Le gnawa, musique d'extase et de transe. Elle est évasion pour extirper la douleur. Elle est barque quand l'esprit fait «naufrage» " et entraîne l'être vers la transcendance. Comme le blues nord-américain, la macumba latine, le fado portugais ou le vaudou haïtien, basés essentiellement sur la gamme pentatonique. Les chants lancinants sont soutenus par une rythmique propulsée par une guitare ou un gembri et des percussions diverses où l'on distingue souvent le son de castagnettes métalliques. Ces rythmes et ces airs véhiculent une profonde nostalgie. Peut-être celle d'un royaume perdu enfoui dans les sables du désert : métissage ! Gnawa diffusion a été introduit par Amazigh Kateb (fils de l'écrivain Kateb Yacine) avec une bande de copains de Grenoble. Les membres du groupe venus de différents horizons font fusionner des genres comme le rap, le ragga, le reggae, le jazz, le rai, avec un font gnawa. Beaucoup d'artistes se sont inspirés de la musique gnawa pour créer un genre avec des accents chauds, comme le groupe Djil Djillala et Nas El Ghiwane au Maroc et autant de groupes comme Diwan de Béchar (Algérie). La musique gnawa est exportée à l'étranger. A l'origine, l'esclavage Mais d'où vient cette musique de transe ? Dans le gnawa blues, agrémenté de diverses influences intelligemment mixées, l'apport oriental, avec l'introduction de la flûte arabe (ney) accentue l'aspect spirituel et religieux des mélopées et lui donne une couleur particulière qu'on retrouve souvent dans les chants du désert. Des percussions africaines évoquent l'origine des gnawa et confèrent à la musique ce côté lascif propre aux Africains. La mondialisation Les guitares de Paola Radoni et de Marc Le langue, spécialistes du blues, rappellent la filiation qu'il y a entre cette musique née de l'esclavage et celle du blues américain beaucoup plus médiatisée en Occident. «Je suis convaincu que la musique joue un rôle précurseur dans l'éclosion de la mondialisation humaine», disait Paola Radoni. Il y a quelque cinq siècles, l'esclavage et le commerce transsaharien induisirent des migrations vers les pays d'Afrique du Nord et la musique accompagna les populations, se tentant du passage d'influences arabes, berbères. Le gnawa, musique propulsée par des tbel ou def, des castagnettes (qraqeb)et une guitare basse traditionnelle nommée guembri. Le gnawa conduit des transes et est joué dans des fêtes ou a des fins initiatiques, mystiques et même ésotériques (dans des zaouïa, les nuits de la derdba). «Pourquoi nier que le jazz est issu de communautés traversées par des influences culturelles plurielles, où les talents s'exprimaient avec beaucoup de liberté, avec ce sens de l ' audace et de l'aventure de ceux qui n'ont rien à perdre et tout à gagner», disait un jazzman. Cette rencontre a été réalisée entre la musique gnawa, interprétée par le Gnawa express de Tanger et le groupe de Jazz moderne appelé Maak's Spirit, ce dernier emmené par le trompettiste Laurent Blondiau ,le saxophoniste Jeron Van Herzeele et Michel Massot au tuba. Le Malien Baba Sissoko est venu apporter une couleur africaine à l'ensemble. Ici, le gnawa impose ses rythmes immuables et son chant lancinant tandis que le groupe lance des variations improvisées très libres dont la densité monte en puissance au fur et à mesure que la cadence s'accélère. Cette musique gnawa a été ramenée dans les pays du Maghreb par des esclaves noirs venus du Sénégal, du Mali, du Niger, de Guinée …. leur saint patron est Sidi Billal .Ils se sont ensuite métissés à la population locale et se sont formés en confrérie pour créer un culte original mélangeant des apports africains et arabo-berbères. On dit qu' ils sont «africains par la sève et maghrébins par la greffe». Leur saint patron est Sidi Billal Les gnawa pratiquent un rite de possession appelé «derdba» et qui se déroule la nuit. Ce rite rassemble les chefs de culte et les adeptes pour s'adonner à la pratique des danses de processions et à la transe. Les pratiques rituelles, initiatiques et thérapeutiques des gnawa sont animées et conduites par deux types d'intervenants : les maîtres musiciens (maâlem) et leurs troupes, d'un côté, les voyantes thérapeutes, d'autre part. Ils sont les principaux membres de la confrérie et agissent soit de concert, soit séparément selon l'activité envisagée.Les musiciens gnawa se déguisent en deux catégories : les maîtres musiciens et la troupe qui est sous leur direction. Le maître musicien est le garant du culte et de la tradition musicale. L'instrument de musique principal chez les gnawa qui anime la nuit de la derdba (le rite de possession) se nomme le gembri. Cet instrument est joué par le maître. Les troupes jouent au qarqabu, sorte de castagnettes en métal et exécutent les danses. Ils sont généralement les disciples du maître et aspirent à devenir à leur tour maître .Ils réalisent également le contre-chant en répétant en chœur les devises chantées par le maître .Le gembri est un luth tambour à trois cordes et à registre bas. Il est constitué d'une caisse de résonance et d'un manche en bois. Lors de l'introduction de la partie sacrée du rite de possession, les gnawa utilisent deux tambours appelés tbel puis chantent une devise. Un encens particulier que l'on brûle quand l'esprit prend possession d'un adepte. Les danseurs possédés entretiennent tous une relation plus ou moins proche avec un esprit. Lorsque le maître commence à jouer le thème et la devise d'un " «génie», le possédé qui se rattache à cet esprit entre en transe et s' identifie à lui. Comme le fado au Portugal ou le vaudou en Haïti, le gnawa se perpétue à travers les siècles en prenant les couleurs du siècle.