Tel que projeté dans son numéro de lundi soir, «Paroles de femmes» a dû partir d'un malentendu conceptuel. Il faut bien évidemment préciser que «concept» ici aurait dû rester dans son acception technique, le sujet étant une émission de télévision. Le problème est qu'il n'y a pas que la technique à la télévision. Sinon, même avec ses limites en termes de réalisation et d'animation essentiellement, «Paroles de femmes» aurait pu être un moment de télévision intéressant. Après tout, nous n'avons rien inventé en la matière. Un plateau de débat avec un sujet qui préoccupe et des invités qui ont quelque chose à dire, il y a toujours quelque chose à en tirer, même si ça n'atteint pas toujours les sommets. Mais il y a un minimum comme gage de qualité, et le moins qu'on puisse dire en l'occurrence est qu'il n'est pas au rendez-vous. Au-delà de ses aspects techniques au demeurant primaires, l'émission a été «pensée» à partir de confortables a priori, pour ne pas dire à partir de lamentables et éculés clichés de société. Bien caricaturaux, pour tout dire. Parce qu'on a beau resservir les bons vieux discours populistes qui veulent que les faits de société, même quand ils sont d'anachroniques travers, sont toujours bons à reproduire in extenso. Alors, faute d'appréhender la société dans ses aspirations émancipatrices et le dépassement de ses pires pesanteurs, on reproduit ses tares et on les renvoie à la face du téléspectateur, comme pour consolider son inertie. Pour rester dans sa dernière livraison, «Paroles de femmes» est en l'occurrence caractéristique d'une conception de la télévision désuète. Pour le sujet, il était question de discuter des relations… d'autorité conflictuelles entre «belles-mères et belles-filles». Les invitées, des… femmes qui semblent sortir tout droit du même moule sociologique et «intellectuel». Et une animatrice scotchée à une feuille de route qui n'en mène pas large. Et ça a donné ce que ça a donné : un papotage de bonnes femmes dont les relents vont invariablement de la complaisance au fait accompli. Et les questions de fond laissées aux vestiaires. Les belles-mères sont ainsi fatalement jalouses de «femmes étrangères», jeunes et belles, qui sont venues leur prendre leurs enfants. Les belles-filles, elles, sont arrogantes et égoïstes et n'ont aucun respect pour les personnes âgées qui les ont fait venir et qui sont le ciment indécollable de la «grande famille traditionnelle» dont il faut perpétuer la tradition, quitte à tomber à bras raccourcis sur les mutations sociologiques de notre temps et les exigences de la vie moderne. Quant aux maris, les grands absents-présents, ils sont de manière générale présentés comme de pauvres victimes à plaindre, ballottés qu'ils sont entre le «respect»… maladif qu'ils doivent à leurs mères et quelques sursauts, souvent velléitaires, en vue de sauver quelques équilibres et assurer la paix du ménage à trois. En ce sens, «Paroles de femmes», titre générique bien pompeux, aurait pu se faire dans la télé-réalité. Dans ce qu'elle a de plus caricatural dans la société qu'elle est censée diagnostiquer. Et peut-être bien pire que la caricature. Slimane Laouari