«L'investissement seul ne suffit pas pour réaliser une croissance économique en Algérie», a estimé Abderrahmane Benkhalfa, expert financier et ancien délégué de l'Association des banques et des établissements financiers (Abef). S'exprimant hier sur les ondes de la Chaîne III de la radio nationale, l'expert qui a abordé le plan d'action du gouvernement pour les cinq prochaines années a considéré que «pour pouvoir réaliser le taux de croissance de 7% annoncé devant l'APN par le Premier ministre Abdelmalek Sellal, «l'investissement seul ne suffit pas». La croissance doit entre autres se construire non seulement avec l'aide de l'Etat mais également avec l'apport des entreprises, des investisseurs et des promoteurs. «Or relève-t-il, l'investissement continue à être assuré à 90% par l'Etat». Il indique, d'autre part, que «le concept d'économie productive n'apparaît pas fortement dans ce document du gouvernement». Pour M. Benkhalfa, il y a des intervenants qui ne sont pas clairement identifiés dans le plan d'action. Concernant la «doctrine économique de l'Algérie», l'intervenant se demande ce qu'il en est de l'investissement, des flux de capitaux, de la gouvernance économique ou bien encore de la politique de ré-industrialisation et de réorganisation des marchés, «sachant que les marchés fonciers et financiers sont en complète déstructuration». Interrogé sur l'organisation de l'économie et la place des compétences nationales, M. Benkhalfa a fait savoir que même si la partie économique et sociale est bien précisée dans ce plan, celle relative au volet économique est, par contre, «en décalage par rapport au destin de l'Algérie de 2019». Concernant le développement des activités productives énumérées dans le programme du gouvernement, l'invité observe qu'«en dehors de celles de l'agriculture ou de l'industrie, il n'y est nulle part fait mention de celui des services». Notant que si de grands investissements vont se faire au titre de ce plan de croissance, il observe «qu'on ne dit rien sur la façon dont va être appliquée et évaluée la politique de soutien de l'Etat». Selon lui, le pays a besoin d'un «rééquilibrage» entre les objectifs macros et les instruments micros. Il soutient qu'on ne peut arriver à un objectif de croissance de 7% «avec une agence de développement de l'investissement et une agence de l'entreprise à caractère administratif». Relevant que 90% des entreprises algériennes ont moins de 10 employés, il signale qu'on ne peut réellement pas réaliser un taux de croissance de 7% «avec seulement 200 entreprises viables». Pour M. Benkhalfa, il est impératif de changer le mode de gouvernance du secteur public, tout comme celui des entreprises et des banques. «Faute de quoi, prévient-il, ceux-ci seront mis face à une concurrence qu'ils ne pourront pas maîtriser».Revenant sur l'investissement dans la filière économique, l'invité assène «qu'en réalité, nous somme en train de dépenser et non d'investir». Pour y remédier, il appelle à «une rénovation de l'administration publique et à celle du tissu d'entreprises tout comme au règlement de la question de l'investissement étranger et des flux de capitaux». Sur un autre aspect, l'invité dit s'étonner qu'il continue d'exister en Algérie deux économies distinctes : l'une formelle et l'autre informelle. Pour lui, il y également lieu de traiter le problème du dinar, une monnaie «qui a deux valeurs». «Il faut que le dinar soit monnayé sur le marché parallèle ou par des organismes officiels», a-t-il soutenu, regrettant que «ces questions» de dysfonctionnements de l'organisation de l'économie «ne soient pas mentionnées dans le document» de l'Algérie de 2019».