Un peu éparpillés parmi près de 50 000 spectateurs belges, surtout brésiliens, les quelques milliers de supporters algériens qui ont accompagnés mardi les coéquipiers de Sofiane Feghouli lors de leur première sortie au mondial face à la Belgique, ont créé une ambiance exceptionnelle dans les travées du Mineirão. Ils étaient 5000, 6000, 7000 ou peut-être même plus ? Impossible de déterminer un chiffre exact concernant leur nombre, mais ce qui est certain c'est que les supporters algériens n'ont pas manqué le premier rendez-vous de leurs favoris au pays du football. Ils étaient d'ailleurs les premiers à prendre d'assaut la magnifique enceinte del Estádio Governador Magalhães Pinto de Belo Horizonte tôt la matinée du match. Parés aux couleurs nationales, ils n'ont pas cessé d'entonner leur refrain préféré qui fait date depuis le mondial 82 «One, Two, Three, Viva l'Algérie». Ils vont tenter de le faire répéter aux nombreux supporteurs brésiliens, belges et sud-américains qu'ils croisent aux abords du stade. Certes, la prononciation n'est jamais identique, puisque ces derniers ont du mal a articuler, mais c'est tout de même correct. «Les Brésiliens surtout adorent ce refrain. Ils ne ratent aucune occasion pour le chanter en chœur», nous lance Halim, la quarantaine. Comme dans les autres stades retenus pour la Coupe du monde, les Brésiliens restent majoritaires. Ils n'ont pas l'intention de passer à côté de l'événement malgré la vague de contestation sociale qui frappe le pays. Ce n'est donc sans surprise qu'on s'aperçoit que le jaune est la couleur dominante du décor à l'extérieur tout comme à l'intérieur du stade. Au fait quelle équipe compte supporter les fans de la Seleçao ? L'Algérie ou la Belgique ? A cette question, Rodrigo, un jeune de Belo Horizonte nous répond instantanément : «Aucune. Nous les Brésiliens aimons beaucoup le beau jeu. Notre sympathie ira pour l'équipe la plus méritante», assure t-il. Plus tard on s'assura que notre bonhomme n'avait pas tout à fait tort. «Kassamane», le moment le plus émouvant Visiblement moins nombreux que les Belges, les supporters algériens sont, par contre, plus bouillants dans le stade. Leur emplacement est idéal, puisqu'ils occupent une bonne partie des trois niveaux de la première tribune. Pourtant ceci n'est pas du goût de Hichem de Saïda. «C'est vraiment dommage que nous ne soyons pas en face de la caméra principale qui retransmet le match en direct», regrette-t-il. Qu'importe, puisque les images apparues sur l'écran géant montrent régulièrement des Algériens en liesse. Et c'est dans une ambiance extatique que les supporters vont entonner «Kassamen», notre hymne national. C'est sans doute le moment le plus émouvant de la journée. De nombreux supporters sont émus aux larmes. «Ma pensée va aux Chouhada qui sont morts pour que notre pays recouvre sa liberté», affirme Mohamed, un Tergui de Hassi Messaoud, la voix nouée. Le match va donc débuter. Quatre ans après l'aventure sud-africaine, les Verts vont disputer un match de Coupe du monde. Les inconditionnels algériens espèrent, cette fois-ci, voir des buts. «J'étais présent en Afrique du Sud lors de la dernière Coupe du monde et c'était frustrant de ne pas avoir eu la possibilité de fêter au moins un but», déclare un mordu des Fennecs avec un accent kabyle. L'annonce du onze rentrant de Halilhodzic face aux Diables Rouges ne fera pas débat au sein des supporters algériens, même s'ils sont nombreux à avoir souhaité la titularisation de Mandy à la place de Mehdi Mostefa dans le flanc droit de la défense. Mais, dès les premiers ballons parfaitement négociés par le joueur d'Ajaccio face au redoutable Eden Hazard, on a fini par changer d'avis. Pour ce début de match, les hommes de Vahid Halilhodzic défendent bien et font circuler admirablement le ballon sous les olé, olé ! Mais ce n'était pas assez pour inquiéter Courtois. «Les Belges sont prenables, il faut juste oser devant», assure-t-on. Mahrez tente quelques raids sur son côté gauche. Alors que Soudani semblait trop esseulé en attaque. Le match ne s'est pas encore emballé. Le public essaye alors de secouer les deux équipes en exécutant une superbe holà qui a fait tout le tour du stade et qui a duré quelques minutes. Sur le terrain, nos capés sont décomplexés. Et, après une demi-heure de jeu, le scénario idéal va prendre forme quand Feghouli va bénéficier d'un penalty flagrant à l'intérieur de la surface de réparation. Avant même que celui-ci ne fasse justice lui-même c'est l'explosion de joie dans les tribunes. En vérité, nos supporters étaient convaincus que la star du FC Valence est bien consciente qu'une telle opportunité arrive une fois tous les 20 ans pour qu'elle puisse la rater. Feghouli avance à petit pas, fixe Courtois et prend le longiligne gardien de l'Atletico Madrid à contre-pied. Les quelques milliers de supporters algériens se sont levés comme un seul homme, les visages irradiés par un bonheur intense. Leur équipe venait de rompre avec une malédiction qui a duré vingt-huit ans. Djamel Zidane étant jusqu'alors le dernier Fennec à avoir marqué un but en Coupe du monde. «C'est le déclic !» le public algérien est unanime. Grâce à un Mbolhi impérial, son équipe qui réussira à conserver cet avantage jusqu'à la pause, vendra chèrement sa peau aux Diables Rouges. «Mbolhi ! Mbolhi !» A la mi-temps, les supporters algériens veulent fêter cet avantage en allant se désaltérer dans les nombreuses buvettes que compte le Mineirão, car, il fait quand même chaud en cette journée de mardi. Une occasion aussi de décortiquer le jeu des Verts en première mi-temps. A cet effet, tout le monde s'est accordé à dire que la bande à Halilhodzic doit opter pour l'offensive si elle veut au moins préserver son maigre acquis. Malheureusement notre équipe nationale est revenue sur le terrain en montrant le contraire. Les camarades du capitaine courage Madjid Bougherra défendent très bas, et laissent carrément l'initiative de jeu à leur vis-à-vis. Quand l'écran géant a mentionné 66% de possession de balle pour les Diables Rouges contre 34% seulement pour nos capés, cela a fait frémir le public algérien. Mbolhi continue de multiplier les prouesses en gagnant d'abord son duel devant le rentrant Mertens puis en dégageant une balle très chaude suite à un cafouillage devant ses buts. «Mbolhi ! Mbolhi !» scande le public algérien. Malgré un heading de Medjani qui n'est pas passé très loin du cadre belge, la peur de voir son équipe nationale payer cher le prix de son recul ne va pas s'estomper. Surtout après les changements opérés par le sélectionneur belge durant cette seconde période. Wilmots avait, en effet, complètement remodelé son attaque en faisant rentrer tour à tour Mertens, Orighi et Fellaini tout en revoyant le positionnement de Hazard, mis carrément sur le flanc gauche de l'attaque. Ça sent vraiment le roussi, car, les Verts commencent à accuser le coup sur le plan physique. Halilhodzic va répondre du tac au tac à Wilmots en incorporant son joker de luxe Islam Slimani à la place de Hilel Soudani, complètement effacé. L'entrée sur le terrain de l'attaquant du Sporting Lisbonne a fait booster son public, mais pas son équipe, incapable de sortir de sa coquille en seconde période. Entre-temps, Feghouli a essayé tant bien que mal a faire bouger la machine en vain. Et ce qui devait arriver arriva à la 70ème minute du match quand, sur un centre parfaitement dosé de Bruyn, Fellaini saute plus haut que Halliche. La superbe tête lobée du joueur de Manchester United ne laisse aucune chance à Mbolhi. Les milliers de Brésiliens partagent la joie de ce but avec les Belges, tout comme ils l'ont fait sur le but de Feghouli. C'est normal, ils aiment le football. Dans le camp algérien, c'est vraiment la stupeur. Les premières remontrances à l'endroit du sélectionneur national commencent a fuser des tribunes. «C'est ta faute Vahid, s'écria Houari, d'Oran. ça devait arriver, car, avec la tactique ultra défensive que tu as adoptée, il ne fallait pas attendre un miracle de ton équipe.» L'égalisation belge écœure certes les supporters des Verts, mais ces derniers sont restés tout de même debout encore à crier, hurler et sauter. Ils ont essayé de déstabiliser les Diables Rouges en les sifflant copieusement quand ils s'approchaient de la cage de Raïs Mbolhi. «Ce n'est pas le moment de se taire. Nos joueurs doivent sentir qu'on est toujours derrière eux», s'écria un supporter. Mais la réalité du terrain a démontré que les Diables Rouges avaient bel et bien fait basculer le match en leur faveur puisque, dix minutes après le but de Fellaini, un véritable coup de massue va tomber sur la tête des fans algériens, quand Dries Mertens fusille Mbolhi à bout portant. Dépité, le public algérien ne comprenait pas ce qui venait d'arriver à ses favoris. «A force de subir le match, on finit toujours par encaisser des buts», analyse Redouane, de Guelma, qui en a voulu à Halilhodzic au même titre que la plupart des supporters algériens présents. Durant les dernières minutes de la partie, on va assister à un véritable procès du sélectionneur national dans les tribunes réservées aux supporters des Verts. «Vahid, tu as failli tactiquement», s'est mis a crier un émigré de Roubaix. Même s'ils étaient rares, certains supporters ont tenté d'expliquer ce retournement de situation par la force de l'adversaire. «Il ne faut pas blâmer Halilhodzic, après tout, nous avons joué face à l'une des meilleures équipes d'Europe. Nos joueurs ont manqué juste de fraîcheur physique», a tenté d'expliquer, à la fin du match, Imad de Constantine. En dépit de cette amère défaite, les joueurs de l'EN vont quitter le terrain sous les applaudissements de leur public. La communion entre l'équipe et son public est significative. Cela a dû certainement consoler Bentaleb and Co après le bon match qu'ils ont livré lors de leur entrée en lice devant le grand favori du groupe H. Les fans algériens vont quitter le stade déçus par la défaite mais fier de ce qu'ont accomplis leur favoris. Dehors, ils vont faire preuve d'un grand fair-play en félicitant les vainqueurs du jour qui, de leur côté, leur ont souhaité bonne chance pour les deux matches restants du groupe. «C'est vraiment dommage pour nous, on aurait pu prétendre au moins au match nul. Mais, c'est ça le football. Il faut maintenant oublier ce match et penser au prochain qui attend notre équipe face à la Corée du Sud. «Nous seront encore là pour soutenir nos joueurs. Ils peuvent encore compter sur nous», promet un groupe de fans, croisé dans un Mac Donald non loin du stade. Le rendez-vous est donc prit pour dimanche à Porto Alegre.