L'opposition syrienne a accusé mercredi le régime de Bachar Al Assad d'avoir tué plus de 1300 personnes à l'aide d'armes chimiques près de Damas, avec à l'appui de très nombreuses vidéos de victimes civiles diffusées sur internet. Des opposants disent avoir prélevé des échantillons sur les victimes de cette attaque, qu'ils essaient de faire parvenir aux experts. Le gouvernement dément formellement les affirmations de l'opposition, quant à la communauté internationale ainsi que les organisations des droits de l'homme, elles réclament que les experts de l'ONU, actuellement en Syrie, vérifient ces accusations sur place. C'est dans ce contexte que des diplomates américains et russes ont annoncé hier qu'ils se rencontreront mercredi aux Pays-Bas afin de discuter des moyens de mettre fin au conflit. Aussi, depuis jeudi, une litanie de réactions internationales se fait entendre. L'un des premiers à réagir fut le président français qui estimait que l'on pouvait parler de «probable attaque chimique». Hier, le ministre britannique des Affaires étrangères, William Hague, s'est voulu plus tranchant en déclarant que «les bombardements près de Damas étaient une attaque chimique du régime d'Al Assad à grande échelle mais nous voulons que les Nations unies puissent l'établir», a-t-il dit, ajoutant qu'«il n'y a pas d'autre explication plausible avec autant de victimes sur une si petite zone». Pour lui, la priorité est de s'assurer que l'équipe des Nations unies puisse enquêter sur le terrain pour établir les faits dans les plus brefs délais sous peine de ne plus disposer de preuve probante et s'ils ne peuvent agir, il estime qu'«il faudra retourner devant le Conseil de sécurité pour obtenir un mandat pour un accès aux lieux des bombardements», a-t-il déclaré. Dans le même sillage, le SG de l'ONU, Ban Ki-moon, a également réclamé un laissez-passer pour les enquêteurs de l'ONU et averti que «l'utilisation d'armes chimiques viole le droit international et constitue un crime contre l'humanité aux graves conséquences pour celui qui l'a perpétré», a-t-il menacé. Pour sa part, le président américain se veut plus prudent et ne se prononce pas sur l'utilisation de telles armes. Il a précisé que son département collecte en ce moment des informations mais a mis en garde contre tout appel à une intervention précipitée des Etats-Unis, qui risquerait de les embourber dans un autre conflit dans un contexte de désengagement américain dans la région. Il a également expliqué qu'«une telle intervention pourrait alimenter plus de ressentiments dans la région», d'autant que les rebelles ne l'appuierait pas forcément. Quant à l'envoyé spécial de la Ligue arabe et de l'ONU, Lakhdar Brahimi, il a jugé que «le conflit syrien est la plus grande menace actuelle contre la paix mondiale, surtout depuis l'usage présumé d'armes chimiques». M. Brahimi essaye depuis des mois de réunir le régime du président syrien Bachar Al Assad et l'opposition au sein d'une même conférence de la paix, appelée Genève 2, sans toutefois y parvenir. Pour sa part, la Russie dit avoir demandé à Damas et à l'opposition syrienne de coopérer avec les experts en armes chimiques de l'ONU et d'autoriser une enquête sur l'attaque au gaz présumée commise mercredi à l'est de Damas. Retour des interventionnistes malgré un niet de la Russie Après le conflit en Libye, Bernard Henry Levy, en mal de notoriété, essaye de nouveau de convaincre l'opinion publique française des biens fondés d'une intervention en Syrie, sous l'œil bien veillant de son ami Netanyahu qui cherche en atteignant la Syrie à cibler son pire ennemi, l'Iran. Pour sa part, Alain Juppé, ex-ministre des Affaires étrangères françaises, a également appelé hier à une intervention en Syrie, estimant qu'il était «nécessaire de s'affranchir des blocages à l'ONU en aidant militairement la résistance syrienne face à l'usage d'armes chimiques sur le terrain», a-t-il dénoncé. La Russie a pour sa part jugé inacceptables les appels à faire pression sur l'ONU ainsi qu'à faire usage de la force contre le régime syrien de Bachar Al Assad, soulignant également que l'attaque présumée à l'arme chimique dans la banlieue de Damas était clairement une provocation et que les rebelles empêchaient une enquête objective. Une opération anti-Assad ? Selon le quotidien français Le Figaro, des combattants de l'Armée syrienne libre, entraînés par la CIA, seraient passés la mi-août à l'offensive près de Damas, épaulés par des commandos israéliens et jordaniens. Il s'agirait du premier contingent de combattants de l'Armée syrienne libre (ASL) formé à la guérilla pendant plusieurs mois par des Américains dans un camp d'entraînement en Jordanie. Un second contingent aurait également franchi la frontière le 19 août, poursuit le quotidien. Les rebelles auraient ensuite avancé depuis le Sud vers Damas. David Rigoulet-Roze, chercheur à l'Institut français d'analyse stratégique (Ifas), a expliqué au Figaro que «l'objectif de Washington serait ainsi d'entraîner des opposants pour modifier le rapport de force face à Bachar Al Assad, sans pour autant intervenir directement, ni armer les rebelles en partie contrôlés par les islamistes radicaux», a-t-il précisé. Le quotidien voit dans cette avancée soutenue par des étrangers l'explication du recours du président Bachar Al Assad aux armes chimiques. Un million d'enfants réfugiés L'ONU a annoncé hier que «sur près de deux millions de réfugiés, plus d'un million d'enfants auraient fui la Syrie». La plupart se trouveraient dans des camps au Liban, en Jordanie, en Turquie, en Irak et en Egypte, mais ils seraient de plus en plus nombreux à fuir en Afrique du Nord et en Europe. 3500 enfants seraient même réfugiés en Jordanie, au Liban et en Irak sans aucun accompagnement familial. L'un des responsables du Haut commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR) a indiqué que son organisation a réussi à enregistrer chaque enfant réfugié par son nom et à aider les mères qui ont accouché en exil à obtenir des certificats de naissance pour leurs enfants, afin qu'ils ne deviennent pas apatrides. L'ONU avance en outre que sur plus de 100 000 personnes tuées depuis le début des violences, il y a deux ans, il y aurait parmi les victimes 7000 enfants.