Je me dois de donner quelques �claircissements sur ce qui a motiv� mon intervention dans le d�bat sur la vie et la mort du colonel Amirouche : 1) Je consid�re, sans r�serves mentales aucune, que Amirouche est un vrai h�ros de la lutte de Lib�ration nationale; il a fait preuve de qualit�s extraordinaires de leadership qui ont permis au FLN/ALN de s'implanter solidement en Kabylie tant sur le plan politique que militaire, et donc de mobiliser une r�gion strat�gique � tout point de vue dans l'issue heureuse de cette guerre violente et cruelle. L'histoire de la guerre de Lib�ration nationale ne peut s'�crire sans que lui soit donn� un r�le central dans sa conduite comme dans son succ�s final. 2) Tous ceux qui ont approch� Amirouche et qui sont encore en mesure de porter un t�moignage sur lui ont soulign� son attachement � la nation alg�rienne comme son rejet absolu de toute forme de r�gionalisme. Les preuves ne manquent pas de ces profondes convictions nationalistes comme du fait que c'�tait chose connue. Une des meilleures preuves � entre autres � qu�on le savait d�nu� de tout penchant r�gionaliste, c�est qu�on a accept� son arbitrage dans des conflits internes � des wilayas limitrophes et que son aide a �t� sollicit�e et accord�e. 3) Il est impossible d'utiliser son nom pour des objectifs politiques � caract�re r�gionaliste, car ses convictions �taient aux antipodes de ces tendances. 4) Il demeure qu'il est n� en Kabylie, il est normal qu'il soit consid�r� dans cette r�gion comme un h�ros dont elle peut �tre fi�re. Rien de plus naturel que le sentiment de fiert� qui s'attache � des hommes n�s dans une r�gion ou une ville quelconque. Chaque r�gion, chaque ville, chaque village a ses h�ros n�s en son sein, dont certains ont une dimension strictement locale, et d'autres ont eu un impact sur l'histoire de leur pays, comme c'est le cas de Amirouche en Kabylie, aux c�t�s de Krim Belkacem, Abane Ramdane, Ouamrane, Dehiles, Nacer et bien d�autres encore. Il reste, cependant, en analyse finale, que toute l�Alg�rie a le droit de tirer gloire de ses h�ros, car ils ont v�cu et sont morts au service d�une cause nationale. 5) Ceci dit, Amirouche, malgr� ses immenses qualit�s intellectuelles, politiques, morales et militaires, restait un homme avec ses forces et faiblesses, ses intuitions g�niales et ses erreurs de jugement; la perfection n'est, h�las, pas de ce monde et l'exc�s de louanges tue les louanges. Le proph�te Mohammed (QSSL) lui-m�me a �t� l'objet de critiques, il n'y a qu'� lire le livre que Mohammed Ibn Jarir Al Tabari (838-923) a consacr� � sa vie, et comme l'a si bien dit le premier khalife de l�Islam, Aboubeker Assaddiq, c'�tait un homme qui ne pouvait pas �chapper � sa nature humaine malgr� le message divin dont il �tait seulement le transmetteur. 6) Les informations donn�es sur certains d�tails des �v�nements pr�c�dant la mort h�ro�que de Amirouche par les uns et par les autres, y compris par M. Sa�d Sadi (voir p. 313 2e paragraphe) se recoupent d'un t�moignage � l�autre; cependant, la diff�rence de taille est dans les conclusions tir�es de ces d�tails qui ne peuvent qu'�tre identiques d'un �crit � l'autre. 7) L'extr�me cloisonnement des services du MALG � reconnu et soulign� � maintes reprises par Sa�d Sadi �galement � et la diversit� des sp�cialit�s qu'il aurait fallu ma�triser pour transmettre � l'ennemi un message radio confirmant ses informations en y ajoutant des pr�cisions permettant d'organiser une attaque directe contre Amirouche et le groupe de l'ALN qui l�accompagnait, rendaient impossible un acte de trahison, sauf s'il y avait un agent infiltr� dans les rangs des services secrets alg�riens, agent disposant de l'acc�s direct et imm�diat tant aux informations recueillies qu'� un poste �metteur r�cepteur clandestin se trouvant dans les locaux m�mes de ces services secrets. Ce genre de sc�narios peut se retrouver dans les romans d�espionnage, mais est impossible dans les situations r�elles. 8) Donc, m�me r�p�t�e � l'infini, la rumeur de la trahison d'Amirouche par Boussouf et Boum�di�ne reste ce qu'elle est : simplement une fausse rumeur, offensante pour ceux qui en sont la cible comme pour leurs familles, mais plus offensante encore pour ceux qui continuent � la r�pandre, car ils y risquent leur cr�dibilit� personnelle et politique. 9) Je ne prendrai aucune position en ce qui concerne l'analyse et l'�valuation d�taill�es des actions de Boussouf et Boumedi�ne, tout un chacun a droit � son point de vue sur ces hommes-cl�s de l�histoire contemporaine de notre pays, car ceci concerne des hommes publics dont les actions ne sauraient demeurer au-dessus de tout jugement et de toutes critiques, justifi�es ou non. Toute pi�ce apport�e au d�bat est la bienvenue, m�me si elle appara�t contestable aux yeux d�une majorit�, car elle constitue un pas dialectique vers la d�couverte de la v�rit�. Esp�rons qu'un historien - ou m�me plusieurs - aura la patience, un jour, de nous r�v�ler, documents et t�moignages cr�dibles et neutres � l'appui, et sans a priori ou objectifs politiques apparents ou cach�s, ce qu'�taient vraiment ces deux hommes dans leurs personnalit�s, leurs motivations et leurs ressorts cach�s. Ce que je constate, c'est que certains les montent aux nues et d'autres en font des monstres : des deux c�t�s, le p�ch� d'exag�ration est commis. 10) Pour ce qui est de la Bleu�te, il reste certainement beaucoup � dire sur son d�marrage, son d�veloppement et ses cons�quences. Amirouche, en tant que chef supr�me de la Wilaya III, a une part immense de responsabilit� dans cette page sombre de l'histoire de la guerre de Lib�ration, part qu'on pourrait tenter de r�duire mais non de nier totalement. Je suis de ceux qui ont la faiblesse de penser que toute vie m�rite d'�tre v�cue et d'�tre pr�serv�e. Chacun de ceux qui ont perdu leur vie dans cette triste affaire avait le droit � une d�fense �quitable s'il �tait coupable au vu des preuves incontestables pr�sent�es contre lui, ce qui n'�tait pas le cas en p�riode de guerre, ou de ne pas subir de tortures et �tre ex�cut�, s'il n'y avait rien d'autre que des soup�ons contre lui. Vingt pour cent d'erreur, comme l'a reconnu Amirouche lui-m�me, est pour moi vingt pour cent de trop. Ceux qui veulent d�fendre l'ind�fendable doivent se mettre dans la peau d'un jeune, parmi les centaines d'innocents, attendant le moment de son ex�cution apr�s avoir subi des tortures barbares. 11) Pour ce qui est des corps de Amirouche et de Haou�s, comme de ceux d'anonymes de la guerre de Lib�ration nationale, le bl�me revient d'abord et avant tout aux autorit�s militaires coloniales qui �taient tenues de respecter soit leurs lois internes, soit la Premi�re Convention de Gen�ve, (1949) pour disposer de ces corps. Or, dans les deux cas, elles auraient d� faire proc�der rapidement � l'enterrement des corps suivant les rites religieux propres � eux, et dans des tombes identifiables. La non-disposition, de mani�re appropri�e, des corps des personnes tu�es au combat est un crime aux yeux de la loi interne fran�aise comme des conventions internationales. Est-ce que cela r�duit les responsabilit�s des autorit�s publiques alg�riennes apr�s l�ind�pendance ? Non ! Mais ce sont ceux qui ont refus� d�honorer leurs ennemis morts les armes � la main, et n'ont pas proc�d� aux enterrements des corps imm�diatement apr�s la bataille, qui portent la plus grande partie du bl�me dans ce sordide et tragique �pisode de la guerre de Lib�ration, � qui n�est pas � l�honneur du pays de naissance des droits de l�homme, � et qui ont commis, ainsi, un crime de droit commun comme un crime de guerre. 12) Je suis indiff�rent aux attaques personnelles contre moi et je m'abstiendrai d'y r�pondre quelque offensantes que leurs auteurs aient voulu qu'elles soient. J�ignorerai, bien s�r, les proc�s d�intention intent�s contre moi. Amirouche est un personnage trop important dans l'histoire de notre pays pour qu'on m�le les insultes personnelles et les invectives ad hominem au d�bat sur sa vie et sa mort. 13) Pour finir, je salue l�initiative du Docteur Sa�d Sadi, initiative qui lui a certainement co�t� beaucoup de temps et d�efforts ; j�ai lu avec grand int�r�t son livre. Je souhaiterais souligner que, bien que je ne partage pas nombre de ses vues et de ses analyses, et que je sois d�avis que certains des d�tails qu�il a donn�s m�ritent d��tre soit amend�s, soit compl�t�s, je consid�re qu�� travers l�ouvrage qu�il a consacr� � la biographie du colonel Amirouche, il a contribu� � faire avancer la connaissance d�un homme qui a jou� un r�le central dans la guerre de Lib�ration nationale. � travers le r�cit de la vie de ce h�ros incontournable de la nation alg�rienne qu�est Amirouche, le Docteur Sadi rend, �galement et simultan�ment, hommage � tous les acteurs de cette grande �pop�e dont il mentionne les noms, qu�il les ait couverts de louanges ou cribl�s de critiques : ils ont particip� directement ou indirectement � l��criture d�une page glorieuse et cruelle de notre Histoire nationale. Nombre d�entre eux ont �t� des compagnons de lutte, dont la m�moire m�rite d��tre d�fendue sereinement, avec d�tachement et loin de toutes r�f�rences aux d�bats politiques du moment.