L'Association de défense des droits de l'Homme au Maroc (ASDHOM) a indiqué hier à travers un bilan détaillé effectué dans le cadre de sa campagne de parrainage initiée en novembre 2012 pour sensibiliser autour du devoir de solidarité envers ceux qu'elle considère comme des «victimes de l'arbitraire et de l'injustice qui prévalent au Maroc», que ce pays enregistre une nette augmentation des incarcérations à caractère politique et d'opinion puisque «sur 288 détenus de ces deux catégories recensées en mars dernier, elle constate qu'actuellement, ils sont 338 dont 263 purgent une peine d'emprisonnement et 75 sont en liberté provisoire». L'ONG relève que dans cette liste figurent majoritairement des Sahraouis (112), des membres de l'Union nationale des étudiants marocains (Unem), des militants du Mouvement du 20 février, des mineurs et paysans, des journalistes, des syndicalistes, des avocats et défenseurs des droits de l'Homme, des membres de l'Association nationale des diplômés chômeurs du Maroc (ANDCM), des enseignants, des islamistes ou encore des citoyens, jeunes et moins jeunes, ayant participé à des mouvements de protestations populaires. Argument à l'appui, l'association déplore que d'année en année, les prisons marocaines enregistrent un taux important de victimes de l'arbitraire et de l'injustice. «Nous constatons malheureusement que les chiffres de la détention politique augmentent chaque année. Nous sommes passés de 172 au lancement de la campagne, à 338 au jour d'aujourd'hui», souligne-t-elle, signalant que «les autorités marocaines ne reconnaissent pas le statut de prisonnier politique ou d'opinion à ces victimes afin de ne pas être en porte-à-faux par rapport à son discours officiel en termes de respect des libertés et des droits de l'Homme». Des chefs d'inculpation qui évitent toute connotation politique Dans le même sillage, l'ASDHOM constate que les chefs d'inculpation sont désignés par des qualificatifs soigneusement choisis, de sorte que les procès intentés n'aient pas une connotation politique. Ainsi, elle constate que les prévenus sont souvent accusés de violences envers les agents de l'Etat, de rassemblements non autorisés ou armés, de destruction de biens publics, de trafic de drogue, d'entrave à la liberté de travail. Pour étayer ses propos, elle citera pour l'année 2014, les arrestations et procès de nombreux détenus politiques, notamment les militants sahraouis. Ainsi, le 5 juin dernier, le tribunal de Laâyoune a condamné deux militants sahraouis, Moujahid Miyara et Hajoub Khattari, respectivement à 5 ans et un an de prison ferme pour avoir participé en avril 2014 à des manifestations appelant à l'autodétermination au Sahara Occidental. Le 17 juin, après un an de détention préventive, Ali Guach, un jeune Sahraoui, est condamné par le tribunal d'Agadir à 4 ans de prison ferme. Il avait été arrêté le 16 juin 2013 à Guelmim suite à sa participation aux manifestations du 26 février 2008 à Tantan et placé en prison à Aït Melloul avec le groupe de Yahya Mohamed Hafed Izza qui est composé de 17 prisonniers politiques sahraouis, tous condamnés à des peines allant de 4 à 15 ans. Le 18 juin, le tribunal de Laâyoune a reporté au 2 juillet le procès de Abdelmoutaleb Sarir, de Mohamed Babar et d'Alïne Moussaoui. Abdessalam Loumadi, qui a écopé de 10 mois de prison ferme pour «participation à un rassemblement armé, agression contre agents de police, constitution de bande criminelle, a vu son procès en appel reporté au 8 août 2014. Le 2 juillet, le jeune Al-Hussein Abah a été condamné à huis clos par le tribunal de Laâyoune à 5 mois de prison ferme. Ayant passé plus de 5 mois en détention préventive, il a donc été libéré. Cinq autres Sahraouis, à savoir Mohamed Ali Saâdi, Youssef Bouzid, Mohamed Garnit, Yassine Sidati et Aziz Hramech, poursuivis dans le même dossier mais laissés en liberté, ont vu leur procès reporter au 10 septembre 2014. Ils avaient tous fait cinq mois de détention préventive. Le 4 juillet, Mahmoud El Haissan, un journaliste, a été enlevé à Laâyoune. Sa famille qui s'est rendue au commissariat de la ville reste sans nouvelles de lui et craint pour sa sécurité. S'agissant de ce journaliste, on constate que Reporters Sans Frontières ne s'est pas enquis de son cas et n'a émis aucun communiqué dénonçant cet enlèvement. Par ailleurs, alors que dans un récent bilan de sa campagne de parrainage, l'association affirmait que l'année 2013 aura été marquée par une «recrudescence des arrestations et des procès d'opinion au Maroc maquillés en procès de droit commun ou de terrorisme», l'ONG s'inquiète d'ores et déjà de la nette augmentation cette année des incarcérations de représentants de la société civile, des défenseurs des droits de l'homme ainsi que des militants sahraouis.