Les Etats-Unis, aidés par l'essor du schiste, sont en passe de devenir les premiers producteurs d'hydrocarbures liquides de la planète, ce qui se traduit par une plus grande abondance de l'or noir dans le reste du monde, responsable en partie de la chute actuelle des prix, selon les experts. La production en hydrocarbures liquides du pays le plus grand consommateur de brut de la planète est en effet, depuis ces derniers mois, au coude-à-coude avec l'offre saoudienne et pourrait même la dépasser prochainement. Grâce au boom récent du pétrole non conventionnel, les Etats-Unis ont extrait 11,6 millions de barils par jour (mbj) en juin et 11,5 mbj en août, comme l'Arabie saoudite, selon l'Agence internationale de l'énergie (AIE) qui publiera prochainement ses chiffres pour septembre. Pour Francisco Blanch, qui dirige la recherche sur les matières premières chez Bank of America, les Etats-Unis sont même déjà arrivés "aisément à la première place" au premier semestre. "Il s'agit de très loin de la plus importante et de la plus rapide croissance de production de l'histoire américaine", ajoute-t-il. "Dans les années 1920, ou 30 ou 40, l'offre augmentait d'un mbj par décennie, maintenant c'est tous les ans!", précise-t-il. Depuis son plus bas de 2008, lorsque le pays était empêtré dans la crise financière, la production de pétrole brut américaine a bondi de près de 60%. Une telle explosion de l'offre n'est pas restée sans conséquence. "La réduction des importations" de brut étranger qui en résulte, "tout comme la hausse des exportations de produits raffinés américains vers l'étranger se traduit de facto par une plus grande abondance d'or noir dans le reste du monde", relève James Williams, expert de WTRG Economics. Ce boom, "combiné à la croissance mondiale en berne, est en grande partie responsable de la chute actuelle des prix" mondiaux, remarque-t-il. Malgré les vives tensions géopolitiques, les cours du brut ont chuté d'environ 20% depuis juin à New York comme à Londres. La dépendance énergétique des Etats-Unis s'est considérablement réduite, provoquant selon certains analystes un désengagement du pays sur la scène internationale, notamment au Moyen-Orient. "Les Etats-Unis ne dépensent plus que 1,5% de leurs revenus dans l'achat d'hydrocarbures et de gaz étrangers", écrivent les analystes de Bank of America. En revanche, à 420.000 bj début octobre, les exportations de brut américaines sont les plus importantes depuis 1957, et pourraient bientôt atteindre des sommets historiques. Mais cette manne pourrait ne pas être éternelle, préviennent les experts. "La révolution du schiste est le résultat du développement des techniques comme le forage horizontal ou la fracturation hydraulique, mais aussi du niveau élevé des prix qui permet de les financer", note James Williams. "Si les prix baissent encore de 10 ou de 15 dollars, l'exploitation des bassins de schiste ne sera plus rentable et la croissance de la production prendra fin", prévient James Williams. Les Américains ont investi dans le secteur pétrolier 200 milliards de dollars en 2013.