Le Premier ministre irakien Nouri al-Maliki a accentué les divisions minant son pays en accusant mercredi les Kurdes d'abriter des jihadistes, ignorant les appels pressants à l'unité pour faire face à l'offensive des insurgés qui a précipité l'Irak au bord du gouffre. M. Maliki, un chiite au pouvoir 2006, prête ainsi le flanc aux critiques pointant sa politique confessionnelle et court le risque de compromettre le troisième mandat auquel il tient. Si le soutien kurde n'est pas nécessaire pour former un gouvernement, il n'en est pas moins essentiel pour former un front uni face aux jihadistes de l'Etat islamique (EI) qui se sont emparés de larges pans du territoire à la faveur d'une vaste offensive lancée le 9 juin. Nous ne pouvons pas rester silencieux devant le fait qu'Erbil (la capitale du Kurdistan) est devenue un quartier général pour l'EI, pour le parti Baas (de l'ancien président sunnite Saddam Hussein), pour Al-Qaïda et pour des opérations terroristes, a dit M. Maliki dans son allocution télévisée hebdomadaire. Les insurgés vont être défaits, de même que leurs hôtes parce qu'ils ont échoué à fournir un exemple de partenariat démocratique, a mis en garde M. Maliki dont les forces peinent à reprendre du terrain face aux insurgés après leur débandade initiale. M. Maliki a fustigé dans ce contexte l'initiative du président du Kurdistan irakien, Massoud Barzani, qui envisage un référendum sur l'indépendance de sa région, augmentant le risque de partition du pays. Blocage politique Un mois jour pour jour après le début de l'offensive jihadiste qui a fait des centaines de morts, poussé des centaines de milliers d'Irakiens à fuir et permis à l'EI de proclamer un califat sur une zone à cheval entre la Syrie et l'Irak, les politiciens restent dans l'incapacité de faire front commun. Bien avant l'attaque jihadiste, l'Irak était plongé dans une crise politique cumulée à une escalade des violences meurtrières depuis plus d'un an, M. Maliki étant accusé par ses détracteurs d'accaparer le pouvoir, de corruption et de marginaliser la minorité sunnite. Gouvernement et Parlement étaient paralysés par cette crise, et en raison des profondes divisions, le nouveau Parlement issu des législatives du 30 avril ne parvient toujours pas à enclencher le processus de formation d'un gouvernement appelé par la communauté internationale et les dirigeants religieux irakiens à rassembler toutes les forces politiques. Les déclarations de M. Maliki ne faciliteront pas la tâche du Parlement, qui doit se réunir dimanche après une première séance stérile levée dans le désordre et les insultes le 1er juillet. Le bloc de M. Maliki est sorti en tête des législatives du 30 avril et ce dernier a affirmé qu'il ne renoncerait jamais à un 3e mandat. Le poste de Premier ministre, le plus important des institutions, revient selon une règle non écrite à un chiite, tandis que les sunnites ont la présidence du Parlement et les Kurdes celle de la République. Les divisions confessionnelles font craindre un retour aux atrocités du conflit de 2006-2007 entre chiites et sunnites qui a fait des dizaines de milliers de morts. 53 cadavres découverts Mercredi, les corps de 53 hommes, ligotés et exécutés ont été découverts dans des vergers au sud de Hilla (centre). Selon un employé de la morgue, les corps portaient des impacts de balles dans la tête ou dans la poitrine et les décès remontent à au moins une semaine. Même si la province de Babylone, dont Hilla est le chef-lieu, a été le théâtre de combats entre jihadistes et forces irakiennes, la zone où les cadavres ont été retrouvés n'avait pas connu de violences ces derniers temps. Malgré l'aide des Etats-Unis, de la Russie et des milices chiites, l'armée tente toujours sans grand succès de reconquérir les régions prises par les jihadistes, notamment celle de Tikrit, fief de Saddam Hussein. Alors que l'EI s'approche de Bagdad, neuf soldats ont péri dans des combats avec des jihadistes au nord de Baqouba (60 km au nord de la capitale). Plus au nord, aux environs de Kirkouk, ville pétrolière contrôlée par les forces kurdes, des insurgés ont orchestré une démonstration de force en paradant dans des dizaines de véhicules, dont certains pris à l'armée, arborant armes et drapeaux aux couleurs de l'EI, selon des témoins.