Le gouvernement syrien a appelé hier le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, à mener des efforts pour empêcher toute agression contre la Syrie en dehors de la légitimité internationale, tout en niant l'usage d'armes chimiques par l'armée syrienne. «Le gouvernement syrien appelle le secrétaire général de l'ONU à assumer ses responsabilités (...) et à mener des efforts en vue d'empêcher toute agression contre la Syrie et aller de l'avant vers une solution politique pacifique de la crise syrienne», a indiqué le délégué permanent de la Syrie aux Nations unies, Bachar Al Jaafari, dans une lettre adressée à Ban Ki-moon, selon l'agence Sana. «Le Conseil de sécurité de l'ONU (...) doit empêcher tout usage inconsidéré de la force de manière contraire à la légalité internationale», poursuit la lettre. «Le gouvernement syrien répète une nouvelle fois qu'il n'a jamais fait usage d'armes chimiques (comme l'accuse l'opposition et les pays occidentaux)», écrit M. Al Jaafari, qui ajoute que Damas avait demandé au secrétaire général de l'ONU d'enquêter «sur l'utilisation de ces armes le 19 mars à Khan Al Assal», près d'Alep, dans le nord de la Syrie. «Le monde s'attendait à ce que les Etats-Unis jouent leur rôle de parrain de la paix (..) en préparant avec sérieux la conférence de Genève sur la Syrie, et non comme un pays qui a recours à la force militaire contre ceux qui s'opposent à sa politique», affirme encore M. Jaafari. La Russie a également réagi hier par rapport à la menace d'une attaque américaine contre la Syrie. Le ministre des Affaires étrangères russe, Sergueï Lavrov, a déclaré hier que les informations sur l'utilisation d'armes chimiques près de la capitale Damas et impliquant le régime syrien «ne convainquent absolument pas» la Russie. «On nous a montré quelques images où il n'y a rien de concret : ni cartes géographiques ni noms, il y a là de nombreuses incohérences, beaucoup de doutes», a indiqué M. Lavrov lors d'une allocution devant l'Institut des relations internationales de Moscou (MGIMO). «Ce que nous ont montré par le passé et plus récemment nos partenaires américains, ainsi que les Britanniques et les Français, ne nous convainc absolument pas», a relevé le chef de la diplomatie russe. «Et quand on demande davantage de détails, ils disent que tout est secret et qu'ils ne peuvent pas le montrer», a-t-il encore révélé. M. Lavrov a estimé également que des frappes américaines en Syrie pourraient reporter pour longtemps, voire à jamais la tenue d'une conférence de paix. «Si l'action annoncée par le président américain, au grand regret de nous tous, a lieu, (...) cela va reporter pour longtemps, voire à jamais, les perspectives de cette conférence de paix dite Genève 2», a déclaré M. Lavrov lors d'une conférence de presse avec son homologue sud-africaine Maite Nkoana-Mashabane, en visite à Moscou. Sur le plan diplomatique, Russes, Américains et l'ONU s'efforcent depuis plusieurs mois de mettre sur pied une conférence de paix dite Genève 2, qui doit offrir une solution politique négociée entre Damas et la rébellion. Cette conférence doit reprendre les lignes d'un accord international signé à Genève le 30 juin 2012, mais jamais appliqué, dessinant les contours d'une transition politique en Syrie. Ce deuxième volet du processus de Genève devait initialement se tenir en juin, puis en juillet, mais souffre des désaccords majeurs sur son objectif et ses participants, ainsi que de la poursuite de la guerre qui a fait plus de 100 000 morts en deux ans et demi. Pressions sur Ban Ki-moon «Londres et Paris ont fait pression sur le secrétaire général de l'Onu Ban Ki-moon afin de modifier le mandat des inspecteurs onusiens chargés d'enquêter sur le recours présumé à l'arme chimique en Syrie», a annoncé également le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov. «Lorsqu'en mars dernier, un incident qui ressemblait beaucoup à un recours à l'arme chimique a eu lieu près d'Alep, le gouvernement syrien a demandé à l'Onu de dépêcher des inspecteurs afin d'enquêter sur l'incident. Ban Ki-moon a donné son feu vert. Mais par la suite, il a fait l'objet de pressions et là, je ne vous cache rien, parce que la Grande-Bretagne et la France en ont ouvertement parlé», a indiqué M. Lavrov. «Londres et Paris ont déclaré que dépêcher des inspecteurs pour enquêter sur cet incident précis était insuffisant. Ils ont exigé qu'Assad admette n'importe quel nombre d'inspecteurs équipés de n'importe quel matériel, autorisés à visiter à n'importe quel moment tous les recoins du pays», a poursuivi le ministre russe des Affaires étrangères. La Chine est aussi sérieusement préoccupée par d'éventuelles frappes unilatérales sur la Syrie et appelle la communauté internationale à attendre la fin de l'enquête menée par l'ONU avant de formuler des conclusions sur l'usage d'armes chimiques dans ce pays, a annoncé hier le porte-parole de la diplomatie chinoise Hong Lei. «La Chine exprime sa préoccupation profonde au sujet des préparatifs engagés par certains pays en vue de lancer des actions militaires unilatérales contre la Syrie», a souligné le diplomate. M. Lei a répété que la Chine soutenait la décision de l'Onu d'effectuer une enquête indépendante, objective, juste et compétente sur l'utilisation d'armes chimiques en Syrie. «Plus jamais la guerre» «Plus jamais la guerre, plus jamais la guerre», a tweeté hier en neuf langues le pape François, renouvelant sur le puissant réseau social son appel pressant de dimanche sur la place Saint-Pierre contre toute solution armée au conflit en Syrie. Les tweets du pape sont reçus par quelque 9 millions de «followers» en neuf langues, dont 3,5 millions en espagnol, et 2,9 en anglais, et seulement 86 000 en arabe. Ils peuvent bien entendu être retweetés, ce qui multiplie leur portée. Elevant la voix dimanche avec force en condamnant l'usage des armes chimiques et en menaçant du «jugement de Dieu et du jugement de l'Histoire» les responsables des massacres dans les guerres, le Pape s'était adressé de manière pressante à la communauté internationale pour arrêter toutes les guerres et sauver la Syrie. Il faut dire que la crise syrienne a atteint un seuil très critique devant l'indifférence totale de la communauté internationale. Ils sont plus de sept millions de Syriens obligés de quitter leur foyer depuis le début du conflit entre le gouvernement et l'opposition armée en mars 2011, a en croire les déclarations du bureau syrien de l'Agence des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) Tarik Kurdi, cité par les médias occidentaux. Selon le responsable, près de cinq millions de Syriens sont enregistrés comme déplacés internes et près de deux millions de personnes ont été contraintes de quitter la Syrie. M. Kurdi a déploré un financement insuffisant pour couvrir les besoins des réfugiés. Selon lui, les pays membres de l'Onu n'ont débloqué qu'un tiers de la somme nécessaire. Cela sans oublier le nombre de morts, plus de 110 000, dont des enfants, des personnes âgées ainsi que des soldats de l'armée syrienne.