Le "kapi" tire sa révérence: cinq jours après avoir soulevé la 4e Coupe du monde remportée par l'Allemagne, Philipp Lahm, le meilleur latéral droit depuis plusieurs années, a pris sa retraite internationale, à 30 ans à peine mais au sommet. Là où d'autres s'évertuent à vouloir danser une dernière valse après avoir goûté à l'ivresse d'un sacre, avant de souvent finir par un échec, Lahm a donc décidé de sortir par la grande porte, sur la plus suprême des victoires, aux dépens de l'Argentine (1-0 a.p.) en finale du Mondial. La stupéfaction prédomine forcément en Allemagne. Au moment où il s'est saisi dimanche soir du trophée des mains de Dilma Roussef, la présidente d'un Brésil humilié par la Mannschaft (7-1) en demi-finale, personne ne pouvait se douter que le Bavarois s'arrêterait à 113 sélections (5 buts), après 10 ans à occuper le couloir droit de l'équipe nationale. Pas même le Christ rédempteur juché sur la colline du Corcovado de Rio de Janeiro. "Là, j'ai pris pour moi la décision que la Coupe du monde au Brésil serait mon dernier tournoi. C'est le bon moment pour moi" après ce titre, a-t-il expliqué, cité par son agent Roman Grill. Lahm part donc sur un succès, lui qui depuis 2004 avait connu tant d'échecs aux portes de la gloire sous le maillot frappé de l'aigle, et qui a déjà tout gagné en club, entre Bundesliga et Ligue des champions avec le Bayern Munich. Fini le 'loser magnifique' Car celui qui avait forcé les portes du capitanat au Mondial-2010, en l'absence de Michael Ballack blessé, a longtemps symbolisé cette nouvelle Allemagne joueuse, inventive, plaisante à voir, mais qui ne savait plus gagner depuis l'Euro-1996. Il a emmené dans son sillage une génération talentueuse (Klose, Podolski, Schweinsteiger... ce dernier devant "reprendre le brassard de capitaine", selon l'ancien international Lottar Matthaus) mais longtemps complexée par le poids de devoir écrire sa propre histoire. Une génération, qui a eu comme guides Jürgen Klinsmann (2004-2006), et Joachim Löw (depuis 2006) et qu'on a trop tôt fait de qualifier de "loser magnifique" après deux troisièmes places aux Mondiaux 2006 et 2010, une finale perdue à l'Euro-2008 et une demi-finale perdue à l'Euro-2012. "L'équipe est mûre", assurait pourtant Lahm à qui voulait l'entendre, avant la finale contre les Argentins. Et lui-même s'avouait "conscient de disputer peut-être (sa) dernière Coupe du monde", soulignant: "Je vais donc jeter toutes mes forces dans la bataille, être encore plus concentré". Détermination et concentration, voilà deux autres caractéristiques de l'équipe d'Allemagne, dont Lahm est lui-même un concentré. Seul l'Euro manque à son palmarès Sa technique sûre, son intelligence tactique, sa polyvalence, qui l'a dernièrement vu investir avec une réussite implacable le flanc droit du milieu de terrain sous l'influence de Josep Guardiola au Bayern, font de ce joueur, qui ne paie pas de mine du haut de son 1,70 m, le meilleur latéral droit allemand de l'histoire. "C'est un joueur de classe mondiale, il l'a encore prouvé ces dernières semaines, lui a rendu hommage Löw. Il peut être fier de son parcours, c'est un joueur extraordinaire, avec du coeur, de la passion et du caractère." "Arrêter au sommet de sa carrière, en tant que champion du monde, il n?y a pas de meilleure façon de partir. Mais pour la Nationalmannschaft ce ne sera pas facile de remplacer Philipp Lahm comme joueur, comme personne et comme capitaine", a estimé de son côté le dirigeant du Bayern Karl-Heinz Rummenigge. Nul doute, d'ailleurs, que les tentatives de faire revenir à la raison le capitaine ne manqueront pas pour tenter de le convaincre de remporter l'Euro-2016 en France, le seul trophée manquant désormais à son palmarès. Pourtant, alors que la chancelière allemande Angela Merkel lui a exprimé son "plus grand respect pour tout ce qu'il a fait pour l'équipe nationale", le président de la Fédération allemande (DFB) Wolfgang Niersbach déclarait pour sa part avoir "très vite compris qu'il n'était pas question de le faire revenir sur sa décision". Bien avant ce flot d'hommages, Guardiola avait dit, peu après sa prise de fonctions en août 2013, que Lahm est "peut-être le joueur le plus intelligent (qu'il ait) entraîné dans (sa) carrière". L'Espagnol pourra au moins en profiter pleinement encore quelques années. Jusqu'en 2018, date de sa fin de contrat au Bayern.