C'est un émouvant roman qui loin de nous introduire dans l'imaginaire comme un conte, nous plonge dans une réalité dure et tangible de ce lointain pays avec ses autochtones et cette foule bigarrée d'immigrants. Mustapha Bouchareb dans son nouvel ouvrage : «Fetwa» raconte l'Arabie saoudite de l'encens, du benjoin et de la myrrhe auquel se greffe celle de la modernité avec ses tours futuristes. Une contrée désertique mâtinée de turpitudes, de convictions et d'espoirs. Paru aux éditions Chihab, ce roman qui fleure bon l'Arabie avec son image exotique ancienne entré de plein-pied dans la modernité met en lumière la vie dans ce pays prospère où rigorisme flirte avec religion et traditions se combinent avec modernité. Un paradoxe savamment entretenu qui donne une grande visibilité à cette péninsule prisée par les travailleurs immigrants et les pèlerins en quête d'un Hadj ou d'une Omra. A travers la saga d'Anouf Anbary, une jeune journaliste issue d'une grande tribu, Mustapha Bouchareb évoque la le quotidien dans ce royaume avec ses codes ,ses interdits et ses fetwa. Anouf, fille du riche homme d'affaires et puissant chef de clan, le cheikh Loway Raad Anbary a enfreint la loi en conduisant une voiture, fait interdit dans ce pays. Anof dans sa folle virée à travers la ville de Ryadh a accidentellement et malencontreusement tué un moutawa, suscitant ainsi la vindicte sociale des tenants du courant rigoriste, elle est emprisonnée. Son père arrive à un compromis avec son ennemi juré le sheïkh Mohanna Jowhany un pur et dur ; mais c'était sans compter sur le mektoub ? En outre, sa relation amoureuse avec l'algérien du Mzab, Zakkaria Elaid bodai n'arrange en rien le sort d'Anouf. Dans cet ouvrage, l'auteur dresse en filigrane une sorte de réquisitoire du mode de vie de ces bédouins devenus des hommes d'affaires pour qui l'exploitation, l'esclavage et la cupidité sont monnaie courante. Il décrit avec minutie la ville de Ryadh avec ses quartiers cossus et ses rues malfamées où évoluent une population prolétaire diversifiée, ainsi que les mœurs délétères des autochtones et le pouvoir des adeptes du courant rigoriste. C'est une belle carte postale de ce pays qui tangue entre traditions, bigoterie et modernité. Cette fois-ci, l'écrivain prolifique a adopté une écriture différente par rapport à ses autres romans dont «Ciel de feu», «la troisième moitié de moi» et «la transformation du verbe par temps de pluie». Celle-ci est plus claire, efficace plus fluide et moins alambiquée. C'est un roman à forte tonalité dont l'évocation de l'Arabie saoudite titille notre curiosité en tant que lecteur. Mustapha Bouchareb s'est surpassé. Ce roman puissant témoigne de la misère et de la détresse des démunis tout en mettant en scène l'opulence excessive des nantis de ce monde. On en apprend de belles sur ce pays ! Sur ce canevas de saga colorée, où l'on croise les damnés de la terre, les enfants de riches, de la cupidité et de l'exploitation, l'auteur réussit un roman brillant et le portrait incisif de la société saoudienne. Ce roman féroce et pathétique pourrait faire un excellent film !