Invité de la Chaîne III, Me Farouk Ksentini, président de la Commission nationale de consultation et de promotion des droits de l'Homme (CNCPPDH), a été sollicité sur des sujets aussi divers que la «débureaucratisation» de l'administration, la poursuite des réformes de la justice, son rapport sur les droits de l'homme qu'il doit remettre au chef de l'Etat, ainsi que sur des questions inhérentes à l'école. La première partie de l'émission a été consacrée au volet judiciaire. Le premier point abordé a été la «débureaucratisation» de l'administration en vue de faciliter la lutte contre la corruption. La création d'un ministère dédié au service public va dans ce sens, selon Me Ksentini, qui a estimé qu'il était temps de s'attarder sur ce fléau car «la bureaucratie est paralysante pour tous les secteurs, notamment économiques». «Ce ministère est une avancée. Il faut maintenant trouver l'instrument capable de lutter contre la bureaucratie, car le mal est profond, les mauvaises habitudes se sont ancrées mais la volonté politique qui s'est manifestée est la clé qui pourra faire évoluer le pays dans la bonne direction», a-t-il dit. Il a par ailleurs souligné l'interdépendance qui prévaut entre la bureaucratisation et la corruption. Arguments à l'appui, il a fait savoir que c'était l'administration qui poussait les administrés à se porter demandeur de corruption. Un mal qui sera de nouveau relevé dans son rapport sur les droits de l'homme pour l'année en cours. Interrogé sur la pertinence de la poursuite des réformes du secteur de la justice, Me Ksentini a de nouveau déploré que ces réformes aient été engagées sans avoir pris en considération le rapport Issad. «Tout ce qui a été entrepris n'a strictement rien à voir avec les conclusions de ce rapport. En fait, au titre de la réforme de la justice, on a élaboré un code de procédure civil et administratif qui est totalement aberrant et qui suscite la désapprobation des acteurs de la profession», a-t-il déploré, reconnaissant toutefois que le volet détention et prison a été bien mené. «Les conditions matérielles d'incarcération se sont améliorées. Les enseignements distribués prouvent que la réinsertion des anciens détenus a été prise en considération». Il a toutefois souligné que les abus de détention provisoire persistaient et que cette pratique allait à l'encontre de la Constitution et des textes inhérents à la justice. «Il faut revenir au précepte qui veut que la liberté soit la règle et que la détention provisoire ne soit qu'une mesure exceptionnelle», a-t-il rappelé. Concernant la dépénalisation de l'acte de gestion, Me Ksentini s'est félicité des déclarations du Premier ministre allant dans ce sens et indiqué qu'il fallait y parvenir car le devenir du pays était menacé.
Réconciliation nationale Me Ksentini a indiqué que la question des oubliés de la réconciliation nationale doit être éludée. «La philosophie du texte de la charte de la réconciliation nationale stipule que l'on ne doit laisser personne au bord de la route. Cette réconciliation doit englober un maximum de personnes, car ces gens ont subi un préjudice qu'il faut réparer, même symboliquement. Ces déportés du sud qui d'après leurs délégués représentent environ 15 000 à 18 000 personnes demandent une reconnaissance car leur détention n'a pas été justifiée», a-t-il souligné. Au sujet des récents prisonniers de Guantanamo rapatriés en Algérie, ce responsable a indiqué qu'ils pouvaient demander réparation auprès des autorités américaines s'ils se rendent dans ce pays car «la justice algérienne n'a pas la compétence pour condamner l'Amérique». Il a néanmoins fait savoir que cette démarche serait longue et coûteuse. Concernant la problématique des droits de l'homme en Algérie, Me Ksentini a indiqué que des avancées avaient été opérées mais qu'elles étaient modestes. Aussi, les problématiques inhérentes à l'école ont été abordées. Pour Me Ksentini, l'école est au cœur de la dynamique du pays et il faut s'atteler à relever le secteur. «J'ai l'espoir que le changement se produise, notamment grâce à la jeunesse capable de mener le pays à un niveau élevé. Le changement n'est pas assez rapide et il faut s'y atteler car nous avons perdu beaucoup de temps», a-t-il déclaré.