S'il est une caractéristique que l'on retrouve dans les œuvres de Bettina Heinen Ayech, c'est bien l'éclectisme,depuis les paysages d'El Oued Hammam Meskhoutine, les scènes à résonance sociale, jusqu'aux tableaux intimes. Si elle découvre une joie sans cesse renouvelée des riches coloris des champs de blé parsemés de coquelicots et des oliviers, c'est surtout à Guelma, sa ville d'adoption, et dans la Mahouna qu'elle trouve son inspiration la plus durable et la plus intense. Tout le talent de cette artiste se trouve dans sa capacité de combiner ses sensations et les expressions qu'elle en donne… «Elle possède l'art d'organiser symphoniquement les couleurs. Le monde monte à elle comme une mer de visions colorées», multiples, complexes, mêlées les unes aux autres. Les couleurs ne vivent pas par elles-mêmes, toutes entrent dans chacune d'entre elles pour la détruire et la recomposer. Les aquarelles de Bettina sont comme un prisme où la nature se reforme toute seule dans le jeu et la pénétration réciproque des tons, des ombres, des reflets et de la lumière. Bettina crée entre des accords aigus des stridences, des dissonances, des harmonies avides Cette lumière, Bettina la découvre dans ce pays qu'elle sillonne et qui lui donne cette inspiration… le soleil, la lumière. «Tous les Méditerranéens ferment leurs persiennes surtout en été. Moi, je n'ai jamais pu faire cela ! Sans lumière, j'ai l'impression d'être enterrée... J'étouffe.» Bettina crée entre des accords aigus des stridences, des dissonances, des harmonies avides. Elle asperge ses étoiles de couleurs qui giclent sur le support ; de même elle les farde d'orange, de bleu indigo, de jaune, de chrome, de verts acides comme des pommes pas mûres, de verts tendres comme l'herbe des prés. Au gré de sa fantaisie, elle les «pomponne» de châtain, de rose nacré, de roux cuivré chauffé au niveau du mordoré . Elle organise de la sorte des joutes endiablées de couleurs vives et les «saoule» avec les alcools violents de teintes exquises. Des œuvres pures Quant à la lumière, elle s'en sert comme d'une lanterne magique allumée aux feux de la rampe qu'elle promène comme une enchanteresse poétique pour les éclairer de reflets imaginaires, de lueurs blafardes. Les œuvres de Bettina ont cette pureté, cette transparence du ton, cette magnificence intacte émanant de la matière même, tellement dure et condensée qu'elle semble, comme un diamant noir, rayonner sa propre lumière. La vallée de la Seybouse, la Mahouna, Biskra lui donnent une inspiration fougueuse… Elle est la conteuse puissante de la campagne. Bettina peint cet olivier dont le feuillage luit, presque noir ; son tronc est tourmenté, son environnement avide, mais ses myriades de feuilles argentées bruissent d'une musique secrète et nostalgique à la moindre brise. C'est cette musique, si énigmatique, si difficile à interpréter que cette artiste cherche à saisir. Bettina chante la nature, son œuvre est un poème dont chaque vers nous séduit davantage, dont les rimes nous ramènent à l'essence de notre terre, l'eau, la lumière, les arbres… Cette beauté sincère nous touche au plus profond de notre être. Dans la simplicité de son œuvre, Bettina met en lumière nos regrets face au temps révolu dont seule la nature demeure un témoignage vivant.