Ambiance particulière, hier matin, dans le quartier populaire de Bab El-Oued à l'occasion de l'élection présidentielle. Cet événement politique a été au centre des discussions entre les habitants de Bab El-Oued, toutes catégories d'âge confondues, notamment aux alentours des centres de vote. L'élection s'est forcément et inévitablement ajoutée aux préoccupations des gens de ce quartier populaire où l'on prend un malin plaisir à commenter toute l'actualité nationale, voire internationale, où l'on respire surtout football et vit au rythme de la balle ronde et des performances des «frères ennemis» du MCA et de l'USMA. Jeunes et vieux accostés aux environs des établissements scolaires retenus pour ce scrutin discutaient du prochain derby du Mouloudia contre le CR Belouizdad, des matchs de la veille en Ligue des champions d'Europe, mais aussi de cette quatrième élection présidentielle plurielle dans l'histoire de notre pays. Beaucoup d'entre eux s'attendaient à ce que cette élection connaisse le même sort que les spectaculaires matchs européens de la veille et tablaient sur une victoire écrasante de Abdelaziz Bouteflika, grand favori pour succéder à lui-même au poste de premier magistrat du pays. «Bouteflika va écraser ses adversaires comme l'ont fait Chelsea et Barcelone contre respectivement Liverpool et le Bayern Munich mercredi soir», lance un sexagénaire, dissuadé de se rendre aux urnes par «le manque de suspense». Pour lui, cette élection n'est qu'une «simple formalité pour Bouteflika, vu le poids de ses concurrents». «Bouteflika comme Chelsea et le Barça !» L'affluence en début de matinée, à l'ouverture des centres de vote, a été mitigée. «Il n'y a pas grande foule, mais le taux de participation est appréciable par rapport aux dernières élections législatives. L'on s'attend à un afflux plus important durant l'après-midi où les gens ont l'habitude d'accomplir leur devoir électoral après le déjeuner et l'accomplissement de leurs tâches de la vie courante», explique le président de l'un des bureaux de vote du centre Mohamed-Boudiaf où l'on a retrouvé des représentants de Moussa Touati du FNA, Louisa Hanoune du PT, et une représentante du candidat Abdelaziz Bouteflika, venus superviser l'opération de vote. Ces contrôleurs ne cachent pas leur satisfaction sur le premier taux de participation et sur le déroulement de l'opération. «Tout se déroule dans le calme et dans les meilleures conditions. On n'a relevé aucun problème jusque-là. Même le nombre de votants est considérable en cette matinée. C'est de bon augure lors que l'on sait qu'il n'y avait pas un tel engouement dans ce quartier au cours des derniers scrutins», nous confie le représentant de Moussa Touati. Aux environs de 10h30, l'affluence a nettement augmenté au niveau du centre Akid-Lotfi, situé juste derrière celui de Mohamed-Boudiaf. Ce sont surtout les personnes âgées qui se sont rendues en grand nombre aux urnes. Agé de 85 ans, El-Hadj Abdellah a bravé le mauvais temps et tenu à accomplir son devoir électoral. Essoufflé par les escaliers, El-Hadj Abdellah, appuyé sur sa canne, est ravi de pouvoir voter encore. «Je n'ai raté aucun rendez-vous électoral depuis l'Indépendance. Tant que mes jambes répondent bien, je continuerai à voter quelles que soient les conditions climatiques. Je trouve que la pluie de ce matin est un bon signe (fel khir) «, nous a-t-il affirmé, tout fier. A sa descente des escaliers, il a rencontré une vieille femme de 82 ans qui a tenu elle aussi à exprimer sa voix. Accompagnée de sa belle-fille, «Na Fatima” est ravie de se rendre aux urnes. «J'ai insisté pour qu'on me ramène au centre pour voter», dit-elle.
Les femmes en force A Bab El-Oued, les femmes ont voté en grand nombre. En début d'après-midi, des files ont commencé à se former au niveau des bureaux réservés aux femmes au centre Saïd-Touati. Après l'accomplissement de leurs tâches ménagères, les femmes, jeunes et moins jeunes, certaines accompagnées de leurs enfants et petits-enfants, ont rallié les bureaux de vote. «C'est la première fois que je vote et je suis aux anges», affirme la jeune Fatiha, allant jusqu'à brandir ostentatoirement sa carte de vote et clamer haut et fort son soutien au président sortant. «Je suis pour un troisième, quatrième, cinquième… mandat de Bouteflika qui a réhabilité la femme algérienne», explique-t-elle. Farid, un jeune de 26 ans, venait, lui aussi, d'accomplir pour la première fois son devoir électoral. «Je suis venu pour voter dans l'espoir de voir nos conditions de vie s'améliorer. J'espère que toutes les promesses seront tenues, notamment à l'égard des jeunes. Moi, je souhaite surtout être dispensé du service militaire», lâche Farid. Nombre de jeunes ne disposant pas de carte de vote ont envahi le bureau d'orientation au niveau du centre Saïd-Touati et ils ont été rassurés par les responsables en place. «Si vous êtes inscrits sur la liste électorale, vous pourrez voter avec une pièce d'identité», leur a dit le responsable du bureau d'orientation. «Je n'ai pas récupéré ma carte et je suis venu pour participer aux élections, car j'ai appris que je peux le faire avec ma carté d'identité nationale», nous a déclaré Saïd, un trentenaire au chômage. «Après le rétablissement quasi définitif de la paix, on espère, à présent, plus de postes d'emploi pour les jeunes, ceux de Bab El Oued en particulier. Notre quartier, martyrisé par les événements du 5 octobre 1988 et les terribles inondations de 2001, mérite plus d'égards», ajoute cet habitant de Bab El Oued qui a vécu hier une journée pas comme les autres.