Dans une lettre intitulée «A la jeunesse du Hirak, préservez la dynamique du changement», reprise hier par des médias, Ahmed Taleb Ibrahimi intervient encore dans le débat, deux jours après le discours de Gaïd Salah à Ouargla. Ahmed Taleb Ibrahimi revient à la charge. Après l'appel qu'il a signé avec Ali Yahia Abdennour et Rachid Benyelles, l'ancien ministre des Affaires étrangères sous Chadli, s'adresse aux jeunes du Hirak, et répond au chef d'état-major de l'ANP, Ahmed Gaïd Salah. Rappelant «la discipline» pour laquelle est connue l'institution militaire, Ibrahimi estime qu'«en cette conjoncture spéciale, elle (l'armée, NDLR) doit écouter les propositions des élites et des sages», et «ne doit pas constituer un soutien à des institutions qui ne bénéficient pas d'un consentement populaire, même si elles se trouvent dans un état constitutionnel stable, prévu pour les situations normales et non-exceptionnelles, comme celle que nous traversons actuellement». Dans une lettre intitulée «A la jeunesse du Hirak, préservez la dynamique du changement», reprise hier par des médias, Ahmed Taleb Ibrahimi intervient encore dans le débat, deux jours après le discours de Gaïd Salah à Ouargla. Ce qui ne laisse point de place au doute, que l'ancien ministre des AE lui rend la monnaie. Pour détruire l'argumentaire de la voie constitutionnelle, Ibrahimi fera remarquer que «le texte de la Constitution a été élaboré dans l'esprit de satisfaire aux désirs du pouvoir». «En l'absence d'une culture de l'Etat, le pouvoir l'a conçue comme moyen pour y arriver, non pas comme référence», a-t-il asséné, ajoutant que cela a engendré des conséquences du genre. «Beaucoup d'algériens ne voient aucun inconvénient à dépasser ce contrat social, malgré les dangers dont le vide constitutionnel». Ceci dit, il y a bien une manière de restitution du pouvoir au peuple dans le cadre de cette même Constitution. «La solution efficace à mon sens, est de jumeler entre les fondements des articles 7 et 8 de la Constitution, en fonction des interprétations disponibles, d'autant que le soulèvement populaire est un référendum sans ambages, et quelques articles procéduraux qui permettront de transmettre le pouvoir par voie constitutionnelle», préconise Ahmed Taleb Ibrahimi. «Le soulèvement populaire est un référendum» Même s'il sollicite l'armée à intervenir, l'ancien diplomate tâche de préciser que cela ne doit pas être au détriment de la souveraineté du peuple, expliquant que «la légitimité de l'intervention de l'institution militaire ne doit pas se substituer à la légitimité populaire, mais être un canal pour consacrer cette légitimité, à travers une réponse claire aux revendications populaires légitimes». Devant une situation d'«impasse politique» qu'il décrit «à cause de l'entêtement du pouvoir et de l'intransigeance du Hirak à défendre ses revendications», l'auteur de la lettre estime que l'objectif doit l'emporter sur le formel en terme de légitimité, partant du «principe du droit du peuple au changement», car «la Constitution st l'œuvre de l'homme». Telle est donc «la vision» d'Ibrahimi, qui «s'ajoute à des dizaines d'initiatives» proposées par des partis, des syndicats et des personnalités, et pour lesquelles il se dit «étonné qu'elles soient ignorées par les tenants du pouvoir». Une allusion on ne peut plus claire au chef d'état-major qui s'est, paradoxalement, interrogé sur «l'absence flagrante des personnalités nationales, des élites et des compétences nationales», alors que les initiatives de sortie de crise ne manquent pas. Tout en saluant la révolution pacifique, dont les jeunes instruits constituent, selon lui, «le noyau dur», l'ancien chef de la diplomatie sous Chadli, dit avoir suivi et «reçu» des jeunes du Hirak, qui «m'ont sollicité avec insistance pour conduite la période de transition». Mais, il ne pouvait être présent. «J'ai atteint un âge avancé qui a supprimé toute ambition en moi. (…) Je n'ai plus la jeunesse qui me donnera la force d'être à vos côtés, lors des marches à travers lesquelles vous repoussez chaque jour, depuis le 22 février, les bases du régime corrompu», a-t-il expliqué, mettant un trait définir sur un possible retour en politique.