Devant l'établissement carcéral, une foule nombreuse attendait déjà le fourgon cellulaire qui le transportait. Et c'est sous le slogan «Klitou leblad ya serraqin» qu'il pénétrera avec escorte policière à la sinistre prison. À peine 24 heures après l'incarcération d'Ahmed Ouyahia, un autre ancien Premier ministre, Abdelmalek Sellal et l'ancien ministre du Commerce, Amara Benyounès, l'ont rejoint à la prison d'El Harrach, dans un scénario inédit et qu'aucun algérien n'aurait un jour imaginé. Jeudi 13 avril, les événements se sont tellement accélérés dans ce qui semble être une opération mains propres de la justice, contre les têtes de la corruption aux profondes ramifications au pouvoir durant les 20 dernières années. Ceci, bien que des critiques collent toujours ces arrestations par un appareil judiciaire pas totalement libéré du pouvoir réel en Algérie. Après l'avoir auditionné le matin dans le cadre d'enquêtes anticorruption, le juge d'instruction près la Cour suprême a ordonné le placement d'Abdelmalek Sellal, en détention provisoire à la prison d'El Harrach. Devant l'établissement carcéral, une foule nombreuse attendait déjà le fourgon cellulaire qui le transportait. Et c'est sous le slogan «Klitou leblad ya serraqin» qu'il pénétrera avec escorte policière à la sinistre prison. Dans l'après-midi, C'était autour d'Amara Benyounès, ancien ministre du Commerce, de subir le même sort. Pas surprenant d'ailleurs pour beaucoup d'algériens qui, sur les réseaux sociaux, soutenaient que son incarcération n'est qu'une question d'heures. Ce qui va vite se confirmer quant le juge d'instruction près la Cour suprême ordonna le placement de l'ancien ministre en détention provisoire à la même prison d'El Harrach. En fin de la même journée, le procureur général près la Cour suprême, s'exprimant sur l'affaire, indiquera dans un communiqué que Sella et Benyounès sont poursuivis pour les chefs d'inculpation d'«octroi de privilèges indus dans le domaine des marchés publics», de «dilapidation de deniers publics», «d'abus de fonction» et de «conflit d'intérêts». Le fourgon cellulaire et l'accueil du Hirak Avec leur incarcération, les deux fidèles soutiens de l'ancien président déchu Abdelaziz Bouteflika, venaient de rejoindre Ouyahia qui avait déjà passé sa première nuit à El Harrach. Triste fin pour le clan présidentiel qui voulait imposer au peuple algérien un 5e mandat d'un homme grabataire et contre toute logique, histoire d'assurer la survie du système et sauvegarder leurs privilèges. Voulant à son tour minimiser du sort réservé à Sellal, Me Dehim Ahmed, dira dans une déclaration à la presse que son mandant avait été auditionné pour des chefs d'accusation liés à l'«octroi de marchés publics». Et d'ajouter : «La mise en détention provisoire de M. Sellal n'intervient pas dans le cadre d'un jugement, mais constitue plutôt une procédure qui est du ressort du juge d'instruction près la Cour suprême». Sur la liste des 12 anciens hauts fonctionnaires dont les dossiers ont été transférés par le parquet général près la Cour d'Alger avait transmis au procureur général près la Cour suprême, 4 ont déjà été auditionné dont trois (Ouyahia, Sellal et Benyounès) ont été envoyés en prison. Seul Abdelghani Zaâlane, ancien ministre des Travaux publics, a été placé sous contrôle judiciaire avec retrait des passeports, ordinaire et diplomatique, et présentation devant la Cour une fois par mois. La liste contient, pour rappel, aussi les noms des anciens ministres Amar Tou, Boudjemaa Talai, Amar Ghoul, Abdelkader Bouazgui, Karim Djoudi et Abdesslam Bouchouareb, ainsi que ceux des ex-walis Zoukh Abdelkader et Khanfar Mohamed Djamel. Ils devraient être auditionnés dans les heures à venir. Ghoul, Bouchouareb, Tou et les autres… Sur un autre plan qui concerne les hommes d'affaires, mais toujours dans le cadre des enquêtes anticorruption, la télévision nationale a annoncé que la brigade de la gendarmerie nationale à Alger a arrêté Mourad Oulmi, PDG du groupe Sovac, représentant exclusif des marques allemandes de véhicules en Algérie. C'est en tout cas un indice que la justice va poursuivre l'opération entamée il y a deux mois avec l'incarcération de plusieurs hommes d'affaires, avant d'atteindre les anciens ministres du régime Bouteflika. Et à chaque fois qu'un ancien haut responsable est auditionné, c'est toute une chaîne de personnes et de responsables locaux qui s'en suit, dévoilant les ramifications du phénomène de la corruption au sein des institutions de l'Etat. Dans cette histoire, le seul dénominateur commun entre toutes ces personnes c'est qu'elles étaient engagées aux cotés de l'ancien président contraint à la démission par le Hirak. Après avoir été des intouchables pour certains et destinés à une longue carrière politique, présidentiables notamment pour d'autres, les voilà crouler sous les barreaux dans une fin inimaginable avant le 22 février. Finalement, cette date aura été pour eux le début d'un cauchemar …