L'instruction du Premier ministre, Abdelmalek Sellal, portant sur «la mise en œuvre des dispositions relatives au départ à la retraite» comprend «une entorse» à la législation réglementant la retraite dans son volet relatif à la femme travailleuse. L'instruction en question oblige les travailleuses à partir en retraite à l'âge de 55 ans. En effet, l'instruction indique que «l'article 6 de la loi 93-12 du 2 juillet 1983 relatif à la retraite stipule que pour bénéficier de l'ouverture des droits au bénéfice de la pension de retraite, le travailleur doit compléter les deux conditions suivantes : être âgé de 60 ans pour l'homme, et 55 ans pour la femme ; avoir travaillé pendant 15 ans au moins». Elle ajoutera qu'«au terme de cette législation, tous les organismes employeurs se devaient d'engager la procédure de mise à la retraite des travailleurs remplissant ces deux conditions sans avoir à exiger d'eux la production d'une demande de départ à la retraite». Cependant, plusieurs femmes travailleuses dont celles occupant des postes de responsabilité ont qualifié cette instruction de «discriminatoire», car la loi leur laisse le libre choix de partir en retraite à l'âge de 55 ans. Selon l'article 6 de l'ordonnance n° 96-18 du 6 juillet 1996 modifiant et complétant la loi n° 83-12 du 2 juillet 1983 relative à la retraite, paru au Journal officiel n° 42 du 7 juillet 1996, «le travailleur prétendant au bénéfice de la pension de retraite doit obligatoirement réunir les deux conditions suivantes : être âgé de 60 ans au moins. Toutefois la femme travailleuse peut être admise à sa demande à la retraite à partir de 55 ans révolus». En revanche, l'application de cette instruction a provoqué le courroux de plusieurs femmes. Contactées à ce sujet, plusieurs d'entre elles ont exprimé leur mécontentement et ont dénoncé la régression en termes de droit des femmes au travail. «Il faut laisser le choix aux femmes âgées de 55 ans de partir en retraite ou de continuer à travailler comme le prévoit la législation en vigueur». Selon une femme cadre dans un organisme public, l'instruction est une forme de «ségrégation» car certaines travailleuses sont performantes et doivent avoir la possibilité de continuer à travailler jusqu'à 60 ans. Elle rappellera que «la femme travailleuse peut à sa demande prendre sa retraite à 55 ans». «L'instruction de Sellal n'a pas pris en considération l'ordonnance du 6 juillet 1996», a-t-elle relevé, souhaitant la révision de l'instruction afin de se conformer à la réglementation. Certes, confiera-t-elle, «certaines femmes assumant des missions difficiles sont favorables pour partir en retraite prématurément, mais il faut leur conférer la possibilité de décider de leur propre gré». Néanmoins, certaines travailleuses qui ont réussi à évoluer dans leurs carrières préfèrent continuer à exercer leurs fonctions jusqu'à l'âge de 60 ans dans le souci d'améliorer leur pension de retraite. Selon plusieurs femmes, l'Etat doit veiller à garantir une égalité des chances en termes d'évolution de carrière aux deux sexes. Marge de manœuvre accordée aux responsables Certes, l'instruction a donné une marge de manœuvre aux responsables pour maintenir les cadres ayant atteint l'âge légal de la retraite en poste comme noté dans l'instruction. Celle-ci indique que «cependant la rareté d'un personnel hautement qualifié, conjugué à la nécessité d'assurer la réalisation dans les délais de certains ouvrages ou programmes d'importance stratégique ou encore la préoccupation de répondre efficacement aux exigences d'un service public en grande évolution ont souvent imposé le maintien en activité d'un personnel d'encadrement au-delà de l'âge de 60 ans prévu par la loi pour le départ à la retraite». Mais, concrètement l'application dépend des appréciations des directeurs. Selon un responsable dans une institution, la note de Sellal est tributaire de «l'appréciation des directeurs» qui l'appliquent différemment. «Le départ de certaines compétences pourrait influer sur le bon fonctionnement du travail surtout en ce qui concerne des projets en cours», a-t-il relevé, mais la décision reste entre les mains de ces responsables. Certains cadres ayant atteint l'âge légal de la retraite ont obtenu des dérogations pour continuer à travailler contrairement à d'autres. Il confie que «le maintien de certaines compétences en poste répond principalement à d'autres considérations». En plus clair, l'instruction de Sellal n'est autre que de «la démagogie». L'instruction relève que «le mode de gestion de la ressource humaine, compréhensible dans certaines situations complexes où la nécessité de service exige le maintien d'un cadre au-delà de l'âge limite, ne doit pas constituer une règle car cela crée un frein au rajeunissement et à la motivation de l'encadrement chargé de la gestion des affaires du pays». Mais, au regard du manque de jeunes compétences, le maintien de plusieurs cadres âgés de plus de 60 ans est justifié, a-t-il souligné, reconnaissant la difficulté de remplacer les anciens cadres par d'autres plus jeunes qualifiés professionnellement. Ce qui rend «le rajeunissement de la ressource humaine affectée aux postes d'encadrement et de prise de décisions», comme indiqué dans l'instruction de Sellal difficile à concrétiser suite à la longue marginalisation des jeunes compétences.