Alors qu'il était surnommé le joyeux (Ezzahi), le chanteur Amar Ezzahi n'a pas vraiment connu la joie durant sa vie mais savait bien cacher ses souffrances. Parti, il y a exactement une année pour rejoindre le chœur des oiseaux du paradis et lui offrir sa belle voix, Amar Ezzahi s'en allait pour vraiment vivre dans la joie dont il a été privé dans sa vie sans jamais se plaindre. L'artiste qui a consacré sa vie à offrir la joie à son entourage et tous ceux qui aimaient écouter ses chansons a su, comme ces maîtres du soufisme, délaisser le monde matériel pour un lendemain et un au-delà meilleurs. L'ami des pauvres Amar Ezzahi doit surtout sa réussite du fait qu'il pensait aux pauvres et au peuple dont il est issu car ces derniers le lui rendaient bien. De son vivant, Amar ou Amimer pour ses amis, était devenu très célèbre et très aimé aussi bien par les passionnés de chaâbi, que par les jeunes garçons et filles. Bien que le chaâbi fut depuis longtemps un genre écouté surtout par les hommes, Ezzahi s'est fait aimer aussi par les jeunes filles. C'est vrai qu'auparavant, Guerouabi était écouté et adulé par les jeunes filles mais, c'était surtout pour sa beauté et son charme, ce qui ne fut pas le cas d'Ezzahi dont les filles écoutaient les chansons, car elles savaient que l'artiste avait un bon cœur et était proche des pauvres et aurait vécu seul à cause d'une histoire d'amour comme on en voit dans les films. Une place parmi les grands Amar Ezzahi qu'on ne devrait quand même pas comparer au pionnier du chaâbi, Hadj M'hammed El Anka, a quand même gagné sa place aux côtés des grands chanteurs tels que El Hachemi Guerouabi, Amar El Achab, Hassen Said et Boudjemâa El Ankis, grâce à sa voix limpide, le fait qu'il pouvait chanter aussi bien les Qaçaid que les chansonnettes. La réussite d'Amar Ezzahi est également motivée par son sens de l'innovation dans la musique. Il était aussi audacieux. Au moment où tous les chanteurs de chaâbi se contentaient de reprendre les anciennes chansons ou interprétaient des chansons d'amour, il avait osé faire le pas pour consacrer une chanson à la Palestine, un succès repris par tous les jeunes Algériens. Il avait chanté la Palestine Bien qu'il était très timide, Amar Ezzahi était aussi rusé qu'El Anka aussi bien dans la vie courante que dans la pratique musicale. Dès son jeune âge, alors qu'il avait débuté en imitant Boudjemâa El Ankis qui, lui-même avait fait ses débuts en imitant El Anka, il trouva une astuce pour se démarquer. Il se mit à écouter Fadhila Edzirya et a repris certaines touches (Khenet), ce qui ne fut jamais fait par ses prédécesseurs, car imiter une femme était inimaginable notamment dans le monde du chaâbi. Amar Ezzahi se faisait accompagner par les plus grands musiciens dont Naguib, le virtuose du banjo et élève d'El Anka (son bras droit sur la photo). Malgré le grand succès, l'artiste a su grader son calme et a continué à vivre dans la plus grande simplicité jusqu'au dernier jour de sa vie. Sa timidité a fait qu'il n'aurait accepté qu'un ou deux entretiens à la presse durant toute sa carrière. Certaines personnes jalouses sont allées jusqu'à dire que le maître refusait les interviews car il ne maîtrisait pas la langue française, ce qui est archifaux car Amar Ezzahi a obtenu le BEPC (BEM) durant la période coloniale et un enregistrement d'un entretien inédit réalisé par un de ses meilleurs amis prouve que le chanteur maîtrisait à la perfection la langue de Molière. D'ailleurs, ne pas maîtriser une langue étrangère n'est pas une tare puisque le domaine d'Ezzahi était la chanson et la musique et non la littérature. Ezzahi était comme tous les grands artistes, et les fausses rumeurs le touchaient aussi. En effet, celle qui dit qu'il a chanté Zennouba, un de ses plus grands succès pour rendre hommage à une prétendue cousine qu'il a aimée et qu'il rêvait de la prendre comme épouse, est fausse car tout simplement l'auteur de cette chanson est décédé avant même sa naissance. Pour rappel, Zennouba a été écrite par le parolier marocain Mohamed El Bahi et a été enregistrée par le maître de la musique andalouse et hawzie, Cheikh Larbi Bensari, en 1926. Par la suite, c'est Farid Oujdi dit Ninis qui l'avait enregistrée en 1953 avant que ne l'a reprenne Hadj M'hammed El Anka en 1958 sur les ondes de la chaîne RTF. Inoubliable Un an exactement après son départ vers l'au-delà, Amar Ezzahi fait encore parler de lui comme s'il était vivant. Tout le monde se souvient de son enterrement où le tout Alger a tenu à y assister. Un an après la disparition d'Ezzahi, tout le monde parle encore de l'homme simple et modeste qu'était Ezzahi. Un an après sa mort, tout le monde raconte encore les anecdotes autour de ce chanteur de chaâbi qui fut vraiment populaire. Un an après, on constate que bien qu'il ait consacré sa vie à offrir la joie au petit peuple, Ezzahi ne s'est jamais servi de cette joie et a passé tout son temps à cacher ses souffrances. Un an après, tout le monde reconnaît qu'Ezzahi est de ces artistes qu'on n'oublie jamais.