Un avion de ligne malaisien a été abattu jeudi dans l'est de l'Ukraine avec 295 personnes à bord, aggravant brutalement la tension dans le conflit entre Kiev et les rebelles pro-russes. Les autorités ukrainiennes ont accusé ce qu'elles appellent les "terroristes", les rebelles pro-russes qui combattent dans l'est de l'Ukraine, d'avoir abattu le Boeing 777 de Malaysia Airlines à l'aide d'un missile sol-air SA-11, une arme de l'époque soviétique. Le chef de la sécurité d'Etat ukrainienne (SBU) a accusé par la suite deux responsables des services de renseignements militaires russes d'être impliqués dans la destruction de l'avion malaisien, qui effectuait la liaison Amsterdam-Kuala Lumpur. Les chefs des rebelles de la République populaire (autoproclamée) de Donetsk ont démenti toute implication des séparatistes bien qu'à peu près au même moment leur commandant militaire ait déclaré que ses forces avaient abattu un avion de transport ukrainien nettement plus petit, ce qui serait leur troisième fait de ce genre en moins d'une semaine. L'ampleur de la catastrophe - des ressortissants de nombreux pays sont concernés - pourrait servir d'accélérateur à la résolution d'une crise qui a fait plusieurs centaines de morts en Ukraine depuis la chute du président pro-russe Viktor Ianoukovitch en février et l'annexion de la Crimée par la Russie un mois plus tard. Des journalistes de Reuters se sont rendus sur les lieux du drame, près du village de Hrabove (Grabovo en russe), à une quarantaine de kilomètres de la frontière russe, près de la grande ville de Donetsk dans un secteur où des rebelles pro-russes sont actifs. DEBRIS FUMANTS Ils ont vu des débris fumants et carbonisés portant l'insigne bleu et rouge de la Malaysia ainsi que des dizaines de corps dans des champs alentour, autour de l'épave de l'avion. "J'étais dans le champ avec mon tracteur quand j'ai entendu le son d'un avion puis le bruit d'une explosion et de détonations. Puis j'ai vu l'avion toucher le sol et se briser en deux. Il y avait une épaisse fumée noire", a déclaré un témoin, du nom de Vladimir. Malgré le fait que plusieurs avions militaires ukrainiens aient été abattus dans le secteur ces derniers mois, dont deux cette semaine, et les accusations réitérées de Kiev selon lesquelles les forces russes jouaient un rôle direct, les routes aériennes internationales au-dessus de l'Ukraine étaient restées ouvertes. Barack Obama a indiqué que les autorités américaines étaient en train de vérifier si des Américains se trouvaient à bord de l'avion. Un conseiller du ministère ukrainien de l'Intérieur a indiqué qu'il y en avait 23. Les autorités françaises sont elles aussi en train de vérifier la présence de ressortissants français à bord de l'appareil. Au moment où le président ukrainien pro-occidental Petro Porochenko parlait "d'attaque terroriste", Barack Obama était au téléphone avec son homologue russe, Vladimir Poutine. TRÊVE POSSIBLE Les deux chefs d'Etat ont évoqué les nouvelles sanctions économiques imposées à Moscou par Washington et ses partenaires de l'Union européenne visant à contraindre le président russe à faire plus pour faire cesser la révolte des pro-russes de l'Est contre le gouvernement de Kiev. Obama a évoqué la possibilités de nouvelles sanctions, a indiqué la Maison blanche. Malaysia Airlines, dont un Boeing a mystérieusement disparu début mars dans l'océan Indien alors qu'il se rendait à Pékin, a dit que l'aviation civile ukrainienne avait perdu le contact avec le vol MH-17 à 14h15 GMT alors qu'il survolait l'est de l'Ukraine en direction de la frontière russe, avec 280 passagers et 15 membres d'équipage à bord. Selon les données de suivi du vol, l'appareil volait à 33.000 pieds (10.000 mètres environ), soit son altitude de croisière, quand il a disparu. Ce qui irait au-delà de la portée des roquettes de taille plus petites utilisées par les rebelles pour abattre les hélicoptères et les autres appareils de l'armée ukrainienne volant assez bas, mais pas d'un système SA-11 qu'un responsable ukrainien a accusé la Russie de fournir aux rebelles. Un secouriste a déclaré qu'une centaine de morts avaient déjà été comptabilisés et que les débris de l'appareil étaient disséminés sur une zone d'une quinzaine de kilomètres de diamètre. Les séparatistes ont annoncé avoir trouvé une des boîtes noires de l'appareil et ont fait savoir qu'ils pourraient accepter une trêve de deux ou trois jours pour permettre aux équipes de secours de travailler sur le site où s'est écrasé l'avion. Les rebelles sont en train de discuter avec les représentants des autorités nationales pour permettre l'accès des organisations internationales, a déclaré le chef du gouvernement séparatiste de la République populaire (autoproclamée) de Donetsk, Alexandre Borodaï. MISSILE DE 55 KG Un séparatiste habitant la localité voisine de Krasnyi Loutch a dit avoir vu de son balcon l'avion plonger puis avoir entendu deux explosions. Il a nié que les rebelles aient pu abattre l'appareil. "Cela ne peut être qu'un avion de chasse ou un missile sol-air (qui l'a abattu)", a-t-il dit à Reuters, ajoutant que les insurgés n'avaient pas d'armes capables de détruire un avion à très haute altitude. Anton Gerachtchenko, du ministère ukrainien de l'Intérieur, a déclaré que le Boeing avait été "abattu par un système (de missiles) anti-aérien Buk des terroristes". Le Buk est un système de missile guidé par radar des années 70, dit aussi SA-11 Gadfly. Il tire un missile de 55 kg jusqu'à 28 km. Alexandre Borodaï a répondu sur la chaîne de télévision russe Rossiya-24 que l'avion avait été détruit par l'armée de l'air ukrainienne. Le service de presse présidentiel ukrainien souligne qu'il s'agit du troisième incident aérien de ces derniers jours, après la destruction d'un Antonov An-26 et d'un avion de combat Soukhoï SU-25 des forces ukrainiennes. Le commandant militaire des rebelles, le Russe Igor Strelkov, a écrit sur les réseaux sociaux à 13h37 GMT, une demi-heure avant le dernier contact rapporté avec le vol MJH-17, que ses forces avaient abattu dans le même secteur un Antonov An-26, qui sert au transport de troupes. A Kuala Lumpur, le Premier ministre Najib Razak s'est dit "choqué" et a annoncé l'ouverture d'une enquête immédiate. Plusieurs compagnies aériennes, dont Air France et Lufthansa, ont annoncé leur décision de ne plus survoler l'est de l'Ukraine jusqu'à nouvel ordre.