Lamamra s'est rendu à Rome ce lundi, puis à Moscou hier, où il s'est entretenu avec son homologue russe, Serguei Lavrov. Il est également attendu à Berlin et à Pékin avant la fin de cette semaine. Le vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, a entamé une tournée le conduisant dans plusieurs capitales, considérées comme amies ou partenaires importants de l'Algérie. Ce périple s'inscrit dans le cadre des démarches politiques et diplomatiques tous azimuts menées par le gouvernement algérien, en vue de contenir la «crise» qui secoue le pays, et d'anticiper sur les velléités d'ingérence étrangère, qui étaient prévisibles dès les premières réactions de certaines capitales occidentales. Lamamra s'est rendu à Rome ce lundi, puis à Moscou hier, où il s'est entretenu avec son homologue russe, Serguei Lavrov. Il est également attendu à Berlin et à Pékin, avant la fin de cette semaine. Ramtane Lamamra use de son talent de diplomate pour essayer de convaincre ces grandes capitales, du bien-fondé de la nouvelle politique du gouvernement algérien, largement décriée par les manifestants, pour endiguer la crise. Une sorte d'internationalisation de la situation en Algérie, alors que toutes les composantes de notre société refusent toute ingérence étrangère dans nos affaires internes. Organisations, partis politiques, intellectuels ou simples citoyens, dénoncent le recours du régime à l'international en cette période de crise. Une situation qui a soulevé le tollé des Algériens. Le président du parti Talaie El Hourriyet, Ali Benflis, a, dans un message posté sur sa page Facebook, souligné que «le pouvoir politique en place semble s'engager dans une campagne auprès des partenaires étrangers pour plaider sa propre cause, promouvoir la feuille de route du président de la République, déclarée nulle et non avenue par le peuple algérien, et solliciter la compréhension des uns, particulièrement les Occidentaux, plus sensibles aux pressions de leur opinion publique, et le soutien des autres, notamment la Russie et la Chine». En effet, le pouvoir présidentiel donne l'impression de vouloir rassurer l'Occident plus que la nation algérienne, dont les niveaux d'exigence patriotique dépassent largement les prises de position officielles. D'autant plus que cette crise interne relève d'un blocage politique et non sécuritaire. L'Algérie, qui s'est toujours énorgueillie de son positionnement contre toute ingérence étrangère, a choisi de s'exprimer depuis l'étranger pour expliquer que «les manifestations entrent dans le cadre interne et familial». La gestion de l'extérieur d'une crise nationale ne peut que conduire à l'impasse politique. En se parant d'une certaine légitimité internationale, le pouvoir politique algérien se défausse devant l'urgence d'une crise politique, dont la solution devrait avoir pour unique principe de base, l'expression de sa souveraineté de l'intérieur, et non pas de l'extérieur. Moscou hostile à toute ingérence, mais… Rien qu'à voir la position de la Russie, on comprend tout de suite qu'elle emboîte le pas à la France, dans son parti pris en faveur du pouvoir et non du peuple. En effet, Lavrov a, lors d'un point de presse animé conjointement avec Lamamra depuis Moscou, clairement apporté son soutien au pouvoir, en mettant en garde les autres pays. Le soutien de la Russie à l'initiative du gouvernement algérien est vécu comme une ingérence directe dans les affaires de l'Algérie. C'est le cas, notamment, de l'ancien ministre de la communication, Abdelaziz Rahabi. «La déclaration du ministre Lavrov est aussi inamicale qu'inacceptable. Elle engage davantage l'Algérie dans l'internationalisation de sa crise interne», a-t-il écrit hier sur sa page Facebook. «La Russie, pays ami et allié, ne doit pas s'ingérer dans nos affaires nationales en soutenant le plan de Bouteflika, qui représente aujourd'hui la principale source d'instabilité», a-t-il ajouté. Dans son intervention devant la presse, Lavrov a mis en garde notamment contre toute tentative de déstabilisation de l'Algérie. «Moscou refuse catégoriquement toute intervention dans les affaires internes de l'Algérie», a-t-il soutenu. «Il est particulièrement important que tous les autres pays respectent de façon sacrée les dispositions de l'Onu, et s'abstiennent de toute ingérence dans les affaires intérieures de l'Algérie», a-t-il ajouté. Lamamra s'est, pour sa part, félicité de la «compréhension» des autorités russes par rapport aux évènements en Algérie, indiquant : «Je suis heureux que Moscou comprenne qu'il s'agit d'une affaire interne». «Les Algériens possèdent toutes les capacités pour régler leurs problèmes dans un cadre pacifique». Evoquant les problèmes posés lors des manifestations, Lamamra a expliqué que l'Algérie «a répondu positivement à l'appel du changement et d'une nouvelle gouvernance réclamée par les manifestants». Il a révélé avoir remis une lettre du Président Bouteflika à son homologue russe, mettant en avant que Bouteflika «s'est engagé à transmettre le pouvoir au futur Président élu». La Chine se positionne La Chine n'a, pour sa part, pas attendu la visite de Lamamra prévue pour aujourd'hui, mercredi, à Pékin, pour s'exprimer sur l'Algérie. Lors d'une conférence de presse quotidienne, le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Geng Shuang, a noté que «la Chine adhérait au principe de non-ingérence dans les affaires intérieures des autres pays». Il ajoutera que «le peuple algérien avait la sagesse et la capacité nécessaires pour explorer une voie répondant aux conditions de son pays». Il a espéré notamment voir l'Algérie faire avancer sans heurt son calendrier politique, soulignant que la stabilité de l'Algérie était dans l'intérêt fondamental de son peuple, et de la paix dans les régions voisines. Par ailleurs, le président français, Emmanuel Macron, s'est expliqué lundi soir, sur son soutien à Bouteflika, lors de l'émission Grands débats à la radio France culture. Macron s'est dit «intellectuellement d'accord avec les Algériens, mais a refusé tout commentaire sur la situation politique sur place». «Quelques commentaires que ce soient, sera perçu comme une immixtion. Il y a des échanges qui sont constants, pour essayer d'accompagner ce qui est une forme de transition des dirigeants en Algérie», a-t-il expliqué. «(…) Si j'en venais à choisir mes interlocuteurs dans l'opposition ou dans la rue, d'abord, je les condamnerais au discrédit, et j'ouvrirai le débat sur l'immixtion», a-t-il souligné. «Je me suis tenu à distance de ce sujet, ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas d'échanges avec ceux qui dirigent aujourd'hui l'Algérie pour essayer de comprendre, d'accompagner et de faire passer les messages d'une transition».