Les délégations du président sud-soudanais Salva Kiir et de l'ex-vice président Riek Machar, chef d'une rébellion qui affronte l'armée depuis mi-décembre au Soudan du Sud, sont arrivées à Addis Abeba mercredi pour entamer des pourparlers de paix. Les premiers membres de la délégation du gouvernement de Juba sont arrivés en début de soirée, quelques heures après la délégation des rebelles, a indiqué la source, sans plus de précisions. Les pourparlers ne devraient cependant pas commencer avant jeudi, avait indiqué plus tôt une source gouvernementale éthiopienne. Selon l'Igad (Autorité intergouvernementale pour le développement en Afrique de l'Est), l'organisation régionale qui doit chapeauter les discussions, les pourparlers porteront d'abord sur la façon de mettre en œuvre un cessez-le-feu, ensuite sur la manière de résoudre les différends politiques qui ont "conduit à (...) la confrontation actuelle". Les Etats-Unis, parrains de l'indépendance du pays en juillet 2011 et son principal soutien depuis, ont qualifié l'ouverture de ces discussions de "premier pas important". La représentante des Nations unies, Hilde Johnson, a elle aussi estimé que le seul envoi des délégations était "positif", mais qu'il faudrait que les négociations s'accompagnent d'un processus "plus profond qui se concentre sur la réconciliation nationale entre les communautés". "Consternation" de l'Union africaine Malgré un ultimatum des pays de l'Igad lancé aux deux parties pour cesser les hostilités au 31 décembre, les combats se sont poursuivis ou continuent de menacer sur le terrain. Le porte-parole du gouvernement a confirmé la prise de la ville stratégique de Bor, capitale de l'Etat du Jonglei (est), par les rebelles mardi, tout en affirmant mercredi que l'armée se trouvait encore "dans les environs". C'est la troisième fois depuis le début des combats que la ville change de mains. Mardi, Riek Machar, qui excluait tout cessez-le-feu et tout face-à-face direct avec Salva Kiir dans l'immédiat, avait précisé que la rébellion marchait aussi sur la capitale sud-soudanaise Juba. Mercredi Hilde Johnson a cependant affirmé que Bor, ainsi que la plupart des foyers de violences des derniers jours dans les Etats d'Unité (nord) et du Haut-Nil (nord-est), étaient "calmes". "Jusqu'ici nous n'avons reçu aucune information sur des combats", a-t-elle ajouté. Le jeune Etat du Soudan du Sud est déchiré depuis le 15 décembre par d'intenses combats alimentés par une rivalité entre Salva Kiir et Riek Machar, limogé de son poste de vice-président en juillet. Le premier accuse le second de tentative de coup d'Etat. Riek Machar nie et reproche à Salva Kiir de chercher à éliminer ses rivaux. Le conflit aurait déjà fait des milliers de morts et près de 200.000 déplacés. Selon le Comité international de la Croix Rouge, des dizaines de milliers de personnes ont notamment fui le Jonglei, et traversé le Nil blanc pour trouver refuge dans l'Etat voisin des Lacs. Des informations ont aussi émergé sur des viols, meurtres, massacres à caractère ethnique. Car les combats revêtent également une dimension tribale : la rivalité entre les deux hommes utilise et exacerbe les antagonismes entre Dinka, tribu de M. Kiir, et Nuer, celle de M. Machar. La Mission de l'ONU au Soudan du Sud (Minuss) a dénoncé les "atrocités" commises dans le pays par les deux camps, et évoqué la possibilité d'ouvrir une enquête. Selon Mme Johnson, des exécutions de civils et de soldats faits prisonniers ont eu lieu à Juba, à Bor mais aussi à Malakal, capitale du Haut-Nil. L'Union africaine a exprimé "la consternation et la déception de l'Afrique de voir la plus jeune nation du continent descendre si vite dans l'abysse de conflits internes", mettant en garde contre le risque d'une "guerre civile totale aux lourdes conséquences pour la paix, la sécurité et la stabilité régionales". Le Conseil de paix et de sécurité de l'organisation panafricaine a aussi promis d'imposer des "sanctions ciblées" à ceux qui "inciteraient à la violence, y compris suivant des clivages ethniques", "poursuivraient les hostilités" ou "commettraient des actes de violence contre les civils et les combattants désarmés".