Le fado, cette musique nourrie dans les contrées de l'Afrique, se perpétue à travers les temps, puis prend place dans les pays de la Méditerranée, plus particulièrement au Portugal. Le fado, cette musique triste, exige de la force, du sens, de la cassure, des raclures, des embardées et des plages d'infinie douceur. Elle nous rappelle les «istikhbarat» de la musique chaâbi ou des airs de la musique kabyle : cantates de Taos Amrouche, d'«Ourar», ce chant traditionnel de femmes kabyles, de la musique andalouse ou des cris déchirants sous la danse abrupte et révoltée du flamenco. Chanter les yeux fermés, pour se retirer peut-être. Comme la musique chaâbi, le fado vient des quartiers populaires, de bric-à-brac, entrelacs de linge suspendu et de cages à oiseaux. Le fado était avant tout une musique pour femmes de mauvaise vie. Celles-ci avaient le malheur et la sensualité inscrite dans les veines comme le rire et l'obscénité. Il fut censuré par la dictature, avant de devenir l'emblème d'un Portugal fataliste. Le fado, cousin de l'andalou Il a aussi préparé la révolution de 1974. Cette musique est aussi l'héritière directe du lundum, danse inventée par les esclaves du Brésil, cousine à la fois de la musique arabo-andalouse par son chant ornementé et des joutes poétiques des troubadours. Ce type de chanson méditerranéenne exprime la douleur des femmes qui voyaient partir leurs proches sans savoir si elles les reverraient un jour. Puis il y a aussi ces femmes de marins qui ne cessent de fredonner des airs en attendant que leurs maris reviennent de leurs longs voyages. Chant plaintif, d'amour et de rêves Le raï, qui à présent dépasse les frontières de l'Algérie, est né avant tout dans des sanctuaires où les femmes allaient pleurer leurs proches, ou leurs sorts, avant d'entrer dans des cabarets. Mais le fado est le fruit d'un sentiment bien particulier, d'un état d'âme que l'on vit sans pouvoir l'expliquer ; il est encore aujourd'hui le produit le plus pur et le plus authentique de la culture populaire portugaise. C'est le reflet d'une soumission au destin auquel on est convaincu de ne pouvoir échapper, au sentiment et au cœur qui dominent la raison et mènent au désespoir, chant plaintif, d'amour et de rêves, le mal d'aimer, avec une certaine liberté de ton.