C'était un très bon comédien, un animateur plein de ressources, un bon acteur et surtout, un auteur insoupçonné… Abdelhalim Raïs était un homme remarquable dont le parcours, les œuvres et les qualités parlent toujours pour lui, trente-huit ans après sa disparition. Organisé samedi dernier à l'espace Mohamed-Benguetaf au Théâtre national algérien (TNA) Mahieddine-Bachtarzi, l'hommage à Abdelhamid (Boualem) Raïs été la première rencontre donnée par le 12e Festival national du Théâtre professionnel d'Alger qui se poursuit jusqu'à la fin de ce dernier mois de l'année. Après un retard marqué par deux heures et demie d'attente, les organisateurs se sont excusés prétextant qu'ils attendaient la venue de Nadia Talbi. Quoi qu'il en soit, Abdelhamid Rabia, était bien présent bien que venu le matin même de Béjaïa. «Je suis d'abord outré par le fait que durant toute ma carrière, ce soit la première fois qu'on m'envoie une invitation pour ce festival. De plus, le fait de voir cette salle vide m'exaspère, alors que certains directeurs de Théâtres régionaux sont tranquillement installés dans des cafés dehors... Qu'on ne vienne pas ensuite nous parler de mémoire», s'est d'emblée insurgé Abdelhamid Rabia. Ce dernier est revenu par la suite sur le parcours de Abdelhamid Raïs, en déclamant son intervention sous forme de poème. Il dira que Boualem Raïs, qui se faisait appeler Abdelhalim du nom de Abdelhalim Hafid qu'il adulait tant, est né le 22 Mai 1924 à Bab Jdid dans la haute Casbah à Alger. Il a grandi aux côtés des moudjahidine et a travaillé en tant que facteur, écrivain public et était aussi employé dans une société d'électricité et de gaz. Seulement, ce qui le passionnait était la chanson, la musique et la comédie. «De temps en temps, il allait à la salle de répétition de Mahieddine-Bachtarzi (sise rue du Lézard à Alger) où, il a commencé à fréquenter et à connaître les artistes. Au début de sa carrière, alors qu'il n'avait que vingt ans, il commença à écrire des chansonnettes et à participer dans des pièces théâtrales. A cette époque en 1934 il écrit la pièce El Yatime (l'orphelin) et à rejoint la troupe El hilal el djazairi dont il était un membre fondateur....», souligne Rabia. En 1946, il part au Maroc où il joue dans deux films Chadad El Adil aux côtés de Djeloul BachDjarah et Maarouf avec Mohamed Touri. De retour à Alger, il rejoint l'équipe de la Radio algérienne et commence à préparer des émissions portant sur le théâtre policier. En 1947, Mahieddine Bachtarzi qui initie la saison du théâtre arabe à l'ex-Opéra d'Alger (actuellement le Théâtre national) présente avec Mustapha Kateb la pièce Monserrat. Cette dernière est présentée pour la première fois au public algérien par la troupe du MTLD (dont faisait partie Raïs) en novembre 1949 et soulignons-le, en présence de l'auteur français Emmanuel Roblès. Raïs joue par la suite dans la pièce Chemchoum El Djazair de Mohamed Ouadah, Le bourgeois gentilhomme de Molière... Il écrit ensuite plusieurs pièces dont Hya El Hayat (c'est la vie) et Bin Narain (entre deux feux) à une époque où le théâtre avait une bonne relation avec le mouvement national. En 1950, la troupe du MTLD avait participé dans plusieurs festivals dans des pays communistes à (Berlin en 1952, Budapest en1953, Varsovie 1955...). Mort en plein tournage En 1953, Raïs écrit, Sidi El Hadj, Mourad wahid et Hadi hya dounia. En 1954, au déclenchement de la Guerre de libération nationale, le FLN ordonne la cessation de toutes les activités artistiques et culturelles. Début 1956, Raïs est contraint de partir en France comme nombre d'artistes algériens de l'époque et rejoint la troupe du théâtre algérien fondé par Mustapha Kateb en 1940. Fin 1956, la Fédération programme de fonder la troupe artistique du FLN et début 1957, Boumendjel prend contact avec Mustapha Kateb pour mettre en place cette troupe qui se forme et donne naissance à l'épopée Nahw Ennour en 1958. À ce moment, Raïs commence à écrire des pièces sur la Révolution et le peuple algérien. Les plus célèbres de ses pièces Les Enfants de la Casbah (le 10 mai 1959), El Ahidoun, Dam Elahrare font la tournée dans tous le pays. Après l'indépendance en 1962, Raïs rejoint la Radio et la Télévision algérienne et joue dans plusieurs films tels que La nuit a peur du soleil (1965), Hassan Téro (1965), Chronique des années de braise, l'Opium et le Bâton, El Moukafeh...Et alors qu'il était en plein tournage pour un film à Bousaâda en 1979, Raïs fait un arrêt cardiaque et meurt sur place. Il est enterré au cimetière d'El Kettar à Alger. Un auteur insoupsonné Par ailleurs, et pour le deuxième intervenant à cette rencontre, Taha El Amiri, Raïs était un auteur insoupçonné. «Il regorgeait d'idées et sous ses aires de faux calme, il avait toujours une histoire à raconter. Seulement pour moi, il m'est impossible de parler de Raïs sans évoquer Mustapha Kazdarli et Mohamed Boudia. On les appelait les trois mousquetaires. Raïs, était un comédien, un auteur et un militant. Il était parmi les meilleurs comédiens de la troupe du TNA qu'avait formée Bachtarzi et qui, rappelons-le, était composé de trois générations de comédiens. Les plus anciens tel que Habib Réda, Keltoum, Mohamed Touri, une seconde représentée par Kazdarli, Nouria et Aabdelhalim Raïs et les plus jeunes de l'époque qui étaient moi, Hassani El Hassani, Abdelhamid Nemri, Abdelkader Safiri...En 1949, Bachtarzi nous demandait de présenter une pièce par semaine alors que nous, nous avions une sérieuse crise du texte, qui en passant, demeure à ce jour, et il fallait suivre le rythme imposé par le public présent en masse chaque semaine…» Taha El Amira dira par la suite qu'il fallait signer avec la troupe de Bachtarzi qui activait d'octobre à mai car à la fin de ces huit mois de travail, l'artiste était livré à lui-même et n'avait aucun revenu. «C'est ce qui a plus ou moins poussé et contraint Raïs à rejoindre la radio. Il devait subvenir à ses besoins...», conclut-il. Mauvaise gestion à la salle Bachtarzi: A quoi un programme sert-il ? Ce samedi, les amateurs et professionnels du théâtre, journalistes et tous les invités ont été déçus par la mauvaise gestion qui semble régner au niveau de cette institution. En effet, alors que la rencontre concernant l'homme de théâtre et acteur Abdelhalim Raïs devait débuter à 9 heures, les gens ont été obligés d'attendre jusqu'à 11h 30. L'exposition des travaux et photos de Raïs prévue au niveau du hall a été annulée. Par ailleurs, la rencontre – dédicace avec l'écrivain et journaliste Nadjib n'a pas eu lieu. Ce dernier a quitté la salle à cause justement de cette mauvaise gestion. Il n y avait pas la moindre affichette pour annoncer cette rencontre. Même les agents du TNA n'étaient pas informés.