Tout a commenc� avec la d�cision prise par le minist�re des Transports d�entamer, � la place des Martyrs, les travaux de r�alisation de la gare principale du m�tro d�Alger, ignorant ainsi les contraintes li�es au patrimoine que le minist�re de la Culture avait pos�es. Il a fallu, donc, l�intervention de l�Unesco pour que le d�partement de Amar Tou fasse marche arri�re. Finalement, les deux parties sont arriv�es � trouver un compromis. Entamer un sondage pour �valuer ce qu�il y a sur place comme potentiel arch�ologique. Des arch�ologues alg�riens avaient pr�par� le projet (administrativement et techniquement), pour �tre, quelque temps apr�s, mis � l��cart. Il sera finalement c�d� � l�Institut fran�ais de recherche en arch�ologie pr�ventive (INRAP). C�est l� justement, que l�histoire, toujours ignor�e de la Place et o� sont pass�es toutes les civilisations de l�Alg�rie, remonte � la surface ! Enqu�te r�alis�e par Mehdi Mehenni Avant le commencement du sondage arch�ologique pour lequel les Fran�ais ont �t� sollicit�s malgr� l�insistance des sp�cialistes alg�riens de prendre en charge ce chantier, qui est d�une importance capitale pour l�histoire alg�rienne, il y a eu un sondage d�estimation dirig� par les arch�ologues de la Direction de la culture de la wilaya d�Alger. Ces derniers, affirment certains sp�cialistes du secteur, n�ont jamais eu l�occasion de prendre en charge une fouille arch�ologique, du moins de cette envergure. Cette �quipe a �t� grassement pay�e par la soci�t� du m�tro d�Alger. Mme Sator, docteur en m�decine de formation mais aussi directrice de la culture de la wilaya d�Alger et directrice par int�rim de la cin�math�que d�Alger, dirigeait scientifiquement les travaux. Ainsi, d�apr�s ce sondage d�estimation, les vestiges de la place des Martyrs s�arr�tent � sept m�tres de profondeur. D�abord, cette �quipe a d�couvert les soubassements de l�h�tel de la R�gence construit par les Fran�ais quelques ann�es apr�s la colonisation de l�Alg�rie et qui, dit-on, a pris la place de la fameuse mosqu�e �Sayeda�, que les colons avaient enti�rement ras�e. Mais au fur et � mesure que les fouilles avan�aient, les arch�ologues sont tomb�s sur les soubassements de la mosqu�e Sayeda ! Cette derni�re a �t� reconnue gr�ce � des textes historiques qui d�crivent son d�cor. Il reste encore de ce monument historique quelques murs orn�s de Zelidj marocain, une d�coration tr�s rare en Alg�rie et que les sp�cialistes alg�riens disent n�avoir vu qu�� Alger. Il se peut que la th�se que la mosqu�e Sayeda a �t� d�truite par les Fran�ais pour la construction sur son site, de l�h�tel de la R�gence soit enti�rement ou partiellement fausse et qu�une grande partie de cette mosqu�e qui, dit-on, date de l��poque ottomane ou d�un peu avant � tant que des recherches s�rieuses n�ont pas �t� entam�es � demeure toujours enfouie sous terre�. De toute mani�re, il est impossible d�avoir une r�ponse � toutes ces interrogations, car les arch�ologues ont d�moli les soubassements de l�h�tel de la R�gence, de la mosqu�e Sayeda, d�une couche d�Alger datant des Turcs, Beni Mezghana, Hammadites, Byzantins, Vandales, Romains, Numides et Puniques, sans avoir pris le soin d�inventorier, �tudier et classer dans leur contexte les c�ramiques et les mat�riaux arch�ologiques d�couverts qui, rappelons- le, constituent une batterie d�informations historiques d�une grande importance pour la ville d�Alger. Ainsi, les fouilles ont �t� men�es sans aucune m�thodologie scientifique. Les c�ramiques ont �t� �valu�es au� kilogramme (400 kg de diff�rentes c�ramiques, qui ont �t� d�pos�s p�le-m�le dans des casiers destin�s au lait berlingot, dans les caves du Centre national de recherche en arch�ologie (CNRA). Qui dit mieux ! Pourquoi l�Unesco est-elle intervenue et impos� l�INRAP ? La Casbah d�Alger est class�e patrimoine mondial depuis 1982. Si elle est consid�r�e comme tel, ce n�est pas pour les vestiges de la Basse-Casbah qui demeurent au sous-sol de la Place des Martyrs, mais plut�t pour les constructions et monuments visibles ou encore debout, qui sont d�un caract�re architectural exceptionnel, telles les mosqu�es Ali Betchine, Ketchaoua, Sidi Abdallah ou encore Dar Aziza, Dar El Hamra. Elle a �galement �t� class�e patrimoine mondial pour son histoire m�di�vale (du XIe au XVe si�cle) et moderne (son r�le pendant la guerre de Lib�ration nationale). Pourquoi l�Unesco n�est pas intervenue, si La Casbah d�Alger subit une d�gradation des plus avanc�es depuis plusieurs ann�es et ne s�est manifest�e qu�en 2009 pour s�inqui�ter de vestiges dont l�existence n��tait pas encore av�r�e ? Car on supposait que les Fran�ais, apr�s la prise d�Alger, ont tout d�moli. D�apr�s des sources proches du dossier, le minist�re des Transports voulait inciter le d�partement de Khalida Toumi, qui �tait encore r�ticent, � ouvrir un projet de fouilles � travers sa d�cision d�entamer les travaux � son insu, �tant donn� que le m�tro d�Alger n��tait plus en mesure d�attendre. Comble de l�ironie, ce n�est pas cette institution cens�e repr�senter la culture alg�rienne qui a r�agi, mais l�Unesco apr�s avoir �t� contact� par des Alg�riens. Le d�partement de Amar Tou a obtenu ce qu�il d�sirait, l�Unesco a servi d�interm�diaire entre lui et le minist�re de la Culture. Un sondage d�estimation, financ� par l�Entreprise du m�tro d�Alger, a �t� entam� dans un premier temps, et l�Unesco a sugg�r� � pour ne pas dire impos� �, par la suite l�Institut fran�ais de recherche en arch�ologie pr�ventive (INRAP) pour la r�alisation d�un diagnostic arch�ologique. Des arch�ologues du Centre alg�rien de recherche en arch�ologie (CNRA) avaient, entre-temps, pr�par� un projet pour la prise en charge de cette fouille. Mais le minist�re de la Culture l�a refus�, et l�Unesco voulait absolument imposer l�INRAP. Pour le d�partement de Khalida Toumi, ce choix s�explique par le fait que les arch�ologues alg�riens ne sont pas assez comp�tents pour cette t�che, alors qu�en ce qui concerne l�Unesco, affirment certains sp�cialistes alg�riens bien au fait du dossier, les raisons sont beaucoup plus obscures ! Une certaine Mounira Baccar, de la division patrimoine mondial de l�Unesco, Tunisienne et tr�s proche du directeur r�gional de l�institut fran�ais, dit Fran�ois Souq qui a �t� nomm� chef du projet de la fouille de la Place des Martyrs, a vivement recommand� l�INRAP. Pour l�institut fran�ais, il s�agit d�une grande opportunit�, car il n�avait jamais op�r� hors de France. D�ailleurs, pour la r�alisation de l�autoroute qui traverse le site de Douga en Tunisie (class� patrimoine mondial), l�Unesco n�a pas entrepris les m�mes d�marches, et ce sont des arch�ologues tunisiens qui ont pris en charge le chantier. Pourquoi l�Alg�rie et non pas la Tunisie ou plut�t le contraire et pourquoi Mounira Baccar n�a-t-elle pas sugg�r� l�INRAP � son pays ? L�Alg�rie a-t-elle plus d�argent � d�penser que d�autres pays ? Un projet de 1,7 milliard� et 505 millions pour les Fran�ais Le minist�re de la Culture alg�rien, apr�s la signature d�une convention avec l�INRAP, a d�bloqu� au profit de l�Office national de gestion et d�exploitation des biens culturels (OGBC), un budget de 1 milliard et 750 millions de centimes pour le financement de la fouille. 505 millions de centimes (hors taxes) ont �t� vers�s au compte des Fran�ais. 225 millions de centimes devaient �tres vers�s � l��quipe d�arch�ologues alg�rienne compos�e d�une trentaine de personnes, dont un chef de projet, des responsables de secteur et des arch�ologues qui, d�ailleurs, n�ont pas �t� pay�s � ce jour. Alors que le reste du budget (1 milliard et 20 millions de centimes) a �t� consacr� � l�achat d��quipements et surtout � la prise en charge (billets d�avion, h�bergement, restauration, transport�) des Fran�ais. D�abord, en �cartant les Alg�riens qui avaient au d�part trac� les grandes lignes du projet, les sp�cialistes du secteur ont commenc� � se poser beaucoup de questions, mais apr�s la non-r�mun�ration de ceux qui �taient d�sign�s pour repr�senter la partie alg�rienne et prendre part � la fouille men�e par les Fran�ais, la situation s�est davantage compliqu�e. D�ailleurs, plus d�un s�est demand� comment un minist�re a pu signer une convention avec un institut. La logique veut que la convention soit sign�e par le Centre alg�rien de recherches en arch�ologie et non par le minist�re, qui repr�sente la souverainet� de l�Etat. Les fouilles� Les Fran�ais ont entam� l�op�ration de fouilles au d�but du mois de juillet 2009 et il est stipul� dans la convention que les travaux s��taleraient sur 40 jours et que le rapport final des fouilles sera rendu � l�Alg�rie au bout de huit semaines afin de permettre � l�Entreprise du m�tro d�Alger d�ouvrir au plus vite son chantier de la place des Martyrs. Une situation d�urgence ! Les fouilles r�alis�es en un temps record, vu l�importance du site, ont r�v�l� diff�rentes couches arch�ologiques tr�s riches. Cela va de l��poque du r�gne de Juba II sur la Maur�tanie (1er si�cle av. J.-C.) aux p�riodes ottomane et coloniale. � l�occasion du mois du patrimoine, le CNRA avait organis�, le 25 avril dernier, une journ�e d��tude pour pr�senter les synth�ses des travaux de recherches qui ont �t� r�alis�s durant l�ann�e 2009. Le chef du projet �place des Martyrs� c�t� alg�rien (d�sign� par la ministre en personne pour suivre les travaux aux c�t�s des Fran�ais), Kamel Stiti, arch�ologue, a pr�sent� les premiers r�sultats des fouilles qui se pr�sentent comme suit : �Deux sondages ont �t� ouverts aux extr�mit�s nord et sud du projet d�am�nagement sur une surface d�environ 400 m2, ce qui a permis de reconna�tre les niveaux arch�ologiques jusqu�au rocher situ� � 7m de profondeur. La zone concern�e par le sondage n� 1 est situ�e au sud du projet le sondage n� 2 a �t� implant� � 60 m au nord du premier. Ils ont tous les deux recoup� un ancien vallon orient� nord-sud, entre La Casbah et le quartier de la Marine. Ledit vallon recueille les eaux de surface et les �vacue au sud vers la mer. La premi�re occupation de ce secteur remonte � la p�riode august�enne, qui correspond au r�gne de Juba II sur la Maur�tanie. Rapidement, le thalweg, qui fonctionne probablement comme un oued, va se combler durant le m�me si�cle, la ville d�Icosium s��tend et des constructions sont �difi�es dans ce vallon : un quartier d�habitation au nord, un b�timent de grande taille au sud, qui sera recouvert lors de l��dification d�une basilique. L�occupation urbaine se maintient jusqu�� la fin du Ve si�cle de notre �re. Par la suite, une n�cropole s�installe dans les ruines du quartier, sans qu�il soit encore possible de la dater pr�cis�ment. L��poque m�di�vale voit �merger de nouvelles constructions qu�il est difficile de situer clairement (entre le XIe et le XIIIIe si�cles). Notons que les espaces situ�s au sud ont servi de d�potoir pour les ateliers de potiers aux XIe et XIIe si�cles. Les vestiges de la p�riode ottomane sont bien repr�sent�s : habitats au nord, quartier artisanal au sud. Enfin, la p�riode coloniale a laiss� son empreinte lors de la transformation des maisons pr�existantes et la construction de l�h�tel de la R�gence. Ces deux sondages ont permis la mise au jour d�un mat�riel arch�ologique important, qui se r�partit entre ossements issus des tombes fouill�es, pi�ces de monnaie, �l�ments architectoniques et panneaux de mosa�ques, est-t-il mentionn� dans un document rendu public par le CNRA lors de cette rencontre. Alors que sur le site Internet de l�institut fran�ais (INRAP), figure une pr�sentation des fouilles de la Place des Martyrs o� est surtout mise en exergue la basilique chr�tienne et la p�riode romaine. On trouve tr�s peu d�informations sur les p�riodes musulmane et turque. Lors de cette journ�e d��tude, un d�bat entre les sp�cialistes alg�riens a suivi la pr�sentation de Kamel Stiti (chef du projet Place des martyrs, partie alg�rienne). Le d�bat a surtout tourn� autour de l�identification d�un b�timent et les datations. M. Stiti, qui s�est r�f�r� � l�interpr�tation des Fran�ais qui ont reconnu le b�timent comme basilique �chr�tienne � � partir de la datation de la mosa�que trouv�e, a �t� r�fut� par deux sp�cialistes alg�riennes de la mosa�que et de la p�riode romaine, en l�occurrence la Dr Ferdi Sabah et Dr A�cha Malek, qui sont aussi membres du conseil scientifique du CNRA. Selon ces derni�res, il est fort probable que les Fran�ais se sont tromp�s, car il y a une �norme diff�rence entre la mosa�que romaine d�Occident et celle typiquement africaine. D�autant plus, ont-elles soulign�, que les arch�ologues fran�ais sont des sp�cialistes de la mosa�que gauloise et non pas de celle africaine. D�ailleurs, Kamel Stiti est un sp�cialiste de la p�riode pr�historique et non de celles antique et m�di�vale. Interrog� en marge de cette rencontre, Sabah Ferdi a expliqu� qu�on ne peut d�finir le b�timent d�couvert comme basilique chr�tienne de par son plan (absyde, nef centrale et nef lat�rale) ou par rapport � sa mosa�que qui, dit-on, date de l�antiquit� tardive (VIe et Ve si�cles av. J-C). C'est-�-dire qu�il peut s�agir d�un b�timent qui a eu une autre fonction, car une basilique chr�tienne a ses propres sp�cificit�s. Entre autres, les dessins et les espaces religieux de culte, espaces r�serv�s � la liturgie religieuse tel le ch�ur, situ� en avant de l�absyde o� chantent les enfants, l�autel contenant les reliques des saints � c�t� duquel le pr�tre dit la pri�re, les tombes des saints situ�es sous la mosa�que et sur lesquels les fid�les marchent, ainsi que les d�bris de croix. D�ailleurs, lors de la pr�sentation des fouilles, Kamel Stiti a argument� la d�finition du b�timent comme basilique chr�tienne par le fait que des croix figurent sur la mosa�que retrouv�e. Par contre, Sabah Ferdi et A�cha Malek ont prouv� � l�assistance, � travers une photo de la mosa�que du b�timent comportant des dessins et expos�e au public, qu�il s�agit d�une fleurette d�corative et non pas d�une croix. Devant l�insistance de ces deux sp�cialistes, Stiti a fini par c�der, se d�clarant finalement non sp�cialiste en la mati�re. Voyant le malaise qui r�gnait dans la salle, le directeur du patrimoine au niveau du minist�re de la Culture, Mourad Bouteflika, pr�sent lors de cette rencontre, a pris la parole et clairement signifi� au chef du projet Kamel Stiti qu�il fallait faire appel aux sp�cialistes. �Voil� un travail qui convoque la concertation de tous les sp�cialistes des diff�rentes p�riodes. Il y a beaucoup de gens que l�on charge d�une responsabilit� et qui, au lieu de faire appel � plus comp�tent pour faire un bon travail, pr�f�rent se renfermer sur euxm�mes et faire les choses individuellement. Il faut savoir que ce n�est qu�� travers la concertation qu�on peut arriver � un travail s�rieux et des r�sultats probants �, a-t-il indiqu�. De son c�t�, le directeur du CGRAG, Abdelkrim Yelles, qui �tait �galement pr�sent lors de cette journ�e d��tude, a fait � son tour quelques remarques � Kamel Stiti. Trouvant et les fouilles et leurs r�sultats tr�s limit�es, Abdelkrim Yelles s�est interrog� devant l�assistance pourquoi n�a-t-on pas pouss� les recherches un peu plus loin, se limitant � des conclusions peu significatives et pourquoi n�a-t-on pas fouill� dans la partie est et ouest de la place des Martyrs, se limitant aux 400 m2 des deux parties sud et nord, pour voir s�il n�y a pas d�autres vestiges afin que les choses soient plus claires. Sur ce, Mourad Bouteflika a r�agi en expliquant que �vu le caract�re urgent de l�op�ration, il fallait faire vite et se limiter � un sondage arch�ologique pour �valuer ce qu�il y a sur place comme potentiel arch�ologique, afin de permettre � l�Entreprise du m�tro d�Alger de commencer ses travaux �. Pour lui, le fait qu�ils aient pu r�aliser ce sondage et convaincu le minist�re des Transports de patienter et construire la gare au sous-sol, c�est d�j� une grande victoire. D�autant plus que tout le monde pensait que les Fran�ais avaient tout d�truit durant la p�riode coloniale et qu�il ne restait pas grand-chose sous la place des Martyrs. Selon lui, le conflit entre le minist�re de la Culture et celui des Transports sur la place des Martyrs ne date pas d�aujourd�hui. Il a cit� comme exemple, une correspondance adress�e au d�partement de Khalida Toumi il y a quelques ann�es par un ex-ministre des Transports, dans laquelle il donne un d�lai d�un mois pour lever les contraintes li�es au patrimoine, sinon il sera oblig� de ramener ses bulldozers et d�truire tous les vestiges se trouvant dans le sous-sol. Par contre, s�est-t-il f�licit�, �aujourd�hui, nous avons l�opportunit� d�avoir le projet du m�tro d�un c�t� et le patrimoine de l�autre. Une d�l�gation du minist�re de la Culture et de la Direction de la culture de la wilaya d�Alger s�est rendue avant le commencement de la fouille � Rome et � Ath�nes pour voir s�il est possible d�avoir � la place des Martyrs, le m�me mod�le de gares de m�tro qu�on trouve dans ces deux villes europ�ennes. Il s�agit de gares construites au sous-sol et le m�tro passe au milieu des vestiges pr�serv�s dans des sortes d�aquariums et expos�s aux passagers. Ces responsables de la culture alg�rienne ont finalement constat� qu�il �tait possible d�avoir cet �chantillon � Alger.� Ainsi, selon Mourad Bouteflika, dans quelques ann�es, les Alg�riens et les touristes pourront prendre le m�tro et voyager tout en appr�ciant les vestiges pr�serv�es sous-terre. Interrog� � ce sujet, le Dr Mahfoud Feroukhi, qui a pr�sid� cette journ�e d��tude et qui est notamment membre du conseil scientifique du CNRA et chercheur � l�INRAP, a appuy� les dires du directeur du patrimoine en indiquant qu�un tel projet �est tr�s envisageable � la place des Martyrs, d�autant plus que l�Alg�rie a aujourd�hui les moyens�. Incompr�hensible� ! En attendant, les arch�ologues alg�riens, soucieux de l��criture de l�histoire de leur pays, se posent beaucoup de questions. Pour eux, cette opportunit� aurait pu �norm�ment contribuer � r�unir une batterie d�informations sur l�histoire de la ville d�Alger. Comment a �t� constitu�e la ville de Beni Mezghana et a-t-elle r�ellement exist� ? Est-ce que les anc�tres de la population habitant aujourd�hui la commune de Beni Mezghana, situ�e dans la wilaya de M�d�a, �taient � une certaine �poque les v�ritables autochtones de la ville et qu�ils ont �t� chass�s par la suite pour s�installer dans la r�gion de M�d�a ? Ou plut�t une portion de cette tribu avait conquis dans le temps la ville d�Alger ? Durant la p�riode coloniale, les Fran�ais ont trouv� � Alger, de la c�ramique provenant de Gr�ce. Ce type de c�ramique qu�on trouve seulement dans les colonies grecques de la M�diterran�e occidentale n�existe nullement dans les villes c�ti�res de l�Afrique du Nord dites puniques ou numides. M�me pas � Carthage qui fut l�une des villes les plus connues pour sa vocation commerciale. Peut-t-on supposer � travers cette d�couverte de c�ramique grecque (rare), qu�Alger fut � une certaine �poque une colonie grecque ? Les textes historiques parlent de la supr�matie des Carthaginois sur les c�tes du Maghreb, c'est-�-dire que les Grecques ne se sont jamais install�s dans les villes maghr�bines� Comment �tait la ville sous le royaume numide, � l��poque de Massinissa et Jugurtha ? Pourquoi ce dernier a choisi la ville de Cherchell comme capitale de son royaume et non pas Icosium (Alger) qui est plus riche d�un point de vue �conomique, gr�ce � son mouillage et ses terres fertiles, alors que Cherchell se situe sur une colline abrupte ? Selon les sp�cialistes, toutes ces questions auraient pu trouver des r�ponses, du moins partiellement dans un premier temps, si l�on avait pris le soin et le temps d�effectuer une fouille minutieuse. D�autant plus que la place des Martyrs est situ�e sur un terrain ou un espace d�gag�, contrairement aux autres villes ou sites b�tis. C'est-�-dire que les contraintes de destruction de maisons, d�m�nagement et recasement des habitants ne se posent pas. Il suffit donc juste de creuser et d�entamer les fouilles. �La place des Martyrs �tait le centre urbain de toutes les civilisations qui ont travers� l�Alg�rie. Nous n�avons rien contre l�institut fran�ais, mais il s�agit l� d�une fouille d�une importance capitale pour nous en tant qu�Alg�riens. Nous connaissons notre histoire et les sp�cificit�s de nos monuments et vestiges arch�ologiques beaucoup mieux que les Fran�ais, d�autant plus que nous avons des comp�tences de renomm�e mondiale, et les responsables de la culture les connaissent une par une. On aurait pu avoir beaucoup d�informations sur l�histoire de la ville, mettre en place un v�ritable chantier d��cole, former les �tudiants qui pouvaient faire des travaux dirig�s (TD) sur place. On pouvait �galement profiter de l�occasion pour effectuer des m�moires de fin d��tudes (licence, master, magister et doctorat). On aurait pu aussi nettoyer, �tudier et dater les mat�riaux arch�ologiques trouv�s et les mettre en lieu s�r au lieu de les d�poser p�le-m�le dans des casiers au sous-sol du CNRA��, dira un arch�ologue proche du dossier qui a pr�f�r� garder l�anonymat. Interrog� sur l�ensemble de ces points, le directeur du patrimoine, Mourad Bouteflika, a expliqu� d�abord qu�il fallait faire appel aux Fran�ais qui sont sp�cialistes dans la pr�vention, car les Alg�riens ne sont pas assez comp�tents pour ce type d�op�ration. �Les arch�ologues alg�riens, au m�me titre que le Centre national de recherche en arch�ologie, s�y connaissent dans les projets de recherche � long terme, alors que dans ce cas, il s�agit de la pr�vention et il fallait surtout faire vite�, a-t-il pr�cis�. Et d�ajouter : �Cette fouille a �t� avant tout entam�e pour permettre au m�tro d�Alger d�op�rer au plus vite, il n�y avait pas donc beaucoup de temps � perdre pour r�aliser une fouille minutieuse.� Interrog� �galement sur la divergence des avis concernant les datations des diff�rents monuments et vestiges d�couverts, Mourad Bouteflika a tenu � pr�ciser qu�il n�est pas arch�ologue mais architecte, donc pas sp�cialiste en la mati�re. Mais il a tout de m�me signifi� qu�il ne sert � rien d�anticiper les choses ou de pol�miquer, car les Fran�ais n�ont toujours pas rendu le rapport final de la fouille ! Il est � rappeler que l�INRAP a �t� sollicit� pour justement faire vite, conform�ment � la convention qui limite les travaux de recherche � 40 jours et l��tablissement du rapport final, huit semaine apr�s. Aujourd�hui, plus de huit mois sont pass�s apr�s la fin des fouilles, et c�est ce m�me responsable qui affirme que les Fran�ais n�ont pas encore rendu le rapport final. Dans ce cas-l�, s�interrogent les sp�cialistes du secteur, pourquoi a-t-on pr�text� qu�il fallait faire appel � eux pour faire vite s�ils ont accus� tout ce retard ? Enfin, ces m�mes sp�cialistes affirment qu�en l�espace de huit mois et avec tr�s peu de moyens, ils auraient pu donner l�opportunit� aux Alg�riens de conna�tre, du moins, une bonne partie de leur histoire et faire les choses dans les r�gles de l�art. Affaire � suivre�