L'anthropologue, Tassaadit Yacine, a estimé, mardi à Bejaia, que "l'insurrection de 1871" a constitué un vrai acte de guerre contre le colonialisme. Intervenant lors d'un colloque sur l'insurrection éponyme, l'historienne, professeur à l'Ecole des hautes études en sociologie (Paris), a corroboré sa thèse en mettant en relief "l'importance de l'insurrection", en termes d'engagement populaire et d'espace géographique, et compte tenu de la réponse violente et guerrière de l'armée coloniale. "La secousse qui en a résulté a amorcé avec El-Mokrani le processus de décolonisation", a-t-elle soutenu, rappelant que cette figure de proue de l'insurrection a, ouvertement, déclaré la guerre à l'administration coloniale. Après avoir essuyé par trois fois, un refus de démission du conseil municipal de la commune mixte de Bordj Bou Arreridj, "il a fait une véritable déclaration de guerre", a-t-elle souligné. A l'évidence au-delà des faits anecdotiques, le déclenchement de ce soulèvement populaire, a été le résultat d'un faisceau de facteurs (sociaux, politiques et militaires), dont la conjonction a précipité son éclatement. 30.000 insurgés tués, 300.000 morts, du fait de la maladie et de la famine, elles mêmes induites par la politique de dépossession des terres, les pressions fiscales, qui ont permis à la France de lever une somme de 3 milliards de francs, utilisée pour rembourser sa dette envers l'Allemagne, en étaient autant de motifs mis en avant pour expliquer le recours à la guerre et à amorcer un processus de décolonisation, déjà en route à l'échelle planétaire, notamment en nouvelle Calédonie, Madagascar, l'Indochine, a-t-elle indiqué. Adhérant à cette thèse, l'historien Mouloud Kourdache, a souligné, pour sa part, que la révolte en fait a commencé dès les années 40, avec les soulèvements des populations dans le Hodna, Boussada et M'sila, notamment, et qui ont fini par se sublimer en 1871. Du reste, pour l'administration coloniale, les déclenchements de diversmouvements de résistance dans la région alors, ont tous été imputés à la famille des Mokrani, accusée de fomenter des troubles et de se dresser contre l'occupation. "Il n'y a pas encore de preuves tangibles quant à ces assertions. Mais l'administration, a tout fait pour réduire l'aura et l'influence de cette famille dans la région des Ath-Abbas (medjana et ighil Ali), voire au delà", a-t-il soutenu. Les débats passionnés, sur ce soulèvement populaire, laissent présager de fortes révélations et un éclairage sur cette étape historique. D'éminents historiens, dont Raphaelle Branche, Slimane Zeghidour, Benjamin Stora, George Morin, Abdelmadjid Merdaci, Fouad Soufi, Françoise Vergès, et tant d'autres, sont en effet au programme. Etalé sur deux jours, le colloque, inscrit sous le générique du "Printemps des mots", entend dérouler une quinzaine de conférence sur le thème de l'insurrection et de ses artisans, notamment le rôle de Cheikh Ahaddad et El Hadj el Mokrani. Organisé par la municipalité de Bejaia, la rencontre, a d'emblée réuni au théâtre Abdelmalek Bouguermouh, une assistance record.