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"Es'saïdoun ila El Asfal" d'Ahmed Rezzak ou la réalité sociale par le théâtre de la dérision
Culture
Publié dans Le Temps d'Algérie le 15 - 11 - 2013

La générale de la pièce de théâtre "Es'saïdoun ila El Asfal" (Ceux qui montent en bas) a été présentée mercredi soir à la salle El Mouggar d'Alger, mettant en avant, dans le genre tragi-comique, aux traits grotesques, la vulnérabilité des petites gens vivant dans la précarité, devant la surenchère politique aux objectifs électoralistes.
Ecrit et mis en scène par Ahmed Rezzak et produit par le Théâtre régional de Souk Ahras, le spectacle, d'une durée de près de deux heures de temps raconte dans le rire et la dérision l'histoire d'une population sans ressources, qui a du mal à intégrer la société car vivant dans un ensemble d'habitations hétéroclites de fortune.
Douar Sidi Salem, un bidonville où aucune règle de vie sociale en communauté n'existe, regroupe plusieurs familles qui vivent dans le désordre total dont les couples "El Ferroudj et Guemra" ainsi que "Si El Hadi et D'Rifa", qui s'affrontent à longueur de journée sans grandes conséquences.
Vivotant ensemble malgré les interminables querelles, les habitants, contraints à la vie dans des constructions illicites, essayent comme ils peuvent d'améliorer leur quotidien, jusqu'au jour où "R'Jem", un ancien du douar devenu riche, et qui nourrit des ambitions politiques, arrive sur les lieux avec son escorte et ses deux enfants, Saidi et Nejma.
"R'Jem" tente de soudoyer ses voisins d'hier pour l'aider à se faire élire et mettre en application son projet scabreux de construire une usine sur le lieu même du bidonville. Mais Si El Hadi, l'intègre et l'ancien syndicaliste et son fils "H'lel", ainsi que l'ensemble du voisinage vont refuser de se faire corrompre et servir de tremplin à un homme malhonnête, aux ambitions démesurées.
De ces deux mondes qui s'opposent, une belle romance va naître, celle de H'lel et Nejma qui vont s'éprendre l'un de l'autre dans un drame cornélien qui finira par se dénouer.
"H'lel et Nejma, symbolisant l'emblème national, finissent par s'unir contre vents et marées alors que tout les séparait auparavant, c'est à l'image de l'Algérie qui arrive toujours à surmonter les épreuves difficiles", explique un des comédien.
Usant du registre grotesque, le metteur en scène a su asseoir l'esprit de la dérision durant tout le fil de la trame qui s'est également nourri du professionnalisme des comédiens qui ont su porter le texte, déclamant clairement les expressions métaphoriques et allusives qu'il contenait.
Hamoudi Foudil Hamza, époustouflant dans le rôle de "R'Jem" aux côtés de Djemouaî Abderrahmane (Si El Hadi), Ziaya Mohamed (El Ferroudj et Messaouda la voyante), Grichi Sabrina (D'Rifa), Belhadj Z'Likha (Guemra), Selatni Bachir (le non-voyant), Tarek Atrous (H'Lel),
Noui Lina (Nejma) et bien d'autres encore ont été au sommet de leur art avec un jeu utile et complémentaire.
Dans une scénographie signée également par l'auteur et metteur en scène, le décor, constitué de quelques habitations précaires en zinc, amovibles pouvant être rapidement transformées en façade d'usine ou en lieu de divertissement des jeunes a été concluant, ainsi que l'éclairage qui a donné les atmosphères nécessaires aux différents tableaux.
La bande musique, les percussions et les bruitages, ont été d'un apport concluant au jeu des comédiens, créant des ambiances sonores appropriées à la sémantique des situations, dans une œuvre hautement appréciable de Said Sameaï.
Usant par moments de chants en chœurs, Ahmed Rezzak a su mettre l'accent sur des passages pertinents, alors qu'à d'autres scènes de la pièce, des chorégraphies rythmiques étaient réglées au pas (Lors de l'affrontement des deux bandes de jeunes notamment).
"Lors d'une générale, les comédiens et surtout le metteur en scène ont cette première peur et cette angoisse qui accompagnent la naissance d'un spectacle à une fois bien rodé, celui-ci sera certainement meilleur", a déclaré Ahmed Rezzak.
Durant tout le spectacle, le public, venu nombreux s'est délecté et s'est totalement relâché, cédant au plaisir de rire aux éclats tout en ayant une pensée profonde à tous les mal-logés.
"La précarité engendre forcement la vulnérabilité, la vie dans les bidonvilles est un véritable fléau qui n'a que trop duré, empêchant tout exercice de citoyenneté tant celle-ci est démunie de l'élémentaire, nécessaire à une vie familiale équilibrée", dira un spectateur.


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