Me Ksentini affirme que la question des droits de l'homme en Algérie a connu une avancée considérable notamment après l'indépendance, mais qui reste insuffisante, compte tenu également de la vitesse « réduite » avec laquelle elle se développe. Il considère, néanmoins, qu'il existe une volonté politique à bâtir un Etat de droit. « C'est une question qui est à notre portée », a-t-il dit avant de préciser que la problématique des droits de l'homme est tellement fragile qu'il suffit d'un petit incident pour que tout soit remis en cause. Après avoir déploré le « mépris mutuel toujours de mise entre le citoyen et l'administration en raison de la bureaucratie ravageuse », il entame le sujet de l'institution judiciaire pour dire « qu'en dépit de tous les efforts consentis, la justice reste de mauvaise qualité, alors que les magistrats sont les premiers défenseurs des droits de l'homme ». « Les magistrats n'ont pas à se comporter comme des domestiques » A ce titre, il se désole du fait que la corruption devienne « un sport national » souvent du fait d'une certaine négligence de quelques magistrats, même s'il affirme que dans les rangs de ces derniers, il existe des gens de qualité. « Les magistrats n'ont pas à se comporter comme des domestiques. Il faut qu'ils réagissent eux-mêmes pour se conduire librement », estime-t-il avant de rappeler que la revalorisation de leurs salaires a eu un effet contraire, étant donné qu'ils ont aujourd'hui davantage peur pour leurs postes. Ce qui les a conduits à ne plus prendre de risques. De ce fait, Me Ksentini plaide pour que le magistrat « jouissant de l'impunité totale » soit responsable civilement, à l'instar des avocats, des journalistes... Selon lui, aucun ministre n'a le droit de dire qu'un dossier de corruption est « classé », car seul le magistrat est habilité à le faire. Par ailleurs, il a fait savoir que la détention provisoire gagne du terrain au détriment de la liberté provisoire qui tend à disparaître. Invité à se prononcer sur le projet de loi sur la profession des avocats, il a indiqué qu'il a évoqué le sujet avec le Premier ministre qui a promis de revoir les dispositions « débiles et irrecevables », rejetées par la corporation, dont la poursuite pénale des avocats et leur soumission au pouvoir du procureur de la République. La réconciliation nationale n'est pas « un match perdu » Sur un autre registre, le président de la CNCPPDH a affirmé que la réconciliation nationale initiée par le Président de la République « n'a pas été un match perdu, mais une réussite importante ayant permis le recouvrement de la paix civile après de longues années de terrorisme ». Il indique que durant la tragédie nationale, 7.200 cas de disparitions ont été recensés. Pour lui, certaines ONG internationales doivent rectifier leurs jugements, étant donné que l'Algérie n'avait jamais combattu des « démocrates », mais des terroristes sans foi ni loi. « L'Etat a été responsable mais pas coupable », lâche-t-il. A la question de savoir si le dossier des disparus pouvait être revisité dans le cadre d'une mission onusienne, comme l'avait indiqué le ministre des Affaires étrangères, Me Ksentini a précisé que l'Algérie a géré souverainement ce dossier et qu'il ne s'agit pas de le rouvrir mais de permettre de constater sur le terrain ce qui a été fait. Il affirme qu'il n'existe pas d'archives dans ce sens car les disparitions ont été causées également par des terroristes et non par des agents de l'Etat.