A Higher Loyalty : Truth, Lies, and Leadership, récit autobiographique de l'ex-patron du FBI James Comey, paraît ce mardi, presque un an après son tonitruant limogeage par Donald Trump, alors qu'il dirigeait l'enquête sur les liens éventuels entre l'équipe de campagne de l'ex-candidat républicain et la Russie. Mais de nombreux médias américains ont obtenu une copie du livre et l'ont chroniqué dès jeudi soir. Comey, lui, s'apprête à entamer un marathon médiatique, qui passera notamment par la grand-messe de George Stephanopoulos (ABC news), dimanche, et par le Late Show de Stephen Colbert, mardi. Dans son livre, Comey revient sur sa carrière de procureur à New York, puis de numéro deux du ministère de la Justice sous l'administration Bush, sa nomination comme directeur du FBI par Barack Obama en 2013... «Un accès inédit dans les coulisses du pouvoir, et une leçon remarquable sur ce qu'il faut pour être un leader efficace», écrit son éditeur, Flatiron Books. Mais c'est, évidemment, les plus récents chapitres de sa vie qui attirent toute l'attention. Se basant sur ses notes détaillées prises quotidiennement quand il était directeur du FBI, Comey relate sa décision dans l'affaire des emails d'Hillary Clinton quelques jours avant l'élection présidentielle de 2016, il annonce la réouverture de l'enquête concernant les mails de la candidate démocrate, pour annoncer une semaine après qu'il n'y a finalement aucun élément nouveau, un épisode considéré par le clan Clinton comme l'une des causes de la défaite de la candidate, ses conversations en tête à tête avec Donald Trump, son limogeage en mai 2017 qui n'a eu d'autre effet que la nomination du procureur spécial Robert Mueller, chargé à son tour de mener l'enquête russe. Tout en livrant un portrait peu flatteur de Donald Trump «Ce président est immoral, déconnecté de la vérité et des valeurs institutionnelles, écrit Comey. Dans sa façon de gouverner, tout est donnant-donnant, guidé par l'ego, et tout est question de loyauté personnelle». Autre élément qui risque, encore, d'ajouter au chaos dans la West Wing, James Comey raconte sa conversation, juste après l'annonce de son limogeage, avec l'actuel chef de cabinet John Kelly «Mon renvoi l'a mis hors de lui, et il m'a dit qu'il comptait démissionner en signe de protestation, écrit Comey. Qu'il ne voulait pas travailler pour des gens sans honneur capables de traiter des gens comme moi de cette manière. Je lui ai vivement conseillé de ne pas le faire, lui disant que le pays avait besoin de gens avec des principes pour entourer le président. Surtout ce président." Ce passage du livre ne risque pas d'arranger les affaires de John Kelly, qu'on dit marginalisé depuis plusieurs mois à la Maison Blanche. Indépendance Comey raconte cette présidence qu'il qualifie de «feu de forêt», et revient en détail sur les moments où Trump a piétiné l'indépendance du FBI. Quand, avant même son investiture, il tente de convaincre James Comey que le «Steele dossier» (qui affirme que les Russes ont du kompromat sur Trump, où il est question de prostituées et de golden shower) n'est qu'un tissu de mensonges. «Je suis germanophobe, je n'aurais en aucun cas laissé des gens s'uriner dessus à côté de moi», a-t-il dit à Comey, quand il lui intime de «faire disparaître les nuages» de l'enquête russe qui planent au-dessus de sa tête. Quand, lors d'un repas en tête à tête à la Maison Blanche, il lui demande sa «loyauté» le titre du livre est d'ailleurs un clin d'œil appuyé à cette demande. Quand, surtout, il pèse de tout son poids pour pousser Comey à fermer l'enquête sur Michael Flynn, son éphémère conseiller à la sécurité nationale, alors empêtré dans des mensonges au FBI sur ses contacts avec des membres du gouvernement russe pendant la transition. Peu après l'investiture, Comey est dans le Bureau ovale avec le président et son ministre de la Justice, Jeff Sessions. «J'espère que vous avez les idées claires pour laisser tomber tout ça, pour laisser Flynn s'en tirer, aurait dit Trump à Comey. C'est un type bien». Flynn n'aura pourtant d'autre choix que de démissionner quelques semaines plus tard. James Comey, rompu au fonctionnement de la mafia de ses années de procureur à New York, file la métaphore de Trump en parrain tout au long du livre. Ses interactions avec le président américain, écrit Comey, lui font remonter des «flash-back» de son début de carrière comme procureur contre la pègre. Le cercle qui donne son assentiment en silence. Le patron qui a le contrôle total. Les serments de loyauté. Une vision du monde en «eux versus nous». Les petits et grands mensonges à propos de tout, au service d'une espèce de code d'honneur qui met l'organisation au-dessus de la morale et de la vérité." Le repas en tête-à-tête à la Maison Blanche, en janvier 2017, au cours duquel le président lui demande de lui être «loyal», «ressemblait à la cérémonie d'intronisation à la Cosa Nostra de Sammy the Bull [Sammy Gravano, un mafieux italo-américain, ndlr], avec Trump dans le rôle du parrain, me demandant si j'avais ce qu'il fallait pour devenir un des leurs», se rappelle Comey. Obstruction Après son limogeage, Comey a témoigné, en juin 2017, devant la Commission judiciaire du Sénat. Il déclare alors «avoir considéré ces entretiens comme une tentative de déstabiliser l'enquête du FBI sur une possible collusion entre l'entourage du candidat républicain à la présidentielle de 2016 et la Russie». Mais tout au long des 304 pages de son livre, l'ancien patron du FBI ne se hasarde pas, précise le Washington Post, à trancher la question qui hante les anti-Trump depuis son élection aux yeux de la loi, le président américain a-t-il fait obstruction à la justice en lui demandant d'épargner Michael Flynn ? «Je n'avais qu'un seul point de vue sur le comportement dont j'ai été témoin, qui, quoique perturbant et violant les règles d'éthique les plus basiques, ne suffit pas à dire qu'il était hors-la-loi», écrit-il. A Higher Loyalty n'en est pas moins une «mise en examen de la présidence Trump et de sa personnalité», insiste le Washington Post. «L'ouvrage offre assez peu de révélations pures et dures sur les enquêtes du FBI ou celle de Robert Mueller, ce qui n'est pas étonnant, puisque ces enquêtes sont en cours et qu'elles impliquent des documents classifiés», justifie le New York Times dans une longue recension du livre. Premier à réagir, le parti républicain a mis en ligne jeudi un site internet contre-attaque, Lyincomey.com (Comey le menteur). Trump lui a posté tôt vendredi matin un tweet ulcéré: «James Comey a organisé des fuites et est un menteur avéré», accusant l'ancien patron du FBI d'avoir «fait fuiter des informations CLASSIFIEES, pour lesquelles il devrait être poursuivi».