent se battre sur le terrain id�ologique, et plusieurs services gouvernementaux ont abouti au m�me constat qui les am�ne � entrer (au moins de fa�on indirecte) dans le champ des d�bats religieux pour essayer de contrer l'id�ologie djihadiste. La question a fait l�objet de fructueux �changes lors d�un colloque international tenu en 2009 � Singapour(***). On y apprend que des programmes les plus importants du genre ont �t� mis sur pied en Asie pour coopter un �islam mod�r�. A Singapour, en Malaisie ou en Indon�sie, la m�thode est �galement dite de �contextualisation �, au sens o� elle aide l�int�ress� � remettre les pieds sur terre avant de songer � l�Au-del�, au paradis ou au martyre. Fid�le � la tradition de la �common law�, le Home Office britannique semble �tre le principal architecte de cet �difice nouveau de la lutte antiterroriste. Dans une strat�gie adopt�e en 2003 sous le nom de Contest, il soutenait qu'�il ne suffit pas de poursuivre des terroristes et de les emp�cher de commettre des attentats, de prot�ger le pays en renfor�ant ses d�fenses contre le terrorisme et de pr�parer la population � r�agir � un attentat afin d'en r�duire l'impact : il faut aussi se soucier d'une action pr�ventive afin que des gens ne glissent pas vers le terrorisme ou le soutien � l'extr�misme violent�. Le plan Contest a �t� r�vis� par le plan �Pursue Prevent Protect Prepare� dont on peut consulter librement le document de r�f�rence � partir du site du Home Office. La strat�gie de pr�vention affich�e se propose de �d�fier l'id�ologie derri�re l'extr�misme violent et de soutenir les voix majoritaires, de mettre des b�tons dans les roues � ceux qui pr�nent la violence, de soutenir les personnes vuln�rables ou ayant d�j� �t� recrut�es par des extr�mistes violents, de renforcer les d�fenses des communaut�s face � l'extr�misme violent et d'apporter des r�ponses aux ressentiments exploit�s par les id�ologues �. Le texte pr�ne le d�veloppement du Royaume-Uni comme centre d'excellence pour l'islamologie en dehors du monde musulman et qualifie l'islamologie de �sujet d'importance strat�gique�, pr�nant, en outre, la collaboration avec les mosqu�es. Comme rien ne se perd et que tout se transforme utilement, les agents de sa majest� remettent au go�t du jour une expression h�rit�e de la guette de Cor�e : le �lavage de cerveau� utilis� � partir des ann�es 1950 � et certaines m�thodes communistes pour tenter de convaincre id�ologiquement des d�tenus am�ricains. La notion de �lavage de cerveau� n'est cependant pas vraiment une cat�gorie scientifique, et la CIA vient d�apprendre � ses d�pens (en perdant huit de ses agents dans une de ses bases les plus s�curis�es en Afghanistan) qu�il y a une fronti�re � ne pas franchir en voulant jouer sur le terrain des autres. A. B. (*) Christelle Doudies, Que faire face � la recrudescence d�Al-Qa�da au Y�men : l�exemple des centres de r��ducation religieuse d�Arabie saoudite, l�IRIS, 6 janvier 2010. (**) Georges Malbrunot, La r��ducation des terroristes de Guantanamo, Le Figaro, mercredi 9 janvier 2009. (***) Jean-Fran�ois Mayer, Islamisme radical : de la confrontation id�ologique � la �r��ducation� des djihadistes, Institut Religioscope, 4 ao�t 2009. Du 24 au 26 f�vrier 2009 s'est tenu � Singapour un colloque peu commun, organis� par l'International Center for Political Violence and Terrorism Research (ICPVTR), centre de recherche dirig� dans cette m�me ville par Rohan Gunaratna, dont les travaux sur le terrorisme ont un large �cho.