«L'Algérie a fait des progrès considérables en matière des droits de l'Homme, mais, pas à la vitesse qu'il faut. Il reste beaucoup à faire», a indiqué, hier, le président de la commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'Homme (Cncpddh), Farouk Ksentini. Intervenant lors du forum du quotidien Liberté, Me Ksentini, a expliqué, qu'en tant que pays émergent, il y a en Algérie, une demande de l'Etat de droit, de la part de toutes les sensibilités politiques. Et que cette unanimité nationale, pour l'édification d'un Etat de droit, s'accompagne surtout d'une volonté politique. Il a souligné à ce titre, que c'est la volonté du président de la République, comme en témoignent les dernières réformes mises en chantier, avant d'indiquer que «cet objectif est à notre portée». Pour s'en convaincre, l'orateur a fait état non seulement des capacités humaines des hommes et des femmes de droit, mais aussi, de la culture et de la religion, qui semblent être autant d'atouts. Selon lui, «tous les ingrédients sont réunis pour construire ensemble l'Etat de droit», car, «cela est l'affaire de tous», a-t-il clamé. D'autre part, le président de la Cncpddh, M. Ksentini, considère que «l'Algérie est bien placée pour que demain elle soit classée 2e ou 3e en Afrique, en matière des droits de l'Homme», qu'«il y a lieu d'être optimiste», et d'émettre le souhait qu'«à l'avenir l'Algérie pourra être cité comme un exemple des droits de l'Homme, à l'image de la Norvège». Mais si on va dans la bonne direction, cela n'empêche qu'«il reste beaucoup d'efforts à faire selon lui», car souligne-t-il, «les droits de l'Homme sont volatiles et fugaces, et il suffit d'un petit incident pour que tout parte en l'air». Il devait pointer du doigt la problématique de la bureaucratie, mais, aussi, l'institution judicaire. «Malgré tous les efforts entrepris dans le sens de la modernisation du secteur, nous avons une justice de mauvaise qualité, que cela soit en pénal, où elle est répressive, ou en civil ou commercial», a lâché, Me Ksentini, en ajoutant, que, «nous avons une justice approximative». Il devait relever, à ce propos, l'ambivalence de l'Etat, qui fait de lui un grand prédateur et un protecteur en même temps. Améliorer les lois, tel est l'objectif que s'est fixé, Me Ksentini, en précisant, «notre travail est de faire en sorte que les lois deviennent justes et qu'on s'y emploie en dépit des échecs». Il a fait état dans ce sens des jugements très sévères de la situation, comme ce fut le cas, lors de la décennie noire, par certaines ONG, qui ont avoué bien plus tard, après les évènements du 11 septembre 2001, s'être trompés de jugement, notamment au sujet du dossier des disparus. Le président de la Cncpddh, a indiqué, leur avoir expliqué, que les 7 200 cas de disparitions recensés officiellement, sont dus surtout à l'horreur de la guerre, imputable à la horde terroriste, et malheureusement à «certains dépassements sur le terrain». En rappelant, dans ce sens, avoir conclu dans son rapport que «l'Etat est coupable mais pas responsable». Me Ksentini, a affirmé avoir incité l'Etat à indemniser les parents des disparus qui l'ont accepté à 95%, mais qu' «il reste une association qui refuse de tourner la page». «L'indemnisation décidée dans le cadre de la charte pour la réconciliation nationale qui a été plébiscitée par le peuple algérien est la seule solution possible», a laissé entendre l'orateur. Avant d'ajouter, plus loin, que «l'Algérie n'est pas le seul pays au monde à avoir comptabilisé des disparus, mais, qu'aucun pays au monde n'a trouvé d'autres solutions que l'indemnisation». Il citera en exemple, le voisin marocain qui a recensé 5 000 disparus, du temps du règne d'Hassan II, en temps de paix, et que la seule solution trouvée était d'organiser un show télévisé et l'indemnisation des familles des victimes, déboursant pour cela un demi-million de dollars. Cela étant, Me Ksentini, a livré les grandes lignes de son rapport sur la situation des droits de l'Homme, devant être rendu public, deux mois après sa remise au président de la République, en affirmant, qu'il souligne la nécessité de renforcer l'indépendance des magistrats, la liberté de la presse, d'améliorer les droits sociaux des citoyens, notamment la santé et l'éducation, indiquant que l'état de l'hôpital laisse à désirer. Idem, pour l'école. Il affirme avoir dénoncé, la fraude et manipulations constatées lors des dernières élections, qui ne sont pas démocratiques. Et ce avant de dénoncer la corruption, qu'il a qualifiée de «sport national». S'agissant de l'indépendance de la justice, «la justice est libre si l'on se réfère à la constitution, mais en pratiques les juges ne se ressemblent pas. Il y a 5 000 magistrats, certains sont courageux, et d'autres frileux, et ne pensent qu'à leurs carrières», et «les augmentations des salaires au lieu de renforcer l'indépendance, ont donné l'effet contraire, le magistrat a plus peur pour sa place», dira l'orateur. Il poursuivra, en affirmant que «le magistrat ne doit pas se comporter en domestique, car, c'est un homme libre, et les magistrats doivent se déterminer eux-mêmes pour se conduire en toute indépendance». Le président de la Cncpddh, a souligné la nécessité d'instituer «la responsabilité civile du magistrat», car, «l'irresponsabilité encourage les dépassements et la paresse des magistrats». Enfin, Me Ksentini a réitéré sa dénonciation du recours systématique à la détention préventive, indiquant que «le mot liberté provisoire est entrain d'être supprimé complètement».