Entre «Oued El Hob», la «Rivière de l'Amour»- nom d'origine arabe qui a été repris en tant que «Guadeloupe» par les espagnols - et la métropole, rien ne va plus. Bien plus qu'un désamour, c'est un sentiment de révolte intense et désormais affiché ouvertement, qui s'est installé dans ce département éloigné de plus de 6500 kilomètres de Paris, la capitale française. Ce qui se passe, depuis plus d'un mois, en Guadeloupe et atteint, depuis peu, la Martinique voisine, ces deux départements français des Antilles -sur les quatre que compte la France avec la Guyane française, en Amérique du Sud et la Réunion, dans l'océan Indien- est tout simplement honteux ! Honteux pour le pays qui prétend être le chef de file des droits de l'homme et qui ne rate aucune occasion de faire cocorico à ce propos. Concernant la Guadeloupe, le coq gaulois n'a vraiment pas de quoi pérorer…Dans ces îles merveilleuses laissées sciemment entre des mains néocoloniales d'une poignée de descendants de colons esclavagistes, et -n'ayons pas peur des mots- racistes ; c'est la misère pour la majorité de la population noire, métisse ou d'origine indienne ou asiatique. Seule une minorité de nantis profitent depuis des siècles des richesses de ces départements qui en sont encore leur chasse gardée. La coupe est pleine ! Aujourd'hui la coupe est pleine ! La cherté de la vie, les discriminations à l'embauche, les injustices flagrantes, les délits de faciès ont eu raison d'un peuple traditionnellement pacifique et bon enfant. C'est le ras le bol général, car jamais la mère patrie n'a considéré les Guadeloupéens, descendants d'esclaves, comme de vrais français ! La métropole a toujours considéré les autochtones comme des citoyens de seconde zone. Exactement comme la France coloniale l'avait fait en Algérie pendant 132 ans d'un colonialisme abject. En Guadeloupe c'est encore pire, car normalement les Guadeloupéens sont français à part entière. En fait, pour la France coloniale, à part les Espagnols, les Maltais, les Siciliens, les Corses, les Bretons qu'on envoyait en pionniers pour coloniser des terres étrangères et qui avaient droit au statut de français, seuls les Juifs ont pu être assimilés grâce à l'un des leurs, le sieur Crémieux. Les Indigènes ? Exploités et maintenus dans un statut de bêtes… Ce qui a, comme de juste, été à l'origine de nombreuses révoltes et insurrections pendant toute la duré de la colonisation. Jusqu'à la lutte et à la révolution qui a permis enfin aux Algériens de conquérir leur indépendance. Après sept années de lutte en payant le lourd tribut de 1 million 500 000 morts ! Des Français de seconde zone C'est vrai que dans les Antilles françaises, les autochtones sont théoriquement français à part entière et que vivant dans un département français, rien ne les empêche de se rendre à Paris, Brest ou Lyon. Encore faudrait-il qu'ils aient les moyens de se payer le voyage. A ce jour, la majorité des Antillais français ne connaissent la métropole que par le biais de la télé… Aujourd'hui les Guadeloupéens, suivis des Martiniquais crient leur désespoir. La presse, aux ordres, assure qu'il s'agit seulement d'une crise et de manifestations contre la vie chère, évitant la délicate question du racisme. NON ! En Guadeloupe il s'agit de racisme. Car comment ne pas parler de racisme quand, à diplôme égal, voire supérieur, les autochtones sont recalés dans la recherche d'un emploi, au profit d'un français de la métropole ? Discriminations à l'embauche La poignée de familles qui gèrent les départements antillais de la France «importent» des femmes de ménage de la métropole, des chauffeurs, des agents de la sécurité, du personnel non qualifié alors que les autochtones beaucoup plus qualifiés ne trouvent pas de travail. Chez eux. N'est-ce pas du racisme ? Elie Domota, le porte-parole du collectif Liyannaj Kont Pwofitasyon (LKP), mène la grève générale, depuis le 20 janvier, soutenu par des milliers de Guadeloupéens exaspérés par de difficiles conditions de vie. Il est le plus à même d'évoquer cette question. Il travaille à l'Anpe, l'agence de l'emploi et vit cela au quotidien. Non, il n'y a vraiment pas de quoi faire cocorico en France. Humiliée, exclue, la population guadeloupéenne a su rester digne car elle ne s'en est jamais prise aux familles blanches exploiteuses. C'est ce qui fait sa force. Même Sarkozy, prompt à faire des shows médiatiques dans les banlieues avec son karcher ou caresser des vaches limousines au salon de l'agriculture, n'a évoqué la situation de ces départements qu'après un mois d'émeutes. Sarko, président de tous les Français ? Il se rendra dans ces départements, une fois la crise des Noirs passée. Ce faisant, il montre là son vrai visage, lui qui a toujours prétendu être le «Président de tous les Français». Les Guadeloupéens, à l'évidence, ne sont pas compris dans la catégorie de population française dont il parle… Et cela les autochtones y sont très sensibles. La révolte dans les Antilles françaises est légitime. Elle montre bien qu'il s'agit ici de néocolonialisme. Comment pourrait-il en être autrement, quand, tout le monde sait que la poignée de blancs qui «occupent» et «exploitent» ces «départements-colonies», saignent à blanc depuis des siècles la population locale. Ces «békés», comme les nomment les autochtones, détiennent presque tous les secteurs économiques et leurs leviers. Ces familles descendant des colons ont préservé leurs acquis et leur influence depuis des siècles et disposent d'énormes fortunes, parmi les plus grosses de France. On comprend qu'elles disposent ainsi d'un énorme pouvoir…politique. La mafia politico-financière des «békés» Leurs privilèges en métropole et ailleurs, aux Etats Unis notamment grâce à leurs entreprises multinationales, sont immenses. Les familles «békés» ont des relations privilégiées avec le pouvoir en France et elles en usent et abusent ouvertement. Elles peuvent, grâce à leur puissance, faire la pluie et le beau temps. Et c'est ce qu'elles ont toujours fait sur les îles que la métropole a laissées à «leurs bons soins». C'est tout simplement honteux ! Car la population des Antilles française qui est quand même la source même de la richesse de ces familles, ne peut même pas aspire à une vie décente. L'arrogance des «békés» qui gèrent ces îles est tout simplement ignoble. Les «békés» ont la main mise sur tout ce qui peut rapporter de l'argent. Tous les secteurs de l'économie, les marchés, les terres, les impôts, les finances, les banques, les supermarchés, la distribution… Une véritable mafia politico-financière a mis main basse sur les départements français d'outre-mer, avec la complicité passive ou agissante du Gouvernement français. A la mémoire de Jacques Bino C'est cela que les Guadeloupéens nous dévoilent aujourd'hui. Là est l'origine de leur révolte. Et que cela se passe au pays des droits de l'homme est encore plus révoltant. Aujourd'hui, il est temps que tout le monde sache que ce ne sont pas les départements français d'outre-mer, comme certains le prétendent, qui abusent de l'assistanat de la mère patrie, mais bien la France qui a toujours exploité et détourné, depuis des siècles, les richesses de ces autochtones qui se révoltent aujourd'hui. Sarkozy se rendra prochainement dans les îles françaises d'outre-mer. Une fois que les renforts de gendarmes envoyés par Alliot-Marie auront fait place nette. Pourra-t-il changer le sort des milliers de chômeurs ? Ordre de rentrer en France sera-t-il donné à tous ces blancs qui prennent, à compétence égale, le travail des noirs autochtones? Saura-t-il ressusciter Jacques Bino, le jeune syndicaliste de la CGT membre du collectif LKP, que tout le monde pleure aujourd'hui ? Ou bien une stèle et une gerbe de fleurs suffiront-elles ? Tout cela dépendra évidemment encore du bon vouloir des «békés». Ce sont eux les maîtres des lieux. Sarkozy n'aura pas le choix. Encore moins aujourd'hui !…..