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Les maux qui rongent nos universités : Avis d'universitaires
Contrechamps : les autres articles
Publié dans El Watan le 05 - 11 - 2010

A chaque rentrée universitaire, les mouvements de grève s'enchaînent. Des étudiants crient à la hogra administrative, d'autres se disent victimes d'une politique sans lendemain. Les enseignants se plaignent des conditions socioprofessionnelles inacceptables. Mais au final, d'où vient le malaise ?
-Mohand Ouamer Bibi. Université de Béjaïa : L'Université algérienne prise dans l'étau de la gestion politico-administrative
Depuis sa naissance en 1962, l'université algérienne a traversé plusieurs étapes dans son développement. Sa première tâche était de rattraper un retard flagrant, causé par le colonialisme. Elle a donc misé sur l'aspect quantitatif et sur une politique ambitieuse de formation de cadres à l'étranger. Cependant, les velléités du pouvoir politique pour son contrôle l'ont obligée à se développer dans un cadre autoritaire, privilégiant la gestion administrative au détriment de l'autonomie et de l'innovation. Sa prise en otage par le système politique en place l'a empêchée d'être une institution respectable, pouvant ainsi jouer le rôle de locomotive dans le développement du pays, dans les domaines du savoir, des libertés et de l'économie. L'université algérienne a donc produit une élite scientifique malheureusement marginalisée et plus souvent poussée à l'exil.
A l'heure actuelle, l'université algérienne peine à produire de la qualité à cause d'un manque flagrant de volonté politique, obligeant ainsi les universitaires à fuir de plus en plus à l'étranger, où les conditions de travail et de vie sont nettement meilleures. Pour arrêter cette hémorragie, elle doit impérativement faire l'effort de conserver les enseignants restés au pays, en cessant de les mépriser et en les soustrayant des griffes de l'administration qui a la haute main sur la pédagogie et la recherche scientifique. A titre de comparaison, les enseignants universitaires sont mieux prix en charge dans les pays maghrébins qu'en Algérie, où paradoxalement les moyens financiers ne manquent pas. Cette situation a créé dans divers domaines un certain vide que des incompétents et des apparatchiks ont essayé vainement de combler. Ceci explique le niveau très faible de la production scientifique dans notre pays, reléguant ainsi nos universités au bas du tableau de classement africain et mondial.
Au niveau administratif et pédagogique, la gestion est aléatoire et sur certains points, chaque université applique la loi à sa propre convenance, concernant les réinscriptions et les soutenances en magistère et en doctorat, ainsi que les prestations liées au travail accompli. Ce qui créé des disparités et un manque de confiance vis-à-vis des lois de la République. A titre d'exemple, l'USTHB d'Alger et l'université de Béjaïa délivrent des diplômes de magistère où la note est calculée différemment.
La mise en place du nouveau système LMD n'a pas tenu compte de nos réalités, que ce soit en termes de capacité d'organisation, de flux d'étudiants et de nombre d'enseignants qualifiés. La procédure de passage d'une année à l'autre s'avère quelquefois injuste, à cause d'une mauvaise correspondance entre la moyenne générale annuelle d'un côté, et les nombres requis d'unités fondamentales et de crédits. Ce qui fait que certains étudiants avec une moyenne supérieure à 10 sont recalés, tandis que d'autres passent l'année avec une moyenne inférieure à 10.
L'extinction de l'ancien système d'enseignement ne se fait pas d'une manière naturelle, mais à coups de circulaires. De nombreux diplômés aspirent à continuer leurs études dans ce système. Néanmoins, ils se trouvent bloqués dans leur progression, car beaucoup de magistères ont été fermés cette année sans aucune raison, et ce, après que les dossiers ont été ficelés, approuvés par les universités et les différentes conférences régionales. La récente circulaire qui dicte les passerelles entre l'ancien et le nouveau système ne reflète pas la réalité des choses. A titre d'exemple, les diplômés ingénieurs, mieux formés sur le plan théorique que pratique, se voient accorder la possibilité de s'inscrire en Master 2, ce qui constitue une ineptie et une dévalorisation humiliante du diplôme d'ingénieur d'Etat algérien. La bêtise humaine a ainsi sacrifié des centaines d'étudiants dans l'évolution naturelle de leur cursus en leur faisant perdre un temps précieux pour continuer et achever leurs études.
Concernant la recherche scientifique proprement dite, les laboratoires sont théoriquement dotés ces dernières années de gros budgets, mais seul l'administratif juge en fin de compte l'utilité d'une dépense ou d'achat de matériel. A titre d'exemple, à l'heure où dans certains pays les collégiens sont dotés obligatoirement de micro-portables, les enseignants se trouvent dans beaucoup d'universités algériennes dans l'impossibilité via les laboratoires d'acquérir de tels portables, alors que ces derniers sont devenus des outils à la fois nécessaires et indispensables pour une meilleure rentabilité pédagogique et scientifique. La recherche scientifique a grandement besoin de l'existence de laboratoires avec des infrastructures propres, un équipement approprié et géré d'une manière autonome par des scientifiques et non par des administratifs de toutes sortes.
La démocratisation de l'enseignement supérieur a réussi uniquement sur le volet quantitatif et non sur ceux de la qualité et de gestion autonome de l'université. D'ailleurs, cette dernière est très peu ouverte sur la société et le secteur économique. Le contrôle exercé sur les sciences sociales et l'histoire empêche ces dernières de jouer un grand rôle dans la construction d'une société nouvelle, ouverte sur la modernité, attachée à ses racines et réceptive aux aspirations démocratiques de notre peuple.

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-Khodir Madani. Université de Béjaïa : Université entre universalité et fatalité
La loi n°99-05 dicte que l'enseignement supérieur désigne tout type de formation ou de formation à la recherche assuré au niveau post-secondaire par des établissements d'enseignement supérieur. Composante du système éducatif, le service public de l'enseignement supérieur contribue :
- au développement de la recherche scientifique et technologique et à l'acquisition, au développement et à la diffusion du savoir et au transfert des connaissances ;
- à l'évaluation du niveau scientifique, culturel et professionnel du citoyen par la diffusion de la culture et de l'information scientifique et technique ;
- au développement économique, social et culturel de la nation algérienne par la formation de cadres dans tous les domaines ;
- à la promotion sociale en assurant l'égal accès aux formes les plus élevées de la science et de la technologie à tous ceux qui en ont les aptitudes.
Le service public de l'enseignement supérieur garantit à l'enseignement supérieur les conditions d'un libre développement scientifique, créateur et critique. L'enseignement supérieur tend à l'objectivité du savoir et respecte la diversité des opinions.Hélas ! la réalité vécue par nos universitaires est aux antipodes de la vue d'esprit du texte cité.
Les avis divergent sur les constats, par contre les constats convergent sur l'état de l'Université algérienne. Moult réflexions sont abordées dans les quotidiens nationaux sur l'université algérienne par des universitaires, mais jamais par les dirigeants des universités (ministre, recteurs, etc.), qu'on entend seulement quand il faut présenter les chiffres des rentrées universitaires, ou pour arborer injazate (réalisations), tahadiate (défis) et al machariî (les projets) d'un secteur qui souffre d'un manque d'initiatives, de stratégie et de vision.
Essayons de regarder de plus près ce secteur névralgique pour le développement du pays. L'Université algérienne a atteint le cap de 1 200 000 étudiants pour 40 000 enseignants, dont 7500 sont de rang magistral (soit 32 500 enseignants doctorants car préparant leur doctorat ou leur habilitation), soit un encadrement de 1'enseignant pour 30 étudiants (mais réellement 1 enseignant de rang magistral pour 160 étudiants), soit une surcharge dépassant de 6 fois les normes admises par l'Unesco. Sans omettre que les meilleurs enseignants sont en train de partir en retraite ou au Canada.
Depuis 2006 la réforme universitaire a déformé l'université en adoptant environ 3500 offres de formation dans les trois cycles LMD sans tenir compte des minima exigés pour assurer la qualité des enseignements, et en adoptant 14 filières à inscription nationale (faussement appelé filière d'excellence) ne tenant compte d'aucune logique d'affectation. Sans oublier la tardive circulaire du 11 octobre 2010 qui permet la passerelle entre nouveau et ancien système, qui par un tour de passe-passe, concrétise par un texte officiel la dévalorisation du diplôme d'ingénieur d'Etat algérien.
La mise en place d'un organe d'évaluation et d'assurance qualité que personne ne connaît, ainsi qu'un système de tutorat permettant à l'étudiant de tuteurer (encadrer) d'autres étudiants explique le niveau de bricolage et des solutions de facilité qui animent nos gestionnaires.
Le nouveau statut du doctorant montre la tendance future de la gestion de la recherche, en mettant les doctorants sous la tutelle de l'administration et en le détachant définitivement des laboratoires (en termes d'acte de gestion).Le niveau et la qualité de prestation des œuvres universitaires (affectées par des affaires de corruption et de détournement récurrentes rapportées par la presse) n'est plus à présenter.
En recherche, le classement de nos universités dans le gotha mondial (voir tableau), africain et maghrébin explique les politiques hasardeuses et irréfléchies des pouvoirs publics, aucune université algérienne n'est parmi les 3500 premières universités de la planète, et pourtant les critères de classement sont basés sur des normes établies et reconnues
Le manque de production scientifique, la surcharge de l'université, les politiques hasardeuses explique en partie cette descente aux enfers.Les textes de loi gérant les universités expliquent l'autre partie, les chefs d'établissement agissent avec des pouvoirs illimités, ils désignent tous les acteurs de l'université (vice-recteurs, doyens, chefs de département, secrétaires généraux, responsables de bibliothèques…). Ils sont les ordonnateurs de toutes dépenses. Les conseils élus (sonseils scientifiques, comités scientifiques, etc.) ne sont que consultatifs avec aucun pouvoir.Les laboratoires de recherche sont le parent pauvre de l'université, ils souffrent le martyre leur existence est ambiguë, ils sont entre l'enclume de l'administration (désignée par le chef d'établissement) et le marteau rectoral (pouvoir de signature).
Apres 48 ans d'existence, le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique adopte une charte d'éthique et de déontologie, qui a pour éthique de renforcer les pouvoirs de l'administration et pour déontologie de contrôler les enseignants chercheurs.Plusieurs affaires ont été portées à la presse concernant les responsables du secteur de l'enseignement du supérieur (déni, abus de pouvoirs, diffamations, corruption, détournement, plagiat, etc.), hélas ! sans aucune suite.Il est de notoriété que le problème de l'université et d'abord un problème politique, que la communauté universitaire dans toutes ses dimensions n'a pas été consultée sur son avenir, ni dans les démarches à mener pour son épanouissement.
L'histoire a démontré que l'Université algérienne est l'émanation du mouvement national, elle ne peut être construite que dans un cadre national et sa mission et son caractère public devraient être un fondement de l'Etat. D'ailleurs, les textes allant à la création d'universités privées sont un prélude à un combat citoyen que l'universitaire devrait mener pour sauvegarder les principes fondateurs de notre pays, inscrits dans l'appel du 1er Novembre et dans la plateforme du congrès de la Soummam.

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-Arezki Derguini . Ancien secrétaire national chargé de l'information du Conseil national de l'enseignement supérieur : «L'université algérienne entre innovation et régression»
Où en est l'Université algérienne ? Notre réponse sera d'une évidence consternante mais c'est d'elle qu'il faudra partir : elle en est au même point que la société (et ses élites). Le point de vue que je défendrai ici est que la cause explicative de la situation actuelle de l'enseignement, en général, et de l'université, en particulier, réside dans l'état de la demande sociale. On peut considérer la demande sociale en général comme étant une demande qui emprunte strictement à la demande mondiale et que l'on peut définir comme une demande mimétique. Les préférences collectives (politiques et sociales) sont largement suscitées par l'offre mondiale. Elle ne peut être l'un des éléments d'une dynamique économique créatrice.
La demande de formation supérieure est largement indifférenciée du fait que la société à un rapport au savoir particulier, ne pense pas et ne transforme pas ce rapport à un passé industriel et de services référentiel – le cercle vicieux de la pauvreté transporté du revenu au savoir. L'absence d'une telle demande expliquerait pourquoi un investissement dans la formation n'aboutirait qu'à un gaspillage considérable de ressources au profit d'une minorité opportuniste. L'on sait que les conditions de travail sont largement déterminées de manière internationale et l'on sait très bien aujourd'hui ce qu'il doit en coûter pour investir dans la formation supérieure de manière générale.
Le problème auquel il faut donc s'attacher, est celui de transformer la demande sociale mimétique qui soumet la demande sociale aux besoins de l'offre mondiale, en une demande active qui ajuste de manière enrichissante les moyens de la société à ses objectifs. Un bon exemple de demande inspirée par l'offre mondiale, bien que le mimétisme n'y soit pas apparent, est celui de l'investissement dans les infrastructures. Ce qu'il faut voir dans cet investissement c'est qu'il est d'abord un soutien à la croissance mondiale (il soutient l'industrie de la mécanique lourde et en retour les revenus du pétrole) plutôt que le soutien d'une croissance interne à long terme (d'une productivité particulière et de la productivité en général[1]). Nous voyons deux causes à cette demande mimétique : la pression de l'offre mondiale pour aligner la demande interne à sa convenance et l'indifférenciation sociale. Cette dernière commençant le travail que la seconde achève : la propension de la société à l'indifférenciation offre une demande indifférenciée que la production mondiale peut configurer.
Cette propension sociale à l'indifférenciation explique à la fois pourquoi l'Université n'a pas pour fin celle évidente ailleurs de produire une élite sociale et pourquoi la société ne veut pas en assumer l'effort. La fonction universelle de l'université justifie l'importation d'une institution qui pourra ensuite être adaptée à la demande sociale. On commence à entendre dire que l'objectif de l'université n'est pas de produire une élite, que ce qui devait être une évidence était un leurre ou un impensé. Mais ce constat est encore insuffisant, il faut aller plus loin et dire que la société envoie ses enfants à l'université mais ne veut pas consentir à l'effort de les former, davantage, que la société ne consentira pas à l'effort nécessaire en matière de formation et d'éducation tant qu'elle refusera de consentir à la formation de hiérarchies nécessaires à une division du travail efficiente.
Comment pourrait-il en être autrement du point de vue de l'expérience sociale ? D'où la société pourrait-elle puiser les moyens de différencier sa demande de formation ? Sinon de ses expériences professionnelles ? Le problème ne réside donc pas dans quelques tares, mais dans l'absence d'une disposition réelle à expérimenter qui accorderait moyens et fins, développerait les capacités individuelles et collectives.
Il y a un travail de réflexion de la société sur elle-même qui est constamment reporté : qui sommes nous et que voulons nous être. Ce travail commence par la question : qu'est ce qu'une «élite» pour la société algérienne ? Quelle est son acceptation de la notion de hiérarchie ? Ce travail a une importance telle qu'il sous-tend toute l'activité de construction institutionnelle. La question et sa réponse forment la colonne vertébrale, le système nerveux de la formation sociale, sa station debout. Sur elles s'édifient, «s'arment» toutes les constructions sociales, toutes les institutions. Notre société n'est pas instituante : tel un corps biologique, elle détruit les institutions qu'elle importe à défaut de pouvoir les assimiler, les asservir.
Bien entendu ce travail de réflexion n'incombe pas en particulier à l'université mais il en est nécessairement un lieu privilégié. C'est à la jeunesse qu'il reviendra de prendre en charge une telle problématique, c'est elle qui doit se donner des «maîtres à penser». En évacuant cette question aujourd'hui, on donne à la jeunesse des maîtres sur lesquels elle n'a que très peu de contrôle. Ainsi la contraint-on à reproduire la disposition ancestrale (autre que sexuelle) à l'indifférenciation. L'université désapprend à la jeunesse le savoir des anciens (l'abandonne au folklore et au charlatanisme[2]) sans y acquérir l'expérience du monde (l'offre de formation s'est déconnectée de celle mondiale et est descendue au niveau de la «demande» locale, la demande d'un titre, droit sur la rente plutôt qu'attestation d'une compétence).
La question à laquelle nous allons essayer de répondre maintenant est celle de savoir par quel bout le changement peut-il parvenir ? L'université peut-elle se réformer ? Comme beaucoup de pays sa faiblesse manifeste réside dans son incapacité à financer une formation de qualité aujourd'hui assez coûteuse. Mais à la différence d'autres pays, cette faiblesse est sous-tendue par une autre plus fondamentale, celle de ne pas être portée par le projet fondamental de produire une certaine élite sociale. Et le premier obstacle à la production d'une telle élite est le mimétismequi en élude la question.
Transformer une faiblesse en force
Nous allons défendre ici l'idée qu'il conviendrait de construire de nouveaux espaces d'enseignement supérieur sur la base d'une nouvelle division du travail universitaire qui transformerait le marché de l'enseignement supérieur et le métier d'enseignant en incorporant les nouvelles technologies de la communication et de l'information et en construisant de nouveaux collectifs de travail. Notre université qui comme institution ne possède pas les traditions, les routines, le savoir tacite qu'elle possède dans ses pays d'origine[3], est en mesure de disposer d'un avantage comparatif dans la compétition internationale étant données les nouvelles transformations qui vont affecter le secteur et le rapport de la société au savoir. A l'ère des nouvelles révolutions technologiques, de la société et de l'économie du savoir, les anciennes traditions se transforment en obstacle au changement. Encore faut-il avoir la volonté d'expérimenter et d'innover. Il serait bon que les exemples de l'Inde en particulier et de la Chine d'une autre manière, bien engagés dans le processus de transformation, soient présents à notre esprit et puissent retenir notre attention.
Pour simplifier et fixer les idées, on dira qu'aujourd'hui la mécanisation automatisation de l'activité est en train de s'étendre au secteur des services dont celui de l'enseignement supérieur. Cette mécanisation automatisation est rendue possible par les nouvelles technologies, la nouvelle importance et la nouvelle étendue de la formation supérieure. Avec la globalisation rapide du marché de la formation universitaire, la massification croissante de celle-ci dans les pays non occidentaux, les activités artisanales de l'enseignant chercheur vont être l'objet d'une mécanisation, d'une production en série pour ce qui concerne la production et la consommation de masse, comme l'ont été les activités artisanales lors des premières révolutions industrielles.
Les tâches de l'enseignant chercheur sont d'une hétérogénéité qui n'est plus acceptable du point de vue de l'efficience de la production de masse. Nous allons passer du métier individuel artisanal au collectif de travail intellectuel. Avec la massification, la nouvelle étendue de la production et du marché, une tâche peut devenir une activité indépendante. Avec celle de l'enseignement, l'enseignant va devoir abandonner ce qui peut être mécanisée, ce que la machine peut faire mieux que lui, pour se consacrer à ce qu'elle ne peut encore faire. Il pourrait en être ainsi pour l'évaluation.
S'il ne le peut pas ou ne le veut pas, il doit s'attendre à être déclassé, forcé à une déconnexion, comme on le constate déjà dans nombre d'universités du monde sous-développé qui fonctionnent en cercle fermé. En effet, dans notre université (que l'on dira traditionnelle de masse, mal et sous-encadrée), les activités répétitives qui ne requièrent pas de qualifications particulières prennent une importance telle, en termes de temps, qu'elles n'en laissent guère suffisamment aux tâches qualifiées. Ce qui pousse les enseignants qui peuvent s'y soustraire à déserter l'enseignement de masse. Ainsi la tâche d'enseignement est-elle déclassée au niveau des autres tâches non qualifiées qui l'accompagnent.
Il est invraisemblable que l'on puisse continuer de parler de travail intellectuel pour ce qui concerne un travail universitaire maintenant dominé par ses tâches les plus répétitives. Réfléchir, selon l'économie de l'attention développée par Herbert Simon, est le moyen par lequel une société comprend le monde pour s'y adapter et le transformer. Cette activité coûteuse est réservée aux situations inédites, après qu'il soit associé aux anciennes situations archivées des réponses automatiques. A tel point que l'on peut affirmer que plus une société est automatisée, plus elle peut être réflexive et plus elle peut s'adapter au monde, l'anticiper et le transformer.
Avec la différenciation mécanisation de certaines tâches du travail de l'enseignant chercheur, c'est vers de nouveaux métiers, un nouveau rapport au savoir, une nouvelle objectivation de l'intelligence, de la mémoire collective que nous nous dirigeons. La nécessité de la société globale sera de plus en plus justifiée par cette capacité à construire et gérer une telle intelligence collective. L'industrie culturelle participe désormais de la production d'une mémoire collective qui libère l'homme des activités répétitives mécanisables et automatisables.
Plusieurs métiers disposent désormais de «l'assistance» d'une intelligence artificielle qui transforme leur exercice. Sur bien des points, la mémoire de la machine est désormais plus sûre, comme l'était auparavant son geste. Le métier, tel celui du médecin, consiste à mieux formuler le problème, à savoir distinguer entre son côté connu et son caractère inédit. Si on accepte ce point de vue, on comprend mieux alors que le métier ne peut globalement rester individuel.Afin que le médecin par exemple ne soit pas prolétarisé et transformé en prothèse de la machine, il doit être un acteur de la prise en charge globale de son métier. Destin très prévisible du médecin de la périphérie si le corps des médecins n'évolue pas rapidement.
En vérité nous avons changé de processus d'individuations collectif et individuel. L'enseignant chercheur, le corps enseignant, tout comme le médecin et le corps médical ne peuvent qu'évoluer avec les milieux sociaux et techniques dont ils sont partie prenante. Les métiers ont toujours eu besoin de corporations, ils doivent évoluer avec elles. Or, avec les révolutions industrielles nous sommes passés des métiers aux travailleurs collectifs. C'est ce point que l'attention ne doit pas perdre de vue au moment précis où l'on constate le contraire : on se préoccupe trop des changements qui affectent le métier individuel alors qu'on est distrait des réponses pertinentes que peuvent apporter ces corps face aux changements qui les englobent. Pour la société globale, l'enjeu est dans le fait que la société puisse être dépossédée de sa mémoire et donc en même temps les différents corps concrets. La domination en jeu est celle du capital mort sur le travail vivant sous la direction du capitalisme ou celle du travail vivant sur le travail mort, dont il faudra inventer les modalités.
Il serait possible de transformer des faiblesses en forces, précisément parce que le milieu est plus favorable, dans les pays émergents, à la production de ce nouveau rapport au savoir, l'incorporation de ces nouvelles technologies, à la construction de ces nouveaux corps parce que, pour aller vite, on pourrait dire qu'ils sont plus propices, moins opposés à l'innovation. Il n'y a pas de fortes traditions, d'anciennes habitudes auxquelles il faut renoncer, d'anciens corps et mécanismes qu'il faut remettre en cause[4].
Cependant ces milieux ne sont pas sans histoire, ne sont pas des pages vierges sur lesquelles on peut écrire n'importe quoi. L'histoire passée de l'industrialisation dans les pays qui ont failli doit être sérieusement méditée et les représentants de la société globale doivent prendre la mesure du fait qu'une société sans université, sans pôles réflexifs n'est pas en mesure de se penser et donc d'être ce qu'elle souhaite. La chose me paraît sûre cependant, le milieu est mûr pour un certain nombre d'innovations. Notre jeune société est assoiffée de savoir et ces jeunes enseignants universitaires les premiers, pourvu qu'il leur soit donné la possibilité de s'exprimer. L'Université algérienne fera le saut qualitatif qu'il faut ou se résignera à la régression sociale.
Si donc on peut s'accorder sur le fait que l'une des tendances actuelles qui marque l'enseignement supérieur consiste en «l'industrialisation» des services, que celle-ci s'accompagne de la constitution d'espaces régionaux pour défendre des offres régionales dans la compétition mondiale mais pas seulement, il en découle que le système d'enseignement supérieur national doit pouvoir appartenir à un tel genre d'espace, en être un des contributeurs. Cela pourrait se traduire sommairement de la manière suivante. Les enseignements des modules de base devraient être standardisés, ne plus être l'œuvre des apprentis chercheurs enseignants de chaque faculté, produits aux niveaux national et régional. Ce serait la moindre chose qui puisse être effectué pour une plus grande équité.
Toutes les universités auraient à leur disposition des cours standard de bonne qualité qui ne seraient plus des productions individuelles mais collectives. Autour d'eux pourrait s'organiser une réflexion, des revues. Ensuite des collectifs plus étoffés à plus ou moins longue échéance devraient pouvoir se former, tant en ce qui concerne les étudiants que les enseignants et pouvoir interagir entre eux. Car ce sont ces collectifs les vrais moteurs qui vont donner une vie à ces produits standardisés de bonne qualité. Ce sont eux qui vont transformer le travail qu'ils incorporent en travail vivant. C'est par rapport à une certaine division du travail qu'il faudrait individualiser les unités de production.
L'objectif d'équité recommandés par la Conférence mondiale de l'enseignement supérieur de l'Unesco en 2009 pourrait être réalisé si on acceptait de penser la division du travail sans se faire dicter la conduite ni par le marché mondial, la demande solvable, ni par la bureaucratie mais par les impératifs de la production de savoir et son contrôle en faveur de la société et de ses différents corps concrets. Il resterait l'objectif d'efficacité, le problème du marché du travail. Je soutiendrai ici qu'il n'est pas le problème de l'université et suggérerai seulement qu'il faudrait apprendre pour travailler non seulement sur le marché du travail national mais aussi mondial.
En guise de conclusion. Il faut rendre à la pensée, et donc au vouloir sa place dans les processus de production. La manière marchande pour notre cas aurait à mon sens le défaut de déclasser une trop grande quantité du travail social qui n'est pas à la hauteur des standards internationaux posant ainsi des problèmes insolubles de mise à niveau. Un certain alignement social doit s'opérer qui ne soit pas tel que présentement par défaut : la matière de nos universités (globalement des étudiants aux parents analphabètes) et ses moyens (des enseignants qui apprennent leur métier par eux-mêmes) ne peuvent être importés, ce sont cette matière et ces moyens qu'il nous faut transformer pour obtenir un produit de qualité de standard international.
C'est là la base de notre système mais nous n'avons pas encore son sommet. Sans espace favorisant l'émergence d'une hiérarchie efficace, la transformation (de la matière, du moyen de travail puis du produit) sera ce qu'elle aura pu être. Il nous faut créer des collectifs efficients. La compétition mondiale repose sur la qualité de ces collectifs en mesure de produire de la solidarité et de la compétition.
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[1]L'économiste peut parler ici d'une manifestation algérienne du syndrome hollandais : la croissance bénéfice au secteur des hydrocarbures contre l'industrie en général.
[2]Pour la culture populaire ou même pour l'honnête usager, quelle différence y a-t-il entre un médecin qui prescrit une ordonnance et un charlatan qui noircit un talisman ? Il a affaire dans un cas à la magie de la chimie et à la magie d'une parole divine ou pas dans l'autre. Magie pour magie, croyance pour croyance, le consommateur rationnel a bien de la peine.
[3]Il est facile de constater combien de personnes enseignent aujourd'hui à l'université sans avoir connu ce que doit être une université. L'université ne peut être que celle qu'elles ont connue. Il fut une époque où les enseignants pouvaient faire connaissance avec des universités de référence. Aujourd'hui ils font connaissance avec les universités de pays frères. Beaucoup donc, trop, ignorent ce qu'est une université. Certains participent à sa gestion. Sera-ce un avantage ou un inconvénient ?
[4]On soutient en psychologie qu'il est beaucoup plus facile d'établir une nouvelle habitude que d'en changer une.
(Par : Zouheir Aït Mouhoub )

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-Mohamed Kebieche. Maître de conférences à l'université de Jijel : Etat des lieux de la recherche scientifique à l'université de Jijel
Au moment de la réalisation du programme quinquennal de la recherche scientifique, notamment via l'encouragement de création de nouveaux laboratoires, des centres de recherche et des start-up compagnies et à la veille du lancement du projet national de l'Algérie électronique de Monsieur le président de la République, nous ne constatons aucune attention particulière à l'endroit de la recherche pour qui l'Etat a réservé un budget colossal puisé dans une rente pétrolière en voie d'extinction. Il semble que ce centre d'intérêt n'ait pas prêté une attention suffisante par l'administration rectorale afin de faire asseoir dans des structures de recherche les projets de recherche des enseignants et redynamiser la production scientifique, seul facteur intrinsèque pouvant générer le savoir à l'université.
D'ailleurs, depuis sa promotion en pôle universitaire, la tutelle n'a recruté à l'université de Jijel que les locataires permanents des postes de responsabilité pour être à la tête de l'orchestre-recherche. Ces responsables sont dépourvus, bien entendu, des compétences requises pour gérer un tel domaine de grande importance dans un pays déjà classé au dernier rang de la planète en matière de production scientifique. Il est à noter que le handicap majeur dans la gestion de la recherche scientifique, c'est l'absence de visibilité managériale et stratégique à l'égard du programme national du développement de la recherche scientifique et la création de l'intelligence et des connaissances.
Notre université, comme ailleurs, est à la recherche d'un stratège qui serait au service de la promotion des esprits créateurs et rénovateurs au sein de la communauté enseignante. L'incertitude et le laisser-aller sont de mise et règnent depuis très longtemps. Le désarroi de la communauté scientifique et académique à l'université de Jijel est assez profond et inquiétant à cause de cet immobilisme éternel de l'intelligence.
En effet, la création des laboratoires de recherche en Algérie, dont ceux de l'université de Jijel depuis 2002, a été effectuée dans des conditions hâtives et hasardeuses. En effet, les promoteurs de ces labos n'avaient pour objectif que des intérêts liés à leur promotion professionnelle et non pas par motivation à l'endroit du développement d'une recherche concernant des problématiques susceptibles d'avoir des retombées scientifiques et économiques. En plus, la composante humaine de ces labos est très hétérogène et non complémentaire, ce qui nécessite une refonte des axes de recherche et une restructuration de ces structures scientifiques, sinon leur mise en œuvre est impossible.
Ces pseudos labos continuent en fait à être gérés par les mêmes directeurs depuis une décennie dont la majorité occupe, a contrariode la réglementation, un poste de responsabilité au su et au vu de la tutelle, comme nos vice-recteurs et doyens de faculté. Le royaume administratif des doyens et des vice-recteurs phagocyte la principauté des laboratoires de recherche, ici à l'université de Jijel, on est doyen ou vice-recteur et directeur de laboratoire à la fois. «Roi et prince, sinon général de l'apocalypse !». Je dois noter que la production scientifique locale est rarissime et le peu d'articles produits sont publiés dans des revues non impactées voire non répertoriées dans les bases de données scientifiques internationales : «Une collègue, directrice d'un labo depuis une décennie, n'a pas trouvé quoi mettre dans le dossier de sa candidature au grade de professeur sauf un article publié par son doctorant qui l'a utilisé déjà pour soutenir sa thèse.»
Par ailleurs, beaucoup de collègues enseignants chercheurs, détenteurs de projets de recherche, sont dans les couloirs, sans domiciliation scientifique à cause de l'esprit clanique et égoïste des directeurs de labo qui prônent pour une structure hermétique afin d'assurer la pérennité dans le poste et par la même empêcher les compétences existantes de contribuer dans la réalisation du programme national de la recherche scientifique.
Le seul bloc de recherche à l'université de Jijel est totalement abandonné depuis sa construction par l'administration. En plus d'une répartition subjective et partielle de ses espaces ne respectant aucune norme scientifique en relation avec le besoin en paillasses ou en bureaux, les laboratoires sont dépourvus d'eau, d'hygiène et les conditions de recherche sont totalement absentes.
En réalité l'université algérienne n'attire plus les scientifiques depuis une vingtaine d'années. Les enseignants chercheurs n'hésitent pas à choisir volontiers l'exil scientifique. Le rapatriement de l'intelligence algérienne que nous avons vécu durant les années quatre-vingt est de nos jours inversé, l'expatriation scientifique est de mise, une monnaie courante chez nos enseignants.
Je pense que la politisation du recrutement aux postes de recteur et doyen serait derrière le mal profond et gangréneux qui entrave le projet de la promotion de la recherche scientifique et la production du savoir en Algérie. Dans les pays développés et même chez nos voisins, la nomination d'un responsable scientifique et pédagogique est soldée, a priori, à des candidats élus démocratiquement d'une compétence scientifique et pédagogique avérée.
L'empire exercé verticalement par le pouvoir sur l'université a fait des dégâts assez préjudiciables versus la créativité du mental et la génération du savoir. Les conséquences de cette hégémonie se sont déjà manifestées via la rétrogradation de la qualité de l'enseignement supérieur et le laisser-aller des responsables pédagogiques et scientifiques qui se fossilisent sous l'ombre des universités béton devant une tutelle paralysée qui ne fait que compter les enseignants trafiquants et affairistes à Damas et les séminaristes vacanciers à Tunis !

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-Salem Boudjema. Enseignant à l'université Mouloud Mammeri de Tizi Ouzu : L'université algérienne, espaces de savoir ou enjeux politiciens
L'université algérienne ne demeure plus cette institution publique qui attestait un libre débat et qui agissait sur la société par ses réflexions, ses analyses, ses formations et ses projections futuristes impliquant des dimensions universelles de libertés individuelles et collectives dans le respect des fondements et des franchises universitaires.
Ces dernières années, elle (l'université) s'est métamorphosée en une espèce d'instrument à produire une affluence de générations de diplômés toute destination professionnelle confondue en ne se souciant ni de ces filiations versées dans un chômage certain (absence de politique économique et technologique) ni des multiples conséquences sociales touchant les pans les plus vulnérables de la société.
L'inexistence d'une réelle politique d'intégration de l'université algérienne dans un débat sociétal global a été remplacée par la mise en place d'un ensemble d'officines de bricolage, de rafistolage et de dépannage inadaptés aux réalités économiques, politiques et culturelles nationales, en passant de l'à-peu-près aux expérimentations hasardeuses et intrépides dont les résultats sont plus qu'alarmants.
Cette institution publique (ndlr, l'université) ayant produit et formé des hommes et des femmes de grandes valeurs s'est transformée en laboratoires grandeur nature où toutes les vertus scientifiques et universelles sont tripotées, dénaturées et frelatées systématiquement.
Cette attitude d'un système politique têtu, opiniâtre et obsessionnel a procréé et continuera à produire des dégâts générationnels cycliques où les victimes s'agenceront et se compteront en milliers.
Cet état d'esprit qui occupe et préoccupe toute la composante universitaire actuelle caractérise et stigmatise négativement la maison «université-Algérie» vis-à-vis de l'opinion nationale et internationale.
Il est de notoriété publique que ceci reste et demeure le résultat et le reliquat des réformes successives irréfléchies entamées dans l'enseignement fondamental et l'enseignement supérieur depuis un certain nombre d'années.
L'exclusion de la communauté universitaire par les pouvoirs publics de toute forme de débat des questions engageant l'avenir de l'université ne peut pas se caractériser ou se distinguer de cette fulguration et foudre effroyables multisectorielles infligées et qui mortifient continuellement toute la société algérienne.
Peut-on aujourd'hui procéder à une évaluation scientifique et objective de l'enseignement supérieur au sein de notre pays,
Que veut-on faire de ces milliers de reçus au baccalauréat, alors que leur avenir est décidé par un logiciel mis en place par une politique inexpliquée ?
Malgré les réalisations infrastructurelles récentes, peut-on garantir aujourd'hui au sein de l'université une formation supérieure capable d'aborder, d'inclure et de contenir scientifiquement les questions de l'heure relatives à l'environnement, la santé, la dépendance alimentaire, la biotechnologie, etc. ?
Quel est le choix scientifique réservé au système LMD remplaçant l'ancien système d'enseignement supérieur, quand tous les rapports (enseignants-étudiants, laboratoires pédagogiques-étudiants gradués et post gradués, places pédagogiques existantes-nouveaux bacheliers, moyens scientifiques existants, formation post graduée, taux d'hébergement et de restauration) restent en deçà des normes exigées par l'enseignement supérieur et la recherche scientifique à l'échelle des autres nations ?
Quelle lecture devrions-nous faire à propos des milliers de nos enfants fraîchement diplômés, des collègues enseignants découragés et accablés par l'environnement universitaire immédiat, quand leur unique destination reste le vieux continent et/ou les Amériques ?
A mon sens, la réponse que j'estime convenable à ces questions doit impérativement interpeller la communauté universitaire à se réapproprier son espace de débat et de concertation, s'imposer le seul baromètre de mesure des échelles de compétences et valeurs scientifiques et humaines, plaidoyer pour une justesse et une justice dans les prises de décisions importantes afin que l'étudiant, l'enseignant et l'administratif puissent reprendre leurs droits et rendre à l'université sa dignité.
Cette politique de marginalisation, de misérabilisation et de chantage doit cesser. Arrêtez d'enrôler l'université algérienne dans des enjeux politiciens ; elle en souffre énormément.
L'université algérienne doit rester une passerelle vers un espoir de ce jeune Algérien soucieux et attentif à son avenir, l'avenir de sa famille et de son pays. Elle doit être une arène de compétences scientifiques capables de fournir un encadrement pluridisciplinaire accompagnés d'experts habiles à même d'attester et assurer une formation de qualité pérenne afin de défendre l'intérêt de l'Algérie dans le concert des autres nations.
Cet espace de savoir scientifique, pédagogique, culturel et professionnel doit être protégé des politiques inhibitrices, hasardeuses, inappropriées et inadaptées aux réalités socioéconomiques des Algériens lesquelles réalités restent imposées et indissociables d'une mondialisation phagocytante.
Cette noble mission doit interpeller toutes les compétences saines existantes au sein de l'université algérienne et doivent constituer un rempart vis-à-vis de toute configuration de duperie, de fraude, de malversation ou de pression et ne doit nullement les dévier de la mission première de l'université, à savoir «dispenser le savoir».


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