Les professeurs et chercheurs universitaires dans le domaine des sciences humaines et sociales ne comptent pas rester les bras croisés face à la régression de la situation de l'université algérienne. Des dizaines d'entre eux, issus de plusieurs universités du pays, ont annoncé dans une déclaration rendue public hier, la création d'un Collectif autonome de chercheurs et enseignants pour la défense et la promotion de la recherche en sciences humaines et sociales (CASHS). Après avoir fait un constat alarmant de la situation du secteur, les signataires de la déclaration se disent convaincus de la nécessité de protéger leur statut d'Enseignants et de Chercheurs libres. «Il s'agit d'œuvrer à la reconnaissance de la légitimité scientifique et pédagogique dans nos universités et nos espaces de recherche, condition impérative pour que les véritables acteurs puissent s'exprimer et travailler librement face à l'hégémonie de certains responsables qui ignorent et bafouent les règles élémentaires de l'éthique universitaire», ont-ils souligné. Ainsi, à travers leur collectif, ces enseignants et chercheurs s'engagent à revendiquer l'autonomie pleine et entière des institutions d'enseignement et de recherche, dans le respect des lois de la République. Ils exigent aussi davantage de moyens à même de permettre l'amélioration de la qualité de nos enseignements et de nos travaux de recherche, ainsi que notre compréhension des changements sociaux et des enjeux à l'échelle nationale, régionale et mondiale. Comme ils se disent engagés à œuvrer à instaurer un environnement et un cadre relationnel stimulant aptes à améliorer la performance de tous les acteurs (étudiants, enseignants, chercheurs et administration) et à préserver nos lieux de travail de toute ingérence externe aux espaces universitaires. Ils œuvreront également à aider, à partir d'un large débat avec les chercheurs concernés, à l'élaboration de critères d'évaluation crédibles et transparents, en lieu et place de l'évaluation quantitative et administrative décidée de façon unilatérale par les responsables de la recherche. Dans leur déclaration, ces chercheurs et enseignants ont établi un constat amer de la situation de l'université algérienne. «A l'image de l'Ecole, base de notre système de formation, les secteurs de l'enseignement supérieur et de la recherche vivent depuis plusieurs années un processus de régression qui les enfonce d'une manière inexorable dans une crise multiforme grave», ont-ils affirmé. Selon eux, ces deux pôles majeurs de la production scientifique n'arrivent plus à remplir correctement les missions pour lesquelles ils sont conçus. «Ainsi, non seulement l'Université peine de plus en plus à répondre aux besoins des entreprises et de l'administration en diplômés compétents, mais elle éprouve aussi la plus grande difficulté à assurer sa propre reproduction en tant qu'institution de création des savoirs et de leur transmission», ont-ils expliqué. Et de dénoncer «la primauté», trop souvent accordée aux logiques administratives au détriment de la pédagogie et de la science, qui «banalise au quotidien les décisions intempestives de bureaucrates qui, assurés de leur impunité, se croient omnipotents». «Le dévoiement de ses missions a alors plongé l'université dans la mauvaise gouvernance, le clientélisme et, fait encore plus grave, a entraîné la banalisation de la violence sous toutes ses formes. A cela s'ajoute une gestion privilégiant la quantité à la qualité», se sont-ils encore indignés. Selon les signataires, le constat est particulièrement perceptible en sciences humaines et sociales, où des disciplines comme l'économie politique, la philosophie, l'épistémologie, la sociologie politique et tant d'autres modules fondamentaux pour la formation de la pensée critique sont pratiquement disqualifiés au profit de modules plus techniques et plus professionnels censés répondre à des objectifs concrets aux retombées immédiates. «La régression a vite fait de s'étendre au secteur de la recherche en sciences humaines et sociales. Les mêmes injonctions politico-administratives y prévalent», regrettent-ils, affirmant que «ce constat est alarmant et devrait interpeller toute la communauté universitaire et, au-delà, l'ensemble de la société».