Donnée en avant-première sur la scène du Théâtre régional de Sidi Bel Abbès retapé à neuf, la nouvelle pièce de théâtre proposée par la coopérative théâtrale Warchat El Bahia a passé la rampe sans ambages. Mise en scène par Mohamed Adar sur le mode incisif de la comédie tragique, la pièce Yamina met aux prises deux femmes de générations distantes que réunit un différend familial articulé autour des positions époux-fils. La jeune Yamina regarde de l'avant et le montre tandis que sa belle-mère Chadlya n'a d'yeux que pour le passé, principalement incarné par son défunt mari auréolé de toutes les qualités. Un conflit qui s'accentue sur une scène totalement acquise au théâtre du texte, un texte de Djamel Marir et Samir Raïs, adapté à partir d'une superbe œuvre du dramaturge et nouvelliste tunisien Azedine Madani. La nouvelle mouture proposée par le duo Adar et Saïd Bouabdellah, l'assistant metteur en scène et président de la coopérative, offre ainsi à Sarkhat Nissa une nouvelle piste de lecture dramaturgique. Une lecture où la priorité semble mettre en avance, cette fois-ci, l'être dans sa solitude avant de le situer dans son environnement social. Le réalisme du contenu initial est décliné autrement dans cette approche artistique qui nous fait redécouvrir le talent avéré de l'artiste Malika Youcef dans le rôle de la vieille Chadlya et les promesses plus que probantes de Wahiba Adnane dans la composition de Yamina, cette jeune épouse qui refuse de se laisser embringuer par des idées qu'elle juge éculées, incarnées par sa belle-mère. Dans ce conflit d'intérêts évoluant sur fond de vieilles rancœurs avancées comme on avance des plaidoiries accusatrices, les artifices de la représentation sont au fur et à mesure rendus dans une succession de scènes croisant un authentique tableau de la tragédie humaine à l'échelle d'une famille… écartelée. Une seconde vie est donc assurée à un sujet qui colle bien aux problèmes que connaît notre société actuelle, une société en perte de repères comme on le constate autour de nous. La pièce Yamina investit, de manière assez astucieuse, le théâtre qui interroge - et s'interroge - pour dire avec les mots d'aujourd'hui le perpétuel désir d'exprimer ses désirs de se libérer de tous les jougs. Quelques remarques cependant liées principalement à un texte qui reste encore long et fastidieux à débiter. Allégé de répétitions pas toujours indiquées, notamment à la fin du spectacle, celui-ci pourra permettre aux deux comédiennes de jouer plus avec leur voix et leur corps et leur sensibilité féminine. Malika et Wahiba respirent l'émotion, il n'y a pas à douter là-dessus. Pourquoi ne pas les laisser mieux dire leur intériorité parce que l'esprit de la pièce le permet ? Adar, dont l'ombre est partout présente dans cette représentation d'1h10 environ, gagnerait beaucoup dans l'affaire. Il quittera la sphère du jeu, lui le comédien, pour s'installer, le temps d'une mise en scène, dans celui de constructeur de spectacles. Yamina est une belle occasion pour identifier les deux facettes de l'artiste qu'il est. Pour finir, disons bravo pour la musique de scène signée Cherigui Abdelkader, une musique apparentée à un vieux air oranais du violoniste et chanteur, le défunt Cheikh Benyamina ! Une mention spéciale pour Ali El Harrati, le concepteur d'un décor où le tissu était lui aussi personnage à part entière. Pas uniquement « délimitateur » de scènes du spectacle proposé.