Le président en exercice de l'Union africaine (UA), Premier ministre de l'Ethiopie, Hailemariam Dessalegn, a affirmé hier à Addis Abeba que l'objectif de l'Afrique n'est pas de mener une «croisade» contre la Cour pénale internationale (CPI) mais de lui lancer un appel «solennel» pour prendre les préoccupations de l'Afrique au sérieux. Intervenant à l'ouverture de la Conférence extraordinaire des chefs d'Etat et de gouvernement de l'UA consacrée à l'examen des relations entre l'Afrique et la CPI, M. Hailemariam a indiqué que son organisation a abordé, à plusieurs occasions, son «conflit» avec la CPI et a exprimé ses préoccupations face au traitement réservé par cette dernière à ses préoccupations, affirmant, à ce sujet, que l'objectif de l'UA «n'est pas de mener une croisade» contre la Cour mais de lui lancer un appel «solennel pour prendre les préoccupations de l'Afrique au sérieux». Il a fustigé, dans ce cadre, l'attitude du CPI dans le «traitement injuste» réservé au continent, un traitement qu'il a qualifié «d'inquiétant». «La tendance est sans doute inquiétante et le traitement injuste que nous subissons de la part de la CPI est totalement inacceptable», a-t-il dit, notant, à cet effet, que l'Afrique «n'a pas soutenu et ne soutiendra jamais l'impunité des dirigeants qui ont, volontairement, assassiné leurs propres peuples». M. Hailemariam a regretté, à ce propos, que les nombreuses propositions adressées par l'UA dans le cadre du Statut de Rome pour aborder ces questions «soient totalement ignorées». La présidente de la Commission de l'UA, Nkosazana Dlamini Zuma, a indiqué, pour sa part, que le Conseil de sécurité de l'ONU et la CPI «devraient travailler avec nous (UA) pour permettre aux dirigeants élus du Kenya de s'acquitter de leurs obligations constitutionnelles, à travers le report urgent des procès du président et du vice-président du Kenya conformément à l'article 16 du Statut de Rome». Elle a ajouté, dans le même sillage, que l'Afrique doit consentir plus d'efforts pour «renforcer l'intégrité et la capacité de son système judiciaire national et pénal, y compris la Cour africaine des droits des peuples». Les travaux du sommet se poursuivent à huit clos et les dirigeants africains devront se prononcer sur la mise en œuvre d'une décision relative à la justice internationale et à la CPI. La position de l'Algérie L'ouverture d'enquêtes à caractère judiciaire par les tribunaux de pays européens à l'encontre de responsables africains dans le cadre de la pratique dite «compétence universelle», tend à «imposer indûment», une présomption de culpabilité, a indiqué hier à Addis Abeba (Ethiopie) le Premier ministre, Abdelmalek Sellal. «L'ouverture d'enquêtes à caractère judiciaire par les tribunaux de pays européens à l'encontre de responsables africains dans le cadre de la pratique dite ‘‘compétence universelle'' tend à imposer indûment une présomption de culpabilité là où la présomption d'innocence doit prévaloir», a affirmé M. Sellal dans son intervention lors de la session extraordinaire de la Conférence des chefs d'Etat et de gouvernement de l'UA, réunis pour examiner la relation entre l'UA et la Cour pénale internationale (CPI). Dans ce sens, le Premier ministre, qui représente le président Bouteflika à ce sommet, a fait observer que les activités de la CPI durant ses onze dernières années d'existence, ont porté «exclusivement» sur l'Afrique, alors que, a-t-il ajouté, «des situations inacceptables dans d'autres régions du monde ont été ignorées». M. Sellal a rappelé que durant cette phase, il y a eu l'émission d'un mandat d'arrêt contre le président soudanais Omar El Béchir et la mise en accusation du président et du vice-président, démocratiquement élus, du Kenya, soulignant que l'UA demeure la seule organisation internationale dont le texte fondateur consacre l'impératif de lutte contre l'impunité. Il a également rappelé que l'UA a, à maintes fois, sollicité «vainement» le Conseil de sécurité des Nations unies à faire usage de l'article 16 du statut de la CPI en ce qui concerne les poursuites engagées contre le président du Soudan et le renvoi des affaires concernant le Kenya. «Ces positions (de l'UA) sont justes et justifiées (...), notre unité et notre persévérance dans leur défense leur donnent naturellement un surcroît d'autorité politique et morale», a-t-il dit. Par ailleurs, M. Sellal a relevé que l'engagement de l'Afrique à lutter contre l'impunité se conjugue avec l'attachement des pays du continent à leur indépendance et à leur souveraineté ainsi qu'avec l'exigence de solutions africaines aux problèmes de l'Afrique pour diriger une «lumière crue» sur la sensibilité et la complexité de la problématique de la relation de l'Afrique avec la Cour pénale internationale. «Sur cette problématique se greffe la question des abus avérés, par des juridictions étrangères, de la pratique dite – compétence universelle –», a-t-il encore ajouté. Le Premier ministre a en outre indiqué que l'Algérie se «réjouit du renforcement continu» de l'action africaine collective pour promouvoir les principes et les objectifs de l'Union à travers le continent dans le monde. «Ce sommet est une précieuse opportunité pour imprimer, sur les relations internationales, l'empreinte de nos préoccupations et de nos intérêts légitimes, singulièrement comme en matière de justice et de droit qui sont indissociables du combat que l'Afrique (...) à travers son histoire pour la dignité de la personne humaine et pour celle de tous les peuples», a encore souligné le Premier ministre.