Le Premier ministre irakien sortant Nouri al-Maliki a finalement accepté de céder le pouvoir, laissant espérer la formation rapide d'un gouvernement d'union à même de combattre l'offensive jihadiste qui a mis le pays à genoux et provoqué une alarmante crise humanitaire. Pour aider à freiner l'avancée des jihadistes de l'Etat islamique (EI) qui se sont emparés de pans entiers du territoire, les ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne se retrouvent vendredi à Bruxelles pour s'accorder sur la livraison d'armes aux combattants kurdes du nord du pays. Le Conseil de sécurité de l'ONU doit, pour sa part, voter des mesures visant à couper les vivres en hommes et en argent des jihadistes en Irak et en Syrie voisine où l'EI occupe également plusieurs régions de ce pays en proie à la guerre civile. Sur le plan humanitaire, la situation des dizaines de milliers de déplacés, principalement de la minorité kurdophone et non musulmane des Yazidis, chassés de leurs régions par les jihadistes, reste très critique, étant installés dans des conditions très dures dans des camps à la frontière syrienne ou dans le Kurdistan. Après avoir pendant quatre jours contesté la nomination de Haïdar al-Abadi pour former le nouveau gouvernement, le très contesté Nouri al-Maliki a décidé de renoncer à briguer un 3e mandat, sous la pression de ses anciens alliés américain et iranien qui l'ont lâché et de la plus haute autorité religieuse chiite du pays. "J'annonce devant vous aujourd'hui le retrait de ma candidature au profit du frère Haïdar al-Abadi", a-t-il déclaré jeudi soir dans une allocution télévisée, avec à ses côtés le Premier ministre désigné et d'autres responsables irakiens. Il a expliqué qu'il cherchait ainsi "à faciliter le processus politique", non sans avoir défendu son bilan durant huit ans au pouvoir, pourtant extrêmement critiqué. Les yeux tournés vers Abadi M. Maliki, un chiite sorti de l'ombre en 2006, a été accusé par ses détracteurs et même ses ex-alliés d'avoir alimenté le chaos en Irak, surtout la montée en force des jihadistes, en menant une politique autoritaire excluant la minorité sunnite dans un pays majoritairement chiite. Sa décision d'abandonner le pouvoir a été qualifiée de "grand pas en avant" par les Etats-Unis et de "pas historique" par le représentant spécial de l'ONU à Bagdad, Nickolay Mladenov. Désormais les yeux sont rivés sur M. Abadi, qui après avoir obtenu un soutien international massif, doit s'employer à former un gouvernement d'union rassemblant toutes les forces politiques pour tenter de sortir le pays de sa plus grave crise depuis des années et d'éviter son éclatement. Après s'être emparés depuis le 9 juin de pans entiers du territoire au nord, à l'ouest et à l'est de Bagdad dans une offensive fulgurante face à laquelle les forces armées sont restées impuissantes, l'EI a jeté des centaines de milliers de personnes sur les routes, détruit des sites sacrés et imposé son autorité. Fort de ces succès en Irak et en Syrie, il a proclamé un califat islamique à cheval entre les deux pays sur les zones qu'ils contrôlent et où il est accusé de persécution des minorités, d'exécutions sommaires et de viols. Depuis une dizaine de jours, ce groupe extrémiste a avancé vers la région autonome relativement calme du Kurdistan chassant des dizaines de milliers de membres des minorités chrétienne et yazidie de leurs villes. Les forces kurdes dépassées tentent, non sans grande peine, de les freiner. Besoin d'avions Pour venir en aide aux forces kurdes et aux déplacés assiégés, les Etats-Unis, dans leur premier engagement militaire en Irak depuis le retrait de leurs troupes fin 2011, ont lancé depuis le 8 août des frappes aériennes quotidiennes contre les positions de l'EI. Ils ont aussi envoyé des armes aux combattants kurdes. A la faveur des raids, le président Barack Obama a annoncé jeudi qu'il ne restait qu'entre 4.000 et 5.000 déplacés yazidis sur les monts Sinjar. Des agences de l'ONU avaient fait état de dizaines de milliers de personnes bloquées sur ces montagnes en début de semaine. "Le siège de l'EI dans les monts Sinjar a été brisé", a dit M. Obama tout en précisant que les frappes se poursuivraient. Les Occidentaux avaient largué ces derniers jours repas et eau aux déplacés sur les monts Sinjar. Des dizaines de milliers d'entre eux sont installés désormais dans des camps au Kurdistan ou à la frontière syrienne. Epuisés par des jours de marche, tous n'ont pas encore reçu l'aide humanitaire promise, l'accès étant très difficile. "Il faut des avions, il n'y en a jamais assez", a reconnu un diplomate européen. "Nous avons été assiégés pendant 10 jours dans les montagnes. Le monde entier parle de nous, mais nous n'avons reçu aucune aide", se plaint Khodhr Hussein, réfugié au Kurdistan. "Nous sommes passés de la famine à Sinjar à la famine dans ce camp".