A la tête d'une majorité de plus en plus étriquée, François Hollande est confronté à l'une des plus graves crises politiques de son mandat dans une situation économique et sociale calamiteuse. Symbole bien involontaire de ce tumulte: c'est sous un déluge que le président de la République a commémoré lundi sur l'île de Sein l'un des premiers actes de résistance qui allait conduire, des années plus tard, à la libération de Paris, dont il devait célébrer dans la soirée le 70e anniversaire, de retour dans la capitale. Une question émerge. Après le changement de Premier ministre et la démission de l'ensemble du gouvernement: quel serait le prochain coup ? Et cette question réveille le spectre de la dissolution. "La base de la majorité présidentielle et parlementaire s'est rétrécie après le départ des Verts du gouvernement dans la foulée de la nomination de Valls et elle se rétrécira encore davantage si les députés "frondeurs" sont soutenus par Arnaud Montebourg et Benoît Hamon", le ministre sortant de l'Education, observe le politologue Frédéric Dabi (Ifop). Quant à Bruno Jeanbart (opinionWay), s'il estime qu'"on n'en est pas encore" à la dissolution, il souligne le risque de voir se développer "une sorte d'opposition interne avec les frondeurs, Hamon et Montebourg pour réclamer une autre candidature en 2017 que celle de François Hollande". Après l'ancienne ministre du Logement Cécile Duflot et son livre vengeur sur ce président qui, "à force d'avoir voulu être le président de tous (...) n'a su être le président de personne", la ministre sortante de la Culture Aurélie Filippetti a fui le navire lundi, préférant "la loyauté à ses idéaux" au "devoir de solidarité" gouvernementale. "Contact permanent" Hollande/Valls François Hollande fait face à sa énième crise politique depuis son élection après le tweet dévastateur de son ex-compagne Valérie Trierweiler, ses premières vacances présidentielles au Fort de Brégançon assimilées par certains à une vacance du pouvoir, les affaires Leonarda et Cahuzac ou la claque des municipales et des européennes avec un Front national à 25%. A ces crises politiques s'ajoute le feuilleton de sa vie privée, sa séparation d'avec Valérie Trierweiler et sa liaison avec l'actrice Julie Gayet qui a encore alimenté la chronique estivale. Les sondages sont à l'aune du désamour des Français. Le chef de l'Etat a certes gagné deux points de popularité au mois d'août, mais à 16% seulement selon YouGov, et à 23%, selon l'institut CSA. Dans sa chute, il entraîne la popularité de son Premier ministre par le fond, cinq mois à peine après sa nomination à Matignon. Plus de huit Français sur dix ne font pas confiance au gouvernement sortant pour améliorer la situation économique, lutter contre un chômage en augmentation constante depuis huit mois consécutifs et relancer la croissance, nulle au second trimestre comme au premier. Dans la tourmente, le couple exécutif tente de jouer l'unité. La démission du gouvernement a fait l'objet d'un "consensus absolu" entre François Hollande et Manuel Valls, clame l'entourage du président de la République alors que, selon des informations de presse, Manuel Valls aurait mis sa démission dans la balance pour obtenir la tête du ministre de l'Economie Arnaud Montebourg. A l'Elysée, on assurait que François Hollande et Manuel Valls, "en contact permanent", s'étaient au contraire répartis les rôles. Au premier, "la réaffirmation du cap et de l'accélération des réformes". Au second, le soin de tester la loyauté des ministres, du moins ceux susceptibles d'être reconduits, reçus un à un lundi à Matignon. "Le choix d'une démission de l'ensemble du gouvernement visait à s'assurer que le nouveau s'inscrirait totalement et réellement dans la cohérence de la ligne fixée par le chef de l'Etat", expliquait-on de même source. Il "n'y a ni précision ni codicille à apporter", insistait-on encore. Un proche du chef de l'Etat le disait lundi "déterminé, serein", assurant qu'il n'avait "aucun doute sur le fait qu'il était indispensable de faire preuve d'autorité". Sur l'île de Sein, François Hollande s'est abstenu de toute allusion directe à cette tempête politique même s'il s'est attaché a glorifier "le message" de cette île: "il n'y a pas de péril, pas de difficulté que nous puissions surmonter dès lors que la volonté existe, dès lors que le rassemblement se fait".