«Pour nous Noureddine Saadi est un très bon entraîneur, qui connaît son métier. Nous n'avions aucune intention de nous séparer de lui. Malheureusement la pression de la rue a été la plus forte. Lui-même a compris que le mieux pour lui et pour le club était de partir. Ce fut une séparation à l'amiable qui a été réalisée malgré notre vœu de voir Saadi continuer l'aventure avec nous.» Ces mots, prononcés vendredi matin à la radio nationale, sont de Rachid Redjradj, le secrétaire général de la JSM Béjaïa qui intervenait pour expliquer le départ du coach de cette équipe, Noureddine Saadi. Voilà donc un dirigeant, et on suppose que ces sollègues sont d'accord avec son opinion, qui reconnaît que ce coach est compétent mais n'a rien pu faire face à la pression de la rue. «Ce n'est pas propre à la JSMB, a-t-il expliqué. Partout en Algérie, c'est la rue qui commande. Les dirigeants s'y soumettent pour ne pas aller au clash avec les supporters.» A Béjaïa, pour bien marquer qu'il était contre cette forme de chantage de la part de l'opinion publique, le président de la JSMB, Boualem Tiab, a fait savoir qu'il était démissionnaire. C'est donc un message qu'il lance à tous ceux qui lui font subir chaque jour un peu plus de pression. «Vous voulez le départ de Saadi. Je vous l'offre mais je pars avec lui», semble-t-il dire à travers cette démission. En Algérie, ce serait donc les supporters qui guident ce que l'on doit faire dans un club. Surtout lorsqu'il s'agit du choix d'un entraîneur. Ce qui est arrivé à Saadi, d'autres de ses collègues peuvent le subir. N'allez pas nous faire croire qu'un Aït Djoudi jouit d'une confiance sans faille de la part des supporters de la JS Kabylie. L'homme a déjà drivé ce club par la passé et il l'avait quitté suite à une brouille avec les dirigeants, les mêmes qu'aujourd'hui, qui avaient plié devant le diktat de la rue. Il sait que sa situation actuelle est des plus instables et qu'il suffit que la JSK fasse un ou deux mauvais résultats pour qu'on lui montre la porte de sortie. Même chose pour le tout nouveau venu à l'Entente de Sétif, Jean-Christian Lang. Malgré de nombreux titres, son prédécesseur, Hubert Velud, a été remercié. Lang sait qu'il restera à Sétif tant que l'Entente gagnera mais au moindre accroc il devra envisager son départ. Le football algérien a donc la particularité de «bouffer» de l'entraîneur à une allure vertigineuse. Combien de coaches restent plus de deux saisons à leur poste ? Il faut vraiment les chercher. Aujourd'hui il en est un qui est en train de battre un record de longévité, à savoir Boualem Charef qui en est à sa 6e saison. Il est sur les traces d'une certain Mokrane Oualiken, qui était resté de nombreuses années au poste d'entraîneur de la DNC qu'il avait amenée des divisions inférieures jusqu'à la division 1, lui faisant remporter une Coupe d'Algérie et participer à une Coupe d'Afrique. Charef a failli partir il y a quelques jours, mais il est resté en poste sous la pression de ses joueurs et des dirigeants qui ont compris qu'il n'y a que la stabilité qui compte dans le football. Il y a quelques années de cela, le regretté Mourad Abdelouahab entraînait le CR Belouizdad. Il avait commencé avec un groupe de joueurs assez peu performants avec lesquels les résultats étaient en dents de scie. Abdelouahab était resté malgré tout à sa place grâce au soutien de son président Djillali Selim qui avait compris qu'il fallait continuer avec lui. Et il avait eu raison puisque Abdelouahab avait fini par faire du Chabab un double champion d'Algérie. Même chose pour Abdelkader Amrani qui était demeuré assez longtemps à Chlef pour mener l'ASO à la victoire finale en Coupe d'Algérie. Combien sont-ils ces dirigeants qui savent s'opposer au diktat de la rue ? Pas beaucoup. Le football algérien est ainsi fait avec des supporters versatiles à souhait qui en viennent à conspuer un technicien qui a mené leur club vers des titres. Ce dernier sera toujours le fusible que l'on fera sauter avec facilité dès que le danger se précise. C'est la loi de ce football tellement prisonnier de la passion qui l'entoure.