L'activiste tunisien Moez Garsallaoui serait-il le nouveau responsable d'Al Qaïda pour l'Europe ? La question figure dans les analyses émises par des spécialistes français du renseignement. Cette piste, qui reste pour l'heure une simple hypothèse, a été évoquée par Alain Rodier, l'un des meilleurs connaisseurs français de la mouvance d'Oussama Ben Laden. Ancien officier supérieur des services secrets français, Rodier est directeur de recherche au Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R), le principal think tank hexagonal en matière de renseignement. Garsallaoui est «fortement soupçonné» par les services de renseignement occidentaux d'«être devenu un cadre important» d'Al Qaïda, «désormais chargé des opérations en Europe occidentale». Entre autres missions opérationnelles, il serait chargé d'organiser l'acheminement d'Européens – de souche ou d'origine maghrébine – en Afghanistan, selon l'analyste du CF2R. A l'origine de ces hypothèses de plus en plus récurrentes, l'arrestation à titre préventif, le 11 décembre 2008 à Bruxelles, par la police belge de 14 membres supposés d'une cellule terroriste. Placés sous surveillance policière depuis un an, les éléments du groupe ont été neutralisés deux jours avant la tenue d'un sommet européen dans la capitale de l'Europe. Soupçonnant le groupe de préparer une opération suicide, les services de renseignement du gouvernement de Bruxelles redoutaient une attaque contre le conclave des «27», d'où sa décision d'anticiper une opération coup de poing contre les éléments du groupe. Cinq d'entre eux ont été mis en examen par la justice de Bruxelles. Belges de souche ou citoyens à consonance arabe, ils sont tous détenteurs d'un passeport belge. Il s'agit de Malika El Aroud, Abdulaziz Bastin, Hicham Beyayo, Ali El Gannouti, Youssef Arrisi et Jean Trefois. Le cadet du groupe, Hicham Beyayo (20 ans), était entré le 4 décembre 2008 d'un séjour dans les zones tribales pakistanaises. Il s'y était rendu début 2008 via la Turquie et l'Iran, en compagnie d'autres volontaires. C'est lui qui aurait attiré l'attention du renseignement belge et suscité l'alerte. Dans un de ses mails adressés au Pakistan, il aurait affirmé qu'il «était prêt» à agir, non sans faire ses adieux à ses proches. La Maroco-Belge, dont le premier mari, Abdessater Dahmane, est l'un des deux kamikazes qui a assassiné le commandant Ahmed Shah Massoud le 9 septembre 2001, est l'épouse de Moez Garsallaoui depuis 2004. Le couple a vécu deux ans en Suisse où Garsallaoui a été condamné à six mois de prison. De retour en Belgique en été 2007, le Tunisien aurait rejoint en novembre de la même année le Pakistan puis l'Afghanistan. Depuis, rappelle Alain Rodier, «il aurait adressé à son épouse de nombreux courriers, dont une photo où il pose armé d'un RPG». En septembre 2008, «il aurait appelé une première fois son réseau à commettre des attentats en Belgique par cette phrase diffusée sur le web : ‘la solution mes frères et sœurs n'est plus les fatwas mais Booom...'». Le directeur de recherche du CF2R estime «probable» que dans l'alerte de décembre 2008 à Bruxelles, Garsallaoui ait «servi de liaison entre la cellule terroriste implantée en Belgique et la direction d'Al Qaïda».