La communauté internationale a mis en garde contre une "confiscation" du pouvoir par l'armée, au Burkina Faso, tout en appelant à une transition "civile" et "consensuelle", alors que l'opposition et la société civile se préparent à une démonstration de force ce dimanche dans la capitale Ouagadougou. Depuis la démission et la fuite du président Blaise Compaoré, chassé après 27 ans au pouvoir par une insurrection populaire et réfugié en Côte d'Ivoire, deux militaires se sont autoproclamés chef de l'Etat, le lieutenant-colonel Isaac Zida et avec le chef d'état-major des armées, le général Nabéré Honoré Traoré, affirmant tous deux vendredi assumer et conduire cette période de transition. Les hauts gradés de l'armée ont mis fin à leurs dissensions et ont désigné samedi "à l'unanimité" le lieutenant-colonel Isaac Zida, 49 ans, numéro deux de la garde présidentielle, comme chef d'un régime de transition, aux dépens de son rival, le général Nabéré Honoré Traoré. Mise en garde de la communauté internationale Face à cette situation confuse et incertaine qui menace la stabilité de ce pays de l'Afrique de l'Ouest, la communauté internationale a multiplié ses appels, notamment aux autorités militaires, pour une transition civile et pacifique pour ne pas affecter négativement la sécurité et la stabilité régionales. L'Union africaine, par la voix de la présidente de sa Commission, Nkosazana Dlamini-Zuma, a exhorté "les acteurs politiques et la société civile du Burkina Faso à travailler ensemble dans un esprit de consensus et de responsabilité pour convenir d'une transition civile et inclusive devant déboucher sur la tenue, aussi rapidement que possible, d'élections libres, régulières et transparentes". Après ce soulèvement populaire qui a fait une trentaine de morts et une centaine de blessés, Mme Dlamini-Zuma a estimé qu'une transition civile et consensuelle répondrait non seulement aux aspirations légitimes du peuple du Burkina Faso au changement et à l'approfondissement de la démocratie, mais faciliterait également la mobilisation de l'appui international nécessaire pour permettre une sortie de crise réussie. Cette prise de pouvoir militaire qui va à l'encontre de la Constitution burkinabè, suspendue par le lieutenant-colonel Zida, selon laquelle le président de l'Assemblée doit assurer l'intérim, a été condamnée par les Etats-Unis qui ont appelé à la tenue des élections présidentielles libres et équitables. "Nous exhortons les dirigeants civils d'être guidés par l'esprit de la Constitution du Burkina Faso et d'organiser au plus vite des élections présidentielles libres et équitables", a déclaré Jen Psaki, porte-parole du département d'Etat américain, ajoutant que les Etats-Unis regrettaient les pertes humaines de cette semaine dans la pays et appelaient toutes les parties concernées à éviter de nouveaux épisodes de violences. Evoquant la menace de sanctions, l'émissaire de l'ONU pour l'Afrique de l'Ouest, Mohamed Ibn Chambas, qui s'exprimait au nom de la mission de concertation tripartite ONU-Union africaine - Cédéao, a appelé dimanche à la mise en place d'un régime de transition "conduit par un civil" et "conforme à l'ordre constitutionnel". M. Ibn Chambas a souligné que la mission de concertation s'est entretenue avec la hiérarchie militaire et le lieutenant-colonel Zida, qui ont "assuré avoir bien compris le message délivré". Les "forces vives" du pays défient l'armée Se voulant rassurants pour éviter le spectre d'une junte autoritaire, les militaires se sont empressés d'affirmer que cette transition se ferait de manière démocratique, en concertation avec l'opposition et la société civile. Mais l'opposition et la société civile, ont refusé catégoriquement une "confiscation" du pouvoir par l'armée et ont appelé à un nouveau rassemblement dimanche sur la place de la Nation, rebaptisée par le peuple "place de la Révolution", pour exiger "le caractère démocratique et civil que doit avoir cette transition". "La victoire issue de l'insurrection populaire appartient au peuple, et par conséquent la gestion de la transition lui appartient légitimement et ne saurait être en aucun cas confisquée par l'armée". Sur le terrain, le lieutenant-colonel Zida a annoncé la réouverture des frontières aériennes. Quant au couvre-feu, il reste en vigueur de 22H00 (contre 19H00 auparavant) à 06H00. La volonté du président Compaoré, qui était arrivé en 1987 au pouvoir par un coup d'Etat, de réviser la Constitution pour lui permettre d'être une nouvelle fois candidat à la présidentielle de 2015 était à l'origine de la protestation populaire, qui a littéralement embrasé le Burkina Faso.