A l'instar des pays musulmans, le Ramadhan qui débutera aujourd'hui en Algérie est une autre occasion pour confirmer que le marché national n'est pas régulé.Il confirme aussi «l'immoralité» de la majorité des commerçants qui ne ratent pas cette occasion pour doubler et même tripler les prix. Une simple virée dans les marchés de la capitale permet de confirmer que la hausse des prix à la veille du Ramadhan n'est justifiée que par l'opportunisme des commerçants qui font de ce mois sacré la meilleure période pour gonfler leurs recettes. «L'immoralité de certains commerçants est à combattre à travers la prise des mesures dissuasives», a préconisé le président de l'Association de protection et d'orientation des consommateurs de la wilaya d'Alger (Apoce), Mustapha Zebdi. Comme chaque année, on ne déroge pas à la règle en termes d'achats «boulimiques». Durant les trois jours précédant ce mois, les marchés et les supérettes ne désemplissaient pas et de longues files se formaient devant les caisses alors qu'au marché on se bousculait pour faire ses emplettes. A travers plusieurs marchés d'Alger, la hausse des prix a touché plusieurs légumes de saison, produits pourtant en abondance. Les prix de la carotte, la courgette, la tomate, les haricots verts ont enregistré des augmentations allant de 10 à 60 DA voire plus, comparativement à la semaine dernière. Même l'oignon qui était proposé à 17 DA a vu son prix augmenter à 25 DA le kg. La pomme de terre, reine de la table algérienne, est cédée à 50 DA/kg chez la plupart des marchands. En revanche, dans un même marché, les prix diffèrent sensiblement d'un commerçant à l'autre, même si la qualité est pratiquement identique. Un marchand de légumes, au marché de Aïn Naâdja (Alger), a affirmé qu'il lui était difficile de s'approvisionner au niveau du marché de gros de Bougara. Tout a été vendu à 2 heures du matin. Des marchands de gros de l'informel ont tout acheté pour revendre ensuite à des prix plus élevés. Ils savent que les citoyens ne boycotteront pas les produits malgré la hausse des prix, a-t-il estimé. Certains citoyens avaient du mal à cacher leur mécontentement en raison des prix élevés. Une vieille dame regardant l'étal d'un commerce n'a pas fait de commentaire, mais s'est exprimée à sa façon en levant les mains vers le ciel. La crainte des pénuries Pour les viandes rouges et blanches, les quantités exposées dans le marché ont été vendues, surtout les viandes blanches. En se comportant de la sorte, les citoyens craignent une augmentation vertigineuse de ces prix dans les prochains jours, a tenté de justifier un marchand de volailles. Au niveau de la centrale syndicale, où des chapiteaux ont été érigés pour vendre différents produits de base à des prix inférieurs durant tout le mois de Ramadhan, le chapiteau consacré à la vente des viandes blanches était pratiquement vide. Tout a été vendu dès les premières heures, a indiqué un vendeur. Le président d'Apoce a condamné, en premier lieu, la hausse des prix, mais aussi le comportement des ménages. Malgré les appels des associations de consommateurs à la rationalisation des achats, les citoyens ne dérogent pas à la règle et se comportent comme en temps de pénurie en s'approvisionnant en grandes quantités. «Les familles se préparent à une guerre», ironise M. Zebdi. «C'est un problème de confiance entre les citoyens et les pouvoirs publics», a-t-il expliqué, préconisant un travail de sensibilisation pour instaurer cette confiance, qui doit être appuyé par une régulation du marché. «Nous sommes encore dans l'esprit de pays socialiste», a-t-il tenté d'expliquer, estimant que les choses ne peuvent changer sans la contribution des différents intervenants afin de rassurer les consommateurs. «Cela nous fait de la peine de voir ce phénomène», a-t-il confié, avançant que le stockage des produits alimentaires nuit au consommateur qui ignore ses droits. Il insistera, à cet effet, sur la nécessité d'engager un programme de sensibilisation auquel devront contribuer plusieurs acteurs du commerce. Tout en mettant en avant le rôle qu'elles peuvent jouer, il a suggéré la contribution des mosquées afin de réguler le marché. Pénurie de lait en sachet Pour le lait, produit très consommé pendant le Ramadhan, la pénurie a été constatée depuis plusieurs jours avec un accent particulier hier. Une longue file s'est constituée hier matin devant le point de vente de l'usine Colaital de Birkhadem où les citoyens n'avaient droit qu'à huit sachets de lait. Des citoyens fatigués d'attendre plus d'une heure ont exprimé leur colère suite à cette perturbation de distribution imprévue. Ils sont venus de toutes les communes d'Alger, notamment Zéralda, Dely Ibrahim, Hussein Dey, El Harrach et Birkhadem. «Je n'ai pas trouvé de lait en sachet au niveau des magasins d'alimentation générale», a témoigné un père de famille, étonné par ce manque à la veille du mois sacré. L'absence du lait a pour origine la grève des distributeurs, croient savoir certains citoyens. D'autres disent avoir vu des distributeurs vendre le lait en sachet sur la route au prix de 30-35 DA l'unité. Mustapha Zebdi a indiqué, à ce sujet, que son association n'a pas eu d'informations au sujet d'une grève des distributeurs. Mais il a relevé l'existence d'une perturbation au niveau des grandes villes depuis plusieurs jours. Il a parlé, par contre, d'un nouveau phénomène consistant en la vente directe par des distributeurs, privant les commerces d'alimentation générale de leur marge bénéficiaire. L'association a déjà signalé un cas à une laiterie privée qui a promis la prise des mesures nécessaires contre le distributeur concerné par cette pratique illégale. «Les distributeurs veulent prendre la marge bénéficiaire des commerçants», a déploré M. Zebdi, signalant que le lait en sachet est cédé à 30 DA dans certaines villes au su et au vu des directions de commerce, bien qu'il est interdit de vendre le lait subventionné à des prix supérieurs que celui fixé par l'Etat.