Alors que vous roulez tranquillement sur l'autoroute Est-Ouest, serein et - pourquoi pas - heureux, vous pouvez soudainement vous retrouver face à un problème inattendu qui, non seulement tempère vos ardeurs de grande évasion, mais aussi vous ramène sur terre, des fois que vous avez la tête dans les nuages d'un bonheur simple. Le problème ? Vous apercevez un ralentissement inattendu de la circulation et une concentration de voitures dont vous n'avez pas encore soupçonné la présence sur la route, tellement la circulation était fluide jusque-là. En fait, le problème est aussi simple que certains bonheurs : sur l'autoroute, il n'y a plus… d'autoroute ! Si vous l'avez seulement entendu, vous avez toute la latitude et surtout tout le temps de le vérifier de visu. Il arrive qu'on exagère mais on ne raconte pas que des crasses sur l'autoroute. Sinon, on ne l'aurait pas attendue si longtemps, on n'aurait pas retardé autant de fois l'échéance de son achèvement, on n'aurait pas changé autant les sociétés de sa construction, on n'aurait pas parlé autant des «irrégularités» dans la gestion de sa réalisation, on n'aurait pas parlé d'autant de tronçons mal faits ou rapidement détériorés et on n'aurait pas parlé avec autant de sourires dans le coin des lèvres et de haussements d'épaules entendus. Mais qu'est-ce qui est plus sérieux, avoir entendu tout ça ou en découvrir les indicateurs sur l'asphalte ? Si vous allez vers l'Est, votre découverte sera très rapide. Même si vous ne faites pas toute une histoire pour des craquelures sur le bitume, parce que de toute façon, vous en avez vu d'autres et bien pires, vous serez toujours rattrapé par quelque chose de plus sérieux. A moins de cent kilomètres d'Alger, une fois dépassées les merveilleuses gorges de Palestro que vous ne verrez pas parce qu'elles sont sur l'ancienne route, vous voilà à faire une dizaine de kilomètres en plus de temps qu'il n'en faut pour parcourir deux cents, en terrain et temps «normaux». Si vous allez vers l'Ouest, il paraît que c'est légèrement mieux. Le reste… reste inchangé, si vous prenez l'autoroute, attendez- vous à ce que n'importe où, à chaque instant, il n'y ait plus d'autoroute. Vous pouvez toujours avoir les meilleures dispositions du monde pour vous contenter du minimum, on vous rappellera quand même que vous ne l'avez pas, même sur une réalisation grandiose. Les nids-de- poule, les tronçons lézardés, les panneaux de signalisations approximatifs, des fous qui surgissent des buissons pour une traversée tranquille, les bandes d'arrêt d'urgence devenues files de circulation «normale», les brigades mobiles inexistantes, des «barrages impromptus», des criminels du volant en liberté totale, les stations-service qui n'arrivent pas, les relais inexistants… Ce n'est pas seulement sur quelques tronçons que l'autoroute cesse d'être une autoroute, mais bon... Si on doit encore être heureux que sur l'essentiel du parcours la circulation soit à sens unique, ça peut aller. Sinon, pour l'autoroute, il faudra encore attendre. On a déjà assez attendu comme ça mais on ne devrait pas en avoir pour longtemps. Si tout va bien. Sauf que l'autoroute a été «inaugurée», si nos souvenirs sont bons.
