La Gendramerie nationale vient d'arrêter à Hassi Bahbah, dans la wilaya de Djelfa, un escroc qui se faisait passer pour un cadre du ministère de la Justice. Bien évidemment, si le «business» du faux cadre du ministère de la Justice a été prospère, puisqu'il aurait arnaqué une vingtaine de personnes avec promesse de divers services, c'est qu'il avait largement de quoi s'inspirer chez de… vrais cadres, de la justice ou d'ailleurs. Voilà ce que nous écrivions, il y a plus de deux ans, dans ce même espace : «Tous les Algériens n'ont peut-être pas ce fantasme, mais ils sont nombreux à en baver : jouir d'une autorité à faire valoir en cas de «nécessité». Pas seulement en cas de nécessité, même si ce ne sont pas les situations en la matière qui manquent, les choses étant au point où elles sont. Se revendiquer de la police, de la gendarmerie, du DRS, de la haute administration publique, du Parlement (tiens !), d'un ministère ou de l'autorité locale est pour tout le monde – enfin presque tout le monde – une façon comme une autre de décliner sa fonction. Pour qu'il n'y ait pas d'équivoque, on a d'ailleurs inventé des mots bien «spéciaux» pour ça. Des termes dont on ne sait s'ils relèvent d'une pudeur feinte ou de l'arrogance expresse, ce qui, de toute façon, est du pareil au même. Quand on clame qu'on est de la «houkouma» ou plus… grave, de la «doula», personne ne se trompera sur votre intention, que vous le décliniez dans un état enragé ou dans la discrétion d'un coin où vous entraînez votre interlocuteur, le résultat est le même. Personne ne fait ça pour le «plaisir». Encore moins pour défendre la veuve et l'orphelin. Tout le monde est rompu à la chose parce que la cause est entendue, le rituel consacré. On ne se revendique d'une autorité que pour… revendiquer des passe-droits, rendre «normal» un abus ou tout simplement frimer pour pas grand-chose, façon d'impressionner son monde. Et derrière ces comportements et les appréciations qu'on en fait, il y a des questions de fond. Les Algériens ayant acquis depuis longtemps que la doula, la houkouma, la police, la gendarmerie, les ministères, le Parlement et le haut fonctionnariat, c'est surtout «ça», ne voyant ni indice ni même… raison pour que cela change, se sont résignés à subir ou ont tenté de se faire une place pour sauver leur peau. C'est ainsi que régulièrement, de petits roublards se découvrent à l'occasion des fonctions qu'ils n'ont pas dans la vraie vie pour revendiquer un privilège ou plus souvent un droit élémentaire. Ils ne sont pourtant pas les plus à blâmer. Si de faux policiers, de faux officiers de l'armée, de «faux» députés et de faux hauts fonctionnaires vont régulièrement à la chasse aux privilèges, c'est que les «vrais» ne s'en privent pas. Non seulement les faux accèdent aux privilèges parce que les vrais ont déjà donné l'exemple, ils parviennent aussi à escroquer de pauvres bougres suivant la même logique. Et si de pauvres bougres, par désespoir, par déni de droit ou simplement par cupidité ordinaire se font régulièrement plumer par de petits et grands arnaqueurs usurpateurs de fonctions qui leur promettent qui un logement, qui un emploi pour le fiston, qui un prêt bancaire, c'est que le business est prospère chez ceux qui exercent vraiment les fonctions en question. Le fait est d'ailleurs caractéristique, la presse fait régulièrement état de faux hauts fonctionnaires, faux policiers, faux officiers de l'armée… arrêtés pour escroquerie pour usurpation de fonction. On ne peut pas dire que l'interpellation de «vrais» soit aussi régulière. Eux réussissent toujours leurs coups pour des raisons évidentes, dont la plus importante : leur business est en «CDI», ils n'ont donc aucun intérêt à le griller ! Quant aux faux, ils font comme tous ceux dont la situation est précaire : profiter un max de la moindre opportunité, même en prenant tous les risques. Ils sont les sous-traitants de la vraie doula qui, elle, fonctionne «normalement».